Le Regard de Germain Séhoué : « Soro porte seul sa croix »

Par IvoireBusiness - Le Regard de Germain Séhoué « Soro porte seul sa croix ».

Djibrill Bassolé et Guillaume Soro. Photomontage.

Vous le verrez accroupi, sérieux, à une banquette d’une église du Christ Roi des rois. Dans une apparence de repentance. L’image est balancée sur le Net. A quelle fin ? « I don’t know. » Je ne sonde pas les cœurs et les reins pour le savoir. Mais que pourrait-il bien dire à Dieu, à ce moment précis ? Quel baratin pour essayer de le convaincre de son regret et de son engagement à changer ? Le passé est lourd de mauvaises notes. Que d’encre rouge sur ses copies ! Que pourrait-il bien dire à Dieu ? Il a doublé sa patrie, la Côte d’Ivoire. Ce beau pays qui lui a donné l’instruction, là où certains de ses compatriotes sont condamnés à élever des buttes d’image. Qu’importe ! Tel un enfant ingrat et désaxé, il lui a planté le couteau dans le dos ! Le sang de l’Eburnie a giclé. Et le sang innocent est parvenu au trône de Christ, tachetant le bord de la robe royale. Que peut-il dire à Dieu, sur cette banquette dépitée ? Une décennie durant, il a été le porte-parole d’une rébellion sans cœur. Il était la conscience qui a pondu l’architecture granitique du mouvement terroriste. Mais attention ! Ici, elle s’appelle Forces nouvelles parce que soutenue par Paris. Quel plaidoyer a-t-il livré, à genou, parce que tout genou fléchira ? Il est face à celui qui juge les sentiments et les pensées du cœur. Celui devant qui nulle créature n’est cachée. Et que tout est nu et à découvert. « Vieux Père, pardon, je ne vais plus recommencer ? » Qu’il s’est repenti ? Au début de son tandem avec Laurent Gbagbo en tant que Premier ministre, il avait promis de le « feinter ». Il a tenu promesse en 2010-2011, en déclenchant la guerre pour donner le pouvoir à Ouattara. Quel baratin va-t-il dire à celui, le seul à qui nous devons rendre comptes ? Qu’il n’est pas rebelle ? Qu’il est désormais dans la République ? Pour la forme et pour les hommes, on peut appeler Guillaume Soro ex-chef rebelle. Mais dans l’âme, n’a-t-il pas pris, en vérité des grades et de l’expertise ? Il vient de proposer au Burkinabé Djibril Bassolé, pour réussir son putsch contre la Transition de son pays, un plan de rébellion, de déstabilisation. Pris en flagrant délit de communication captée avec Bassolé, Soro se débat seul. Il a tenté de toucher sa famille politique au sentiment. Ça n’a pas marché. Ni le Rdr ni le Pdci ne le soutiennent. Ouattara même se dit « anéanti » par sa communication téléphonique avec Bassolé. Pourtant, en tant que parrain, il avait félicité Soro, disant que son « combat était noble ». N’est-ce pas la preuve qu’il a été un brillant rebelle, un conquérant redoutable, aux qualités inégalables ? Mais le voilà qui porte seul sa croix. Soro accroupi à l’église. Il a trompé les hommes. Les Ivoiriens. Croit-il pouvoir « feinter » également Dieu ? A Golgotha, symbole du lieu de repos d’Adam et Eve, donc centre de l’humanité, il n’y a pas eu qu’un crucifié, mais trois. Les trois genres d’hommes existant sur terre et en nous. Soro, toujours rebelle dans l’âme, est du premier genre. Le mauvais larron en perdition, à la gauche de Jésus, et non le bon. Réfractaire à l’humilité et à l’amour. Le « guerrier fameux », indestructible. Qui n’a de vrai culte que la gloire d’une guerre gagnée par procuration. Le voilà, l’imbattable, qui prend le scandale des écoutes téléphoniques comme une petite flèche dans le ventre. Est-ce le début de l’expérience douloureuse de sa propre fragilité ? Pour sûr, Soro porte seul sa croix. Personne ne veut se mouiller avec lui. Parce que personne ne lui a demandé de parler sans précaution.

Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr