Affaire Gbagbo et Blé: 182 jours d’audience, 81 témoins, fiasco pour Fatou Bensouda. Comment l’Accusation s’est empêtrée dans un dossier vide!

Par Le Temps - Affaire Gbagbo et Blé. 182 jours d’audience, 81 témoins, fiasco pour Fatou Bensouda. Comment l’Accusation s’est empêtrée dans un dossier vide!

La procureure de la CPI Fatou Bensouda et l'avocat du Président Laurent Gbagbo, Me Emmanuel Altit, au cours d'une audience à la CPI.

Jugés pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (Cpi), Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé seront de nouveau à la barre le 17 janvier 2018. Ainsi en a décidé le juge-président de l’affaire Cuno Jakob Tarfusser au terme de la déposition du professeur Blonbled Frédéric, expert en médecine légale, le jeudi 7 décembre 2017. «Alors que me reste-t-il à faire? Eh bien lever la séance. Nous reprendrons le 17 janvier 2018, 9 heures 30», a déclaré le magistrat italien, prenant le contre pied de ce qu’il avait lui-même dit en août 2017 lorsqu’il annonçait la fin de la présentation des témoins de l’accusation pour le mois de décembre 2017. En définitive, ce ne sera pas le cas. Les choses se seront déroulées autrement. A croire le juge Cuno, la reprise va consacrer le début de la déposition du dernier témoin de Fatou Bensouda. Et ouvrir ainsi à partir de la nouvelle année, les premiers témoins à décharge dans ce procès. Mais en attendant, on peut le dire sans se tromper que le procès intenté contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la juridiction internationale est loin d’être un parcours de plaisir pour l’accusation. Là, où la procureure, Fatou Bensouda et son collègue Eric Mac Donald se sont montrés très offensifs à l’entame des «hostilités». «Depuis son élection en 2000, Laurent Gbagbo a tout fait pour rester au pouvoir, a notamment déclaré Bensouda. Il a utilisé les Fds, les mercenaires, des groupes de jeunes mobilisés par Charles Blé Goudé pour attaquer les civils ». Eric Mac Donald, le substitut de la procureure, a effectué la majeure partie de l’argumentaire. Pendant plusieurs heures, il a détaillé les preuves qui, selon l’accusation, montrent que les deux prévenus «ont participé à la création d’un plan commun» visant à maintenir Gbagbo au pouvoir et que sa mise en œuvre s’est caractérisée par «l’attaque de civils considérés comme des pro-Ouattara». Pour soutenir son argumentaire, l’accusation a annoncé 138 témoins à charge. Entamé donc le 3 février 2016 avec le passage à la barre du témoin 547, le ballet des témoins appelés par l’accusation va donc s’achever après près de deux années de débats. Non sans enregistrer par moments des défections, des jets d’éponges ou encore des témoins qui se sont «rebellés» contre le bureau du procureur. En définitive, l’accusation s’est retrouvée dans un dossier vide, sans contenu consistant pour mettre en évidence la culpabilité des accusés. L’existence d’un «plan commun» n’aura été qu’un prétexte pour maintenir Laurent Gbagbo dans les liens de la justice internationale. Sinon comment comprendre que le bureau du procureur de la Cpi qui envisageait de conclure la présentation de ses témoins «début décembre avant les vacances d’hiver» n’a pu tenir dans ce délai? Dans tous les cas de figure, les signes annonciateurs d’une libération provisoire de Laurent Gbagbo restent palpables.

Le porte-parole de la Cpi donne des précisions

En attendant que le jour se lève, on retiendra que l’accusation peine à établir l’existence du fameux plan commun que Laurent Gbagbo aurait orchestré pour se maintenir au pouvoir au lendemain du scrutin présidentiel de 2010. Depuis l’ouverture du procès en janvier 2016, tout est on ne peut plus clair. Sollicité, le vendredi 8 décembre 2017, par la rédaction de LG Infos pour en savoir plus sur la suspension inattendue de l’audience et la suite à donner à ce procès historique, le porte-parole de la Cpi, Fadi El Abdallah a été concis en ces termes: «Il revient aux juges de la Chambre de première instance de déterminer le calendrier des audiences. Depuis le 28 janvier 2016, date de l’ouverture du procès, il y a eu en tout 182 jours d’audience dédiés à la présentation des moyens de preuves du Procureur dans ce dossier et 81 témoins du Bureau du Procureur ont déjà été appelés en audience. Une fois que les témoins de l’accusation auront fini leur déposition, les juges détermineront ensuite si les représentants légaux des victimes pourront présenter des témoins, et ensuite quand la Défense pourra commencer à présenter son affaire: c’est à dire appeler ses propres témoins et présenter ses éléments de preuves devant la Chambre». A-t-il répondu à notre préoccupation, précisant que «le calendrier des audiences sera mis à jour (et que) quand ces décisions seront prises et vous en serez informés». En clair, pour le Porte-parole de la Cpi, il n’y a pas un calendrier clair pour la présentation des témoins de la Défense. Après la déposition du dernier témoin de l’Accusation, les Ivoiriens devront faire face d’abord aux représentants légaux des victimes. En tout état de cause, on retient de cet éclairage du porte-parole que sur les 138 témoins de Fatou Bensouda annoncés pour « crucifier » Gbagbo et Blé Goudé, seulement 81 ont déjà ont été appelés à la barre. Soit un total de 82 (avec le dernier témoin prévu pour janvier 2018) témoins à charge auront été entendus dans ce procès contre 138 attendus. Qu’en est-il des 56 autres? Mystère! Dans tous les cas, l’opinion nationale et internationale notera au soir du témoignage du dernier témoin en janvier 2018 que le procès intenté contre Laurent Gbagbo et Blé Goudé relève de la pure imagination de leurs détracteurs.

T. N