Missions apostoliques en Côte d’Ivoire: "Porter les préoccupations du Peuple au Pape et non se laisser porter", Par Jean Claude Djereke

Par Ivoirebusiness/ Débats et Missions apostoliques en Côte d’Ivoire: Porter les préoccupations du Peuple au Pape et non se laisser porter, Par Jean Claude Djereke.

Notre papier sur le nonce apostolique Joseph Spiteri porté en hamac par des fidèles catholiques de Fresco le 14 mai 2016 a fait couler beaucoup d’encre, preuve que les Ivoiriens commencent à prendre goût au débat d’idées. Nous ne pouvons que nous en réjouir car la force des arguments vaut beaucoup mieux que l’argument de la force. Mais suffit-il de dire qu’on n’est pas d’accord avec telle ou telle position? Non! Il importe aussi de raisonner et de convaincre en s’appuyant sur des faits indiscutables. Au lieu de cela, certains internautes ont donné l’impression de justifier l’injustifiable en écrivant des choses qui puent soit l’ignorance, soit la mauvaise foi.
Ils nous accusent, ainsi, de ne pas aimer l’Église catholique et d’outrager ses dirigeants. Faux, car l’Église n’est pas aimée que par ceux qui ferment les yeux sur ses fautes et travers. Paul aimait et respectait Céphas (Pierre), ce qui ne l’empêcha pas de lui résister en face, c’est-à-dire de le reprendre à Antioche quand il constata que Pierre avait une attitude ambiguë à l’endroit des frères convertis du paganisme: avant l’arrivée de quelques-uns venus de la part de Jacques, Pierre mangeait avec les païens mais, devant les chrétiens judaïsants, il ne voulait plus manger avec eux (Galates 2, 11). Benoît XVI, qui sanctionna 400 prêtres coupables de pédophilie en Europe et en Amérique du Nord, détestait-il l’Église? Non! En relevant en 2014 de ses fonctions Mgr Franz-Peter Tebartz-Van Elst, l’ancien évêque de Limburg (Allemagne) qui utilisa 15 000 euros pour refaire ses appartements privés, le pape François voulait-il détruire l’Église? Non! Aimer une personne ou une institution ne signifie pas accepter ou cautionner tout ce que fait cette personne ou cette institution. Non, l’Église du Christ n’a pas besoin de fanatiques, d’intégristes ou d’épiscopâtres (adorateurs d’évêques).

Nos contradicteurs soutiennent aussi que le nonce a été porté parce que c’est la coutume du coin. Faux! Les Krou, grand groupe ethnique auquel appartiennent les Godiés, n’accueillent pas l’étranger ou le chef de cette façon. C’est en pays akan que le roi ou la reine est porté(e) par quelques sujets.
Ils font remarquer que Spiteri a été accueilli comme le Christ aurait été accueilli. Faux pour deux raisons. La première, c’est que Spiteri n’est pas Jésus. Il est non seulement erroné mais prétentieux de mettre Spiteri (une pauvre créature mortelle) et Jésus (non pas créé mais engendré puisque de même nature que Dieu-le-Père) sur un pied d’égalité; la seconde raison est que, lorsque Jésus entra à Jérusalem (6 jours avant la Pâque), il ne fut pas porté par des hommes mais par un âne (Luc 19, 29-44). Comment pouvait-il se laisser porter par des hommes, lui qui expliqua plusieurs fois à ses apôtres que le plus grand doit doit se faire serviteur?
Ils font la comparaison avec l’athlète Murielle Ahouré. Comparaison que nous jugeons irrecevable et voici pourquoi: Oui, Ahouré fut portée en triomphe par ses parents et fans après avoir gagné deux médailles d’argent (100 m et 200 m) aux Mondiaux de Moscou en août 2013 mais lui, Spiteri, quel exploit a-t-il réalisé? Qu’a-t-il fait d’important pour les Godiés qui mériterait que ces derniers le portent en hamac? Par ailleurs, M. Ahouré n’a pas fait vœu de pauvreté. Quant à Spiteri, il a librement décidé de suivre et de servir Jésus pauvre, simple et serviteur. On attend donc, et c’est la moindre des choses, que ses actes soient en accord avec les engagements qu’il a pris “devant Dieu et devant les hommes”.

À supposer qu’on lui ait proposé d’être porté, Spiteri était-il obligé de se faire porter? Non! Il aurait rejeté l’indécente proposition que le Ciel ne lui serait pas tombé dessus. Ignorait-il que les colons étaient portés par les indigènes dans les pays colonisés? Non, parce que ça m’étonnerait que le Vatican nomme en Afrique un ambassadeur ignorant tout du douloureux passé des Africains (traite négrière, esclavage et colonisation). Seulement, il a pensé qu’il pouvait se permettre chez nous ce qu’il ne peut se permettre en Europe (faire l’apologie d’Hitler, exhiber la croix gammée nazie).

Et si c’est un évêque noir qui avait été porté, aurions-nous condamné? Oui, parce que les exigences évangéliques s’adressent à tous les peuples, races et nations, parce que, blanc ou noir, un prêtre ou un évêque doit chercher à imiter le Christ, pas le monde. Son modèle doit être le Christ et non “les chefs des nations païennes et les grands qui commandent en maîtres et font sentir leur pouvoir” (Marc 10, 44-45). Le chrétien devrait prêcher, non pas un messie triomphant, mais Christ crucifié (1 Corinthiens 1, 23). Or qui sont les crucifiés en Côte d’Ivoire et en Afrique aujourd’hui? Qui souffre et pleure ? Qui est brimé, exploité, spolié ou piétiné? Un nonce, à notre avis, n’est pas un touriste; sa mission ne consiste pas à se faire ou à se laisser porter par des personnes tenant difficilement debout parce que ne mangeant pas assez. Sa mission est plutôt de porter au pape les souffrances, angoisses et préoccupations de ces personnes-là.

Une contribution de Jean Claude Djereke