Côte d'Ivoire: L’Église prend ses distances avec le pouvoir politique

Par IvoireBusiness - L’Église de Côte-d’Ivoire prend ses distances avec le pouvoir politique.

L'église catholique ivoirienne lors d'une audience au Vatican chez le Pape François.

Longtemps réputée proche de l’ancien président Laurent Gbagbo, l’Église de Côte d’Ivoire se garde désormais d’entretenir des relations trop proches avec le pouvoir.
A Abobo, l’une des dix communes d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, les catholiques se retrouvent à l’église Saint-Philippe. Pendant la crise qui a suivi la première élection, en 2010, du musulman Alassane Ouattara à la présidence de la République, ce quartier populaire n’a pas été épargné par la violence entre les communautés. Cinq ans après, les traces de ces moments difficiles ne sont plus visibles à l’œil nu.

En ce dimanche d’octobre 2015, veille du premier tour de l’élection présidentielle qui débouchera sur l’élection du même Alassane Ouattara pour un second mandat, les fidèles se pressent à l’église. Mais, loin de dire pour qui voter, loin de s’immiscer dans le débat politique, le P. Serge Lorougnon propose, dans son homélie, une méditation sur le thème de la réconciliation.

S’appuyant sur la parabole du fils prodigue, le curé explique : « Nous nous reconnaissons dans le fils aîné et dans le fils cadet. Je voudrais vous inviter à vous reconnaître dans la figure du père. Savons-nous pardonner comme le père de cette parabole a su le faire pour ses enfants ? »

UNE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE APAISÉE

Le prêtre encourage ensuite ses paroissiens à faire leur devoir de citoyens dans cet état d’esprit. Pendant la prière universelle, la communauté prie ensuite pour que le processus électoral se déroule dans la paix et la sérénité. Au même moment, l’archevêque d’Abidjan, le cardinal Jean-Pierre Kutwa, lance un appel en faveur d’un scrutin calme et paisible.

Savoir pardonner, ne pas être dans le ressentiment, aller voter, prier pour une élection apaisée… voilà ce que l’on pouvait entendre en public de la part des membres du clergé catholique, à l’occasion de la campagne présidentielle, à la fin octobre en Côte d’Ivoire.

« UNE GRANDE DISCRÉTION » DE LA PART DE L’ÉGLISE

« C’était bien différent de la campagne de 2010 », note Christian Bouquet, auteur de Côte d’Ivoire. Le désespoir de Kourouma (1) et professeur à l’université Bordeaux-Montaigne « Il y a cinq ans, l’Église s’était peut-être trop engagée en faveur du président sortant, Laurent Gbagbo. Cette fois, j’ai observé une grande discrétion de sa part. Face au processus en cours, elle a exercé son droit de réserve. » Et de remarquer que la seule consigne qu’elle ait vraiment donnée, c’était d’aller voter.

En 2010, la plus haute autorité de l’Église ivoirienne, le cardinal Agré, était réputé proche de Laurent Gbagbo. Et, en chaire, des prêtres avaient pris parti pour ce dernier. Son successeur, le cardinal Jean-Pierre Kutwa, a aujourd’hui la réputation d’être un intime du président Alassane Ouattara.

DES SIGNES EN DIRECTION DE LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE

La majorité des catholiques, à Abidjan, n’est pas devenue, pour autant, un cercle de supporteurs inconditionnels du président actuel. Beaucoup lui reprochent d’avoir privilégié les communautés du nord et d’avoir fermé les yeux sur l’injustice et la corruption dans le pays ; de ne pas avoir entrepris sérieusement un travail de réconciliation entre les communautés.

Le régime, lui, a essayé de ménager les autorités catholiques. Parmi les gestes posés, le financement par l’État d’une part non négligeable des travaux de restauration de la cathédrale d’Abidjan.

TIÉDEUR DU CÔTÉ DE L’ÉPISCOPAT

Autre signe en direction de la communauté catholique, la nomination, le 25 mars, de Mgr Paul Siméon Ahouanan, archevêque de Bouaké, à la tête de la nouvelle Commission nationale de réconciliation des victimes (Conariv). La commission est chargée d’indemniser les victimes des deux côtés.

Source: Ladepechedabidjan.info