Affaire « Le Nonce apostolique menacé de mort » : L’abbé Obrou veut-il couvrir Ouattara? Par Jean Claude Djereke

Par IvorieBusiness/ Débats et opinions - Affaire « Le Nonce apostolique menacé de mort » L’abbé Obrou veut-il couvrir Ouattara? Par Jean Claude Djereke.

Le Nonce apostolique, doyen du Corps diplomatique en Côte d'Ivoire, lors de son message de nouvel An au Président Alassane Ouattara au palais présidentiel.

Selon “La Lettre du continent” (LC) du 4 avril 2018, l’ancien nonce apostolique aurait reçu plusieurs menaces de mort pour avoir souhaité des procès judiciaires plus rapides, pour avoir demandé la poursuite de la lutte contre la corruption et pour avoir invité Ouattara à “sortir de la mentalité de clan” et à discuter avec toute l’opposition plutôt qu’avec certains opposants qu’il s’est choisis. Deux jours plus tard, alors qu’on s’attendait à un démenti en bonne et due forme de la nonciature apostolique d’Abidjan ou du Vatican, c’est l’abbé Augustin Obrou qui prit le contrepied du périodique fondé par Antoine Glaser. Pour lui, Spiteri quitte la Côte d’Ivoire, non pas parce que sa vie y est en danger, mais parce qu’il est arrivé au terme de sa mission, le séjour des nonces apostoliques ne durant, d’après lui, que de quatre à six ans. Et ce n’est pas tout.
Le chargé de communication de l’archidiocèse d’Abidjan ajoute que l’ex-ambassadeur du Vatican, lors de la présentation des vœux du corps diplomatique pour la nouvelle année, ne s’adressait pas “à un camp mais à toute la société ivoirienne”. Il m’est difficile de souscrire à une telle interprétation dans la mesure où le concerné lui-même affirme: “On voudrait suggérer un dialogue politique plus étendu pour sortir de la mentalité du clan et favoriser le concours plus actif de l’opposition”. À qui et pour qui l’ancien nonce parle-t-il ici? Ne saute-t-il pas aux yeux que le destinataire de sa suggestion est Ouattara et que l’ensemble de l’opposition devrait en être le bénéficiaire si cette suggestion était prise en considération?
Mais le plus grave ne réside pas dans cette mauvaise compréhension de la déclaration de Mgr Spiteri par Obrou. Le plus grave, c’est son ridicule “kpakpatoya”. Dans le jargon ivoirien, le “kpakpato” est celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas dans le but d’en tirer quelqu’avantage. Disons les choses autrement: tel le renard de la fable “Le corbeau et le renard” de Jean de La Fontaine, le kpakpato ne flatte jamais pour rien. Alors, quel but Obrou poursuit-il en répondant à la place de Spiteri qui, à ce que je sache, n’a pas perdu l’usage de la parole comme Zacharie dans le temple avant la naissance de Jean le Baptiste (Luc 1, 20) et est encore en vie? Qui veut-il protéger? Pourquoi déploie-t-il un zèle excessif pour un individu dont le seul fait d’armes en Côte d’Ivoire aura été de se faire porter dans un hamac le 14 mai 2016 à Fresco comme à l’époque de la colonisation?
Avant de répondre à ces questions, je voudrais donner mon point de vue sur l’information de la LC selon laquelle Joseph Spiteri a été affecté au Liban parce qu’il ne se sentait plus en sécurité dans la capitale économique. À la différence d’Obrou, qui n’a pas hésité à parler d’une “fake news”, j’inviterais, pour ma part, les Ivoiriens à prendre au sérieux les menaces de mort à l’encontre du prélat maltais jusqu’à ce que ce dernier, le service de communication de la nonciature ou le Vatican monte au créneau pour les démentir.
Cette mise au point ayant été faite, intéressons-nous à présent à la question suivante: pourquoi Obrou se croit-il obligé de s’exprimer à la place de Spiteri au point de traiter par le mépris tous les journaux locaux ayant relayé l’information de la LC? Quand on connaît les accointances de Ouattara avec Kutwã, supérieur hiérarchique d’Obrou, n’est-on pas légitimement fondé à suspecter Obrou et son “patron” de chercher à couvrir Ouattara? Car tel me semble bien l’objet de la conférence de presse donnée par le curé de Saint Jacques des Deux-Plateaux: dédouaner à peu de frais celui qui occupe illégalement le fauteuil présidentiel. Bien sûr que Obrou, Kutwã et d’autres vils flagorneurs ont le droit de ne pas abandonner à son triste sort celui qui leur a fait du bien à un moment donné mais cela les autorise-t-il à prendre systématiquement fait et cause pour un individu dont l’action à la tête du pays a consisté, pendant 7 ans, à emprisonner, affamer, interdire ou réprimer marches et meetings pacifiques, violer les lois, diviser la nation, confisquer les médias publics, déposséder les Ivoiriens de leurs biens, empoisonner ou assassiner ceux qui ne pensent pas comme lui, à brader les richesses du pays à ceux qui l’ont installé au pouvoir? À en croire certaines rumeurs, Ambrose Madtha, le prédécesseur de Spiteri, s’apprêtait à envoyer un rapport dans ce sens à Rome mais le régime, ayant eu vent de l’information, se serait dépêché de le faire passer de vie à trépas, le 8 décembre 2012. Une chose est certaine: le fait que Spiteri ait été menacé de mort après avoir critiqué le régime signifie que notre pays est dirigé par des voyous et criminels qui ne reculeront devant rien pour conserver le pouvoir.
Le Vatican osera-t-il prendre des sanctions contre Ouattara et son clan? J’en doute fort. Souhaitons simplement que les deux papes (Benoît XVI et François) comprennent au moins qu’on ne dîne pas impunément avec le diable et que le Saint-Siège commit une faute gravissime en se faisant représenter à l’investiture d’un homme responsable, quelques mois plus tôt, de nombreux crimes contre l’humanité alors que les Occidentaux ont toujours vanté ses “mérites et qualités”. Comme Pilate à la foule des Juifs, on a envie de dire à ces Occidentaux n’aimant que les Nègres soumis et vendus: “Ecce homo” (Jn 19, 4); voici votre homme, voici votre brillant économiste incapable de faire autre chose qu’endetter le pays qu’il dirige; voici votre démocrate allergique à la contradiction; voici votre démocrate qui n’a pas honte de cumuler la présidence de son parti avec la présidence de la République; voici votre dirigeant moderne qui confie la sécurité du pays à des dozos et soldats incultes et non formés. Souhaitons à Obrou et à ses semblables de vite se ressaisir car, tôt ou tard, cette dictaure tombera et le peuple sera sans pitié pour tous les collabos de cette dictature.

Une contribution de Jean-Claude DJEREKE