Scandale/Fraude sur la nationalité ivoirienne : Un très puissant réseau d’étudiants faussaires démantelé

Par Soir Info - Fraude sur la nationalité ivoirienne. Un très puissant réseau d’étudiants faussaires démantelé.

© Autre presse par DR Commissaire divisionnaire Bakayoko Soualiho, patron du Service des investigations et du contentieux (Sic) de l`Office national d`identification (Oni).

La lutte acharnée que mène le commissaire divisionnaire Bakayoko Soualiho, patron du Service des investigations et du contentieux (Sic) de l'Office national d'identification (Oni), contre les faussaires sur la Carte nationale d'identité (Cni) et autres documents administratifs vient, une fois de plus, d'être couronnée par le démantèlement d'un puissant gang qui a des ramifications dans le milieu estudiantin de Côte d'Ivoire.

Ce gang s'est donné des moyens industriels pour produire, à grande échelle, tous les documents administratifs ivoiriens. Sey Bi Séhi Martin, 31 ans, étudiant en mines et géologie, Gaure Luc Florentin Patrice, 40 ans, étudiant en géographie, Yao Kouamé Lazare, étudiant en géographie et Téhé Arsène, 29 ans, étudiant en droit, sont les principaux « maillons humains » du système. A ce quatuor d'étudiants, s'ajoute Tioman Eba Jean-Louis, agent commercial dans une entreprise de la place. Collaborateur bénévole du service d’enrôlement, il forme, avec ces étudiants, cette bande infernale qui établit, sur la base de faux documents administratifs, de vraies fausses attestations d'identité, des Cni, des casiers judiciaires et autres.

Ainsi Gaure Luc Florentin Patrice, présenté comme le cerveau de la bande, Sey Bi Sehi Martin, Tioman Eba Jean-Louis, Tehé Arsène et Yao Kouamé Lazare ont-ils été arrêtés et déférés, le 5 mai 2018, pour « faux en documents administratifs, faux et usage de faux ». Ces 5 faussaires sont d'un genre particulier. Ils parviennent à faire établir, pour les besoins de leurs clients, tous documents administratifs établis en Côte d'Ivoire par les administrations publiques. Installés à Yopougon, dans leur Qg du quartier Koweit, ils fabriquent et délivrent « des actes de naissance, des actes de décès, des actes de mariage, des attestations d'identité, des certificats de genre de mort, des certificats de non-contagion, des procurations spéciales, des Procès-verbaux de constatation de décès ». Ils fabriquent et délivrent aussi des actes établis par la justice. Il s'agit notamment des certificats de nationalité, des casiers judiciaires, des actes de notoriété, des certificats de non-appel ou de non-opposition, des décisions de rectification administrative d'une erreur matérielle. C'est cette puissante bande, qui opère depuis plusieurs années, que les hommes du commissaire Bakayoko Souhalio viennent de mettre hors d'état de nuire.

La « tour de contrôle» de toutes ces opérations est installée dans un salon de coiffure situé dans un marché au quartier Koweit, un gigantesque bidonville de la commune de Yopougon. Ce salon de coiffure, tenu par Sey Bi Sehi Martin, « est le lieu de collecte et de transit des demandes », selon un enquêteur. Lorsque Sey Bi Séhi Martin mord à l’appât des limiers de l'Oni, il n’hésite pas à dénoncer ses complices. Les coûts des pièces varient en fonction de l'importance des dossiers. Une attestation d'identité coûte 5 000 F Cfa.

Un « arsenal » découvert. Une perquisition au domicile Sey Bi Séhi Martin et Gaure Luc Florentin Patrice, le présumé cerveau, aux Toits rouges à Yopougon, a permis à la police de mettre la main sur l’«arsenal» de fabrication de faux documents administratifs. Un ordinateur complet avec deux imprimantes Hp dont l'un au laser, de nombreux faux documents administratifs, des attestations d'identité ivoiriennes portant des signatures imitées des autorités policières de l'Oni, des Cni falsifiées, des cachets à ressort portant les initiales de la Direction des affaires civiles et pénales (Dacp).

Au domicile de l’étudiant faussaire Téhé Arsène, la police a mis la main sur une mine de pièces à conviction, quant à l'implication de celui-ci dans la falsification des pièces administratives. Il y a été découvert notamment un ordinateur complet avec deux imprimantes, 15 cachets portant les noms des différents magistrats, 6 cachets du ministère de la justice (la Dapc), 37 cachets d'état civil des Sous-préfectures et mairies, 3 cachets dont deux portant le nom des commissariats de police du 29ème arrondissement de Treichville et le 3ème portant le nom du commissaire de police Bakayoko Anliou, des cachets du Tribunal du commerce, de la Banque Nsia, 481 supports de certificats de nationalité, plusieurs cachets de l'Office national d'identification, une centaine de timbres fiscaux, plusieurs attestations d'identité, plusieurs certificats de nationalité ivoirienne et 209 imprimés de casiers judiciaires central.

Mis en confrontation, ils sont passés aux aveux. Chacun a ainsi expliqué son rôle. Sey Bi Séhi Martin est, dans cette bande de faussaires, le « réceptionniste des clients », dans son salon de coiffure. Téhé Arsène, l’étudiant, un «as» de l'informatique, se charge des saisies et impressions des copies scannées. Il est la tête pensante des opérations. En ce qui le concerne, Tioman Eba Jean-Louis est celui qui « pourvoie les demandeurs et met les imprimés à disposition des informaticiens ». Gaure Luc Florentin Patrice, c'est lui le « cerveau» voire la « tour de contrôle ». C'est lui qui pilote du début à la fin, les opérations. Pour la police, « il est l'organisateur en chef ». C'est lui qui a fondé le groupe et recruté tous les acteurs du réseau.

En dépit de ces tentatives de fraudes, la Carte nationale d’identité (Cni) ivoirienne demeure infalsifiable, avait assuré, mercredi 9 mai 2018, le Directeur général (Dg) de l’Office national d’identification (Oni), Konaté Diakalidia, lors d’une journée portes ouvertes organisée sa structure. « Nous voulons rassurer les Ivoiriens pour leur dire que la Cni de la Côte d’Ivoire est une carte infalsifiable. Elle a en son sein une puce qui est infalsifiable, les données biométriques qui sont incorporées dans cette puce sont infalsifiables et ne peuvent pas être lues par un autre système autre que celui à la disposition de l’Oni », a-t-il indiqué.

Armand B. DEPEYLA