Procès Gbagbo : le jour où l'accusation s'est effondrée (Marianne)

Par Marianne - Procès Gbagbo. Le jour où l'accusation s'est effondrée.

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Le 1er février dernier, comme il peut advenir dans tout tribunal, la Cour pénale internationale (CPI) s'est muée en un terrible théâtre de la cruauté. Devant les médias internationaux et les juges de Laurent Gbagbo, l'accusation contre ce dernier s'est effondrée. Moment unique où quinze ans de mensonges et de montages sont apparus comme tels.

Laurent Gbagbo, président de la Côte-d'Ivoire depuis 2000, a été interpellé par les forces spéciales françaises en avril 2011 et remis aux forces d'Alassane Ouattara qui l'ont emprisonné dans des conditions honteuses à Korhogo, puis transféré, «déporté», selon ses partisans, à La Haye. Incarcéré depuis cinq ans, il répond, avec Charles Blé Goudé - son ancien ministre de la Jeunesse et leader charismatique des foules ivoiriennes -, de «crimes contre l'humanité». Ce qui pour beaucoup d'observateurs constitue une accusation nettement disproportionnée. Et surtout à sens unique.

Qu'a donc révélé Me Altit, son avocat, ce 1er février, sous les yeux effarés de la procureur de la CPI, Fatou Bensouda ? La vérité historique, serait on tenté de dire, qui n'est qu'un secret de Polichinelle pour tous ce qui ont suivi le « coup d'Etat franco -onusien ».
Plutôt qu'une « défense de rupture », remettant en cause la légitimité de la CPI, Me Altit a préféré prendre à revers l'accusation.
Car c' est bien la France hostile à Laurent Gbagbo qui a armé la rébellion, instrumentalisé toutes les instances internationales, manipulé médias et scrutin électoral, avant, sous Sarkozy, de mener l'assaut contre lui.
A quel prix?
Trois mille morts, chiffre repris à l'envi par nombre de médias.
En réalité, 16000 victimes civiles. Le bilan figure dans le rapport tenu secret de la commission Dialogue, vérité et réconciliation de l'ancien Premier ministre Charles Konan Banny.

La Défense de Laurent Gbagbo a présenté aux juges vidéos, documents, témoignages et analyses démontrant le racket et les massacres des partisans d'Alassane Ouattara dans la zone Nord, sous contrôle de 2002 à 2010.
Maitre Altit a dénoncé l’assassinat de civils autour de la résidence du président Gbagbo, dans les jours ayant précédé son arrestation.
Il n'a pas désigné formellement les coupables, mais, sur le terrain, il n'y avait que les chars et les hélicoptères d'assaut de l'Onuci et des forces françaises de l'opération "Licorne".

C'est plus tard que s'est produit le carnage de la « bataille d'Abidjan » où, appuyés par les forces françaises et onusiennes, les FRCI (forces républicaines de Côte d'Ivoire), mercenaires et dozos (confrerie de chasseurs) pro-Ouattara, ont procédé à des tueries ciblées ethniquement ciblées.
En brousse, la chasse aux « BAD »-les peuples Bété, Attié et Dida, par l'armée pro Ouattara succedera aux crimes de guerre, fin Mars 2011, contre les Wê de Duekoué, dans l'Ouest du pays.
Sur le millier d'hommes, de femmes et d'enfants de ce peuple, supposé pro Gbagbo, une association de ressortissants a recueilli 1300 dossiers documentés que M° Habiba Touré, du barreau de Paris, vient de transmettre à la CPI.
En vain. Car la CPI prend bien le relais de la « justice des vainqueurs » exercée par le gouvernement Ouattara à Abidjan.
Comme son prédécesseur Luis-Moreno Ocampo, la procureur Bensouda entretient d 'excellentes relations avec les gouvernements ivoirien et français, lesquels ont fourni témoignages ou coupures de presse pour le premier, dossiers et documents militaires pour Paris.
Avec, au demeurant, une certaine inefficacité, le prevenu Laurent Gbagbo ayant bien failli être liberé en raison d'insuffisances de l'accusation, en juin 2013, lors de la phase préliminaire dite de "confirmation de charges".

Contrairement à ce que prévoient les textes, la procureur n'a instruit qu'à charge.
Elle a fait cause commune avec "la représentante des victimes", Paolina Massidda , laquelle en réalité ne représente que celles du clan Ouattara. Or sur les 16000 victimes recensées, plus de trois quarts sont vraisemblablement le fait des mercenaires et milices aux ordres de Guillaume Soro, l'ex-chef rebelle, aujourd'hui président de l'Assemblée nationale...

A l'ouverture du procès, face aux vidéos de massacres, Paolina Massidda et Fatou Bensouda semblaient sous le choc.
Mais le 02 février, quand les avocats de Charles Blé Goudé ont présenté leur riposte, la procureur s'était fait porter pâle.

A La Haye, malgré toutes les précautions prises par une cour aux ordres, les journalistes et Ivoiriens présents dans la salle ont eu le sentiment de vivre un grand moment historique.

Le début d'une catharsis et d'un dévoilement.

Par Michel Galy

Michel Galy, politologue spécialiste des conflits et de la Côte d'Ivoire livre son ressenti sur le procès de l'ex-président Gbagbo.

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