Côte d’Ivoire : « LA FACE CACHÉE DU GÉNÉRAL ROBERT GUÉÏ », Par Océane Yacé

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Côte d’Ivoire - « LA FACE CACHÉE DU GÉNÉRAL ROBERT GUÉÏ », Par Océane Yacé (Politologue).

LE GÉNÉRAL ROBERT GUÉÏ.

Au moment où le procès à la CPI est en train de mettre à nu ses nombreux crimes, Alassane Ouattara tente de distraire et de dévier l’attention nationale et internationale en organisant le procès des présumés assassins du Général Robert Guéï. Ainsi, voit-on le régime s’acharner sur le Commandant Séka Séka, le Général Dogbo Blé et d’autres vaillants officiers qui ont tant servi notre pays avec compétence et loyauté. Tous ces officiers sont en effet traînés aujourd’hui dans la boue, accusés d’avoir assassiné le Général Robert Guéï, alors que tous les ivoiriens savent bien comment, pourquoi et par qui Guéï a été tué. Guéï est mort violemment, donc comme il a toujours vécu. La chance est qu’il n’a pas pu assassiner Laurent Gbagbo comme il l’avait prévu. Revoyons ensemble ici le parcours de Robert Guéï.
Après le renversement de Bédié le 24 décembre 1999, Guéï s’était dit que son véritable adversaire ne serait pas Ouattara (il pourrait se débarrasser facilement du mossi sans provoquer de graves remous sociaux) mais plutôt Gbagbo qui selon le Général avait commis le péché mortel d’ouvrir les yeux du peuple avec ses thèses démocratiques. Ainsi, pendant qu’il déclarait sur toutes les antennes du monde que le pouvoir ne l’intéressait point et qu’il était juste venu balayer et partir, Guéï faisait suivre Laurent Gbagbo partout à Abidjan par Laurent Boka Yapi, de jour comme de nuit, avec ordre de l’abattre s’il essayait de tramer un coup contre lui pour l’empêcher de se maintenir au pouvoir.
Finalement Laurent Gbagbo réussira à déjouer tous les pièges de Robert Guéï et fera triompher la démocratie grâce à l’appui du leader socialiste Lionel Jospin, à l’époque premier ministre français. Ceci obligera le Général Guéï à fuir d’Abidjan en hélicoptère pour aller se refugier à Toukouzon-Hozalem chez le prophète Papa nouveau, non loin de Jacqueville. Ceux qui connaissent bien le Général Robert Guéï ne pourraient d’ailleurs pas s’étonner de ses mésaventures. Guéï était un voyou, un violent, un rebelle né.
Il avait été promu Général des Fanci en 1990 par Houphouët-Boigny parce que le Vieux se méfiait de lui et voulait le tenir à l’oeil. Si Félix Houphouët-Boigny n’était pas mort le 7 décembre 1993, Guéï l’aurait sans doute renversé ou même tué à un moment ou à un autre pour s’emparer du pouvoir d’état. Guéï était un assoiffé, un fou du pouvoir, le pouvoir le fascinait, l’attirait, tout pouvoir, même au-délà de nos frontières. Il était prêt à tout pour conquérir le pouvoir même pour d’autres.
La sanglante guerre du Libéria, on s’en rappelle, avait été provoquée et financée par Félix Houphouët-Boigny qui voulait se venger du Sergent-Chef Samuel K. Doe pour avoir assassiné sauvagement son grand ami William Tolbert le 12 avril 1980. Robert Guéï avait ainsi été mis à la disposition de la rébellion libérienne que dirigeaient ses deux cousins Gios (Yacouba du Libéria), Charles Taylor et Prince Johnson. C’est à travers Guéï que des armes et des combattants avaient été fournis à Charles Taylor. Guéï était même monté au front avec Charles Taylor le 24 décembre 1989 (la date du 24 décembre comme celle de son coup d’état contre Bédié) pour déclencher une insurrection au Libéria, depuis la Côte D’Ivoire, dans la ville frontalière de Butuo, dans le Comté de Nimba, au nord du pays, avec l’aide d’un groupe de miliciens formés en Libye.
Grâce au groupe de mercenaires conduit par Robert Guéï, Charles Taylor avait réussi à s’emparer d’une grande partie du Libéria avec son mouvement rebelle le National Patriotic Front of Liberia (NPFL). Le Général Thomas D’Aquin aurait quant à lui été tué à cette époque dans la chute d’un hélicoptère abattu par les hommes de Samuel Doé. En échange de son rôle central dans le soutien actif d’Houphouët à la rébellion libérienne, Guéï recevait des sacs d’or et de diamants livrés par Taylor. Mais quand Taylor, devenu très puissant, s’était cru capable de continuer seul son combat contre Doe et voulait garder tous les produits pour lui seul, Guéï poussera Prince Johnson à se dissocier de lui et à sortir du NPFL pour créer son propre mouvement rebelle, l’INPLF (Independent National Patriotic Front of Liberia).
Avant que la rébellion armée n’attaque le régime de Samuel Doe au Libéria, Guéï avait formé Prince Johnson et une partie des rebelles libériens à Korhogo en Côte D’Ivoire pendant que l’autre partie dirigée par Charles Taylor avait suivi sa formation militaire en Lybie. Mais au-délà de la mission à lui confiée par Houphouët, le Général Robert Guéï avait lui-même des comptes personnels à régler avec le régime Samuel Doe.
Le Général Guéï avait toujours considéré que Doe avait volé le pouvoir. On s’en rappelle, la quasi-totalité des putschistes qui avaient aidé Doe à tuer William Tolbert le 12 avril 1980 et à mettre fin au règne des ex-esclaves noirs revenus des USA, étaient des Kranhs (Wê du Libéria) comme par exemple le très sanguinaire Harrison Penue, le Caporal qui avait éventré et découpé Tolbert. Le pacte conclu entre les putschistes avant leur coup d’état était que le plus gradé d’entre eux, en l’occurrence le Général Thomas Quiwonkpa, un Officier Gio (Yacouba du Libéria) se proclame président après l’assassinat de Tolbert.
William Tolbert tué, le groupe s’était déporté dans le bureau présidentiel et tout le monde attendait que le Général Thomas Quiwonkpa s’asseye dans le fauteuil pour s’autoproclamer à la radio. Mais le Caporal Harrison Penue, pointa son arme sur lui et cria: << Jamais on n’a vu un président borgne, Doe installe-toi ou je tue tout le monde >>. En effet le Général Thomas Quiwonkpa avait perdu un oeil et portait toujours des lunettes noires. C’est ainsi que Samuel Doe avait pris le pouvoir au Libéria. Guéï ne lui pardonnera jamais ce crime de lèse-majesté et de là aura une profonde haine pour tous les Krahns donc pour tous les Guérés, qu’ils soient du Libéria ou de Côte D’Ivoire. On comprend donc ses mésententes avec le Général Mathias Doué. On comprend surtout pourquoi ses partisans se sont mêlés aux rebelles pour faire tant de massacres à l’Ouest.

Une contribution d'Océane Yacé,
Politologue,
Monte-Carlo (Monaco).