Le « Métro » d’Abidjan: De la poudre aux yeux ou de l’arnaque? Par Tibeu Briga

Par IvoireBusiness - Le « Métro » d’Abidjan. De la poudre aux yeux ou de l’arnaque? Par Tibeu Briga.

Rails traversant la ville d'Abidjan. Image utilisée à titre d'illustration.

L’exécution de Kadhafi a renversé l’ordre établi et rendu l’esclavage des nôtres en Libye possible. Et l’instant oblige qu’on s’y intéresse. Espérons que l’onde de choc provoquée par cette déshumanisation, aiguillonne les dirigeants africains pour une riposte adaptée. L’occident use de moyens diversifiés pour maintenir le continent sous sa dépendance en créant des besoins. C’est le cas du « métro » d’Abidjan, au détriment des infrastructures routières du pays devenues vétustes et impraticables et de la modernisation de la société de transport abidjanais (SOTRA). Pourquoi et comment en sommes-nous arrivés à privilégier le tape à l’œil ?

La communauté internationale a installé de force des ex-rebelles au pouvoir en Eburnie. Avec à leur tête, cf. Fanny Pigeaud, Dramane Ouattara et son bras armé Kigbafori Soro, l’exécuteur physique de cette rébellion. Le maître des basses œuvres. Il semble que son étoile soit en train de pâlir. Il a été mis sous l’éteignoir par son employeur qui a pris soin d’élaguer tout, au tour de lui. Et pourtant à l’époque de sa splendeur, pour atteindre des objectifs maléfiques, ce dernier recrutait des bandes d’incultes et de désœuvrés. En dépit d’un embargo, il les a armés mieux qu’une armée régulière. Toutes ces cliques ont désorganisé le pays et y ont crée un chaos devenu malheureusement pérenne. Les casses des banques, les extorsions de fonds, les rapines en tous genres les ont indûment enrichis. Ces pratiques mafieuses sont devenues la règle avec ce genre d’individus.

Konan Bédié ou le syndrome de Stockholm !
Monsieur Bédié, lui l’otage, chassé du pouvoir par Dramane, humilié par Kigbafori, s’est rallié à la cause de ses propres bourreaux, confirmant ainsi la réalité du syndrome de Stockholm qui veut que la victime devienne complice de ses bourreaux. A moins que son soutien ne soit contraint et forcé pour obtenir une protection qui ressemble à celle que les « truands » accordent à leurs protégés. Ceux-ci lui octroient en échange des capitaux et une once de leur pouvoir. Son ego est flatté car on le qualifie de faiseur de roi. Pourquoi ne se fait-il pas roi lui-même ? Avec Bédié, il faut s’attendre à un nouvel appel pour 2020 et au delà pour le maintien de celui qui l’a évincé de son trône en 1999. Et ce, malgré les déclarations tonitruantes de M. Guikahué depuis le Grand Ouest in Abidjan.net. Candidature du Pdci en 2020 : « Bédié ne peut pas reculer… »

Biens mal acquis.
A la faveur de ce chaos, une « nouvelle » élite politique qui ne possède aucune notion de ce que représente un État, a vu le jour. Elle est sortie des entrailles du crime. La violence, oui, leur quotidien, ils s’en paissent à satiété. Leurs fortunes proviennent de dix ans de pillage de territoires occupés, et de transactions illégales de café et cacao avec les pays voisins, exploitations des mines d’or et de diamants, perception de taxes et d’impôts sur le transport du coton du Nord vers Abidjan… On s’échine à chercher les comptes supposés dissimulés du Président Gbagbo. On est moins regardant sur les fortunes et origines de celles des dirigeants actuels de la Côte d’Ivoire. Pourtant, ces fortunes colossales sont loin d’être présumées ou supposées fictives. Cette élite a pris place en Côte d’Ivoire avec des figures emblématiques issues de ces bandes de rebelles, dont les noms, pour certains, jettent un froid dans le dos, comme « Ben Laden » …

Pour faire accepter cette forfaiture on a miroité et promis au peuple que la réputation de grand économiste de Dramane Ouattara, et un carnet d’adresses impressionnant, obligeraient l’occident, notamment la France, à déverser sur le pays des sommes d’argent considérables comme du temps du Président Houphouët. Des pluies d’argent inonderaient tout le pays. Quoi qu’il en soit, cette manne tant attendue du tuteur du pays, c’est-à-dire la France et la finance internationale est restée invisible pour l’ivoirien lambda. A moins que cette aide n’ait atterri que dans les poches des nouveaux dirigeants dont la cupidité dénoncée même par les dignitaires religieux de toute confession n’est plus un secret pour les ivoiriens.

La cécité du pouvoir d’Abidjan sur les priorités.
Depuis cette prise illégale du pouvoir en 2011, malgré un taux de croissance claironné de plus en plus élevé, un chômage endémique s’est installé. Les hôpitaux des mouroirs. L’école de la maternelle aux universités a perdu de sa valeur. Les diplômes décernés ont du mal à obtenir des équivalences dans les autres universités. Les priorités immédiates sont nombreuses et diverses. Le pays est devenu exsangue. Quasiment invivable et pour cause l’insécurité dont la partie visible se nomme, coupeurs de route, braqueurs de banques et les microbes assassins qui terrorisent le pays. La réconciliation nationale pâtit. Il suffit de voir les cas des nombreux prisonniers politiques pour lesquels rien n’est entrepris pour leur libération. Quant aux exilés politiques ils comptent pour moins que rien aux yeux du régime d’Abidjan. Les Wês et Baoulés, des peuples ivoiriens qui vivaient jusque-là en bonne intelligence sont devenus des ennemis. Le chaos né du coup d’État de 2011 pourrait expliquer cette rupture de confiance. Les jeunes préfèrent mourir en mer, être réduits en esclavage en Libye que de rester dans le prétendu Eldorado ivoirien.

Les routes sont quasi inexistantes ou impraticables, entre Yamoussoukro-Daloa-Man ; N’douci-Divo-Gagnoa; Yamoussoukro-Korhogo… La ville de Yamoussoukro, capitale et naguère vitrine du pays n’a plus de voies ni de rues praticables au quotidien. Ses meilleurs édifices servent de résidences aux reptiles. On pourrait multiplier à souhait les exemples. A l’euphorie des premiers jours de l’usurpation du pouvoir en avril 2011, se sont succédé depuis les désillusions de l’incompétence et de la corruption effrénée. La réalité de la gestion chaotique de la nation a démontré que les flonflons qui ont précédé l’arrivée de celui dont la réputation du plus grand économiste de son époque, n’était que surfaite. Le pouvoir devient volontairement aveugle sur ce qui devrait constituer de fait ses priorités.

L’annonce d’un « Métro » à Abidjan.
Pour compenser le manque visible de résultats et constatant le naufrage de leur poulain, les maîtres occidentaux qui ont donné le pouvoir à Dramane Ouattara, en manipulateurs avisés d’opinions, ont décidé de prendre eux-mêmes les choses en mains. Il faut sauver leur soldat, le protecteur de leurs intérêts, en jetant la poudre aux yeux des ivoiriens avec pour objectif, de masquer ses échecs et détourner l’attention des citoyens vers des futilités. Après le pont à péage qui apparemment constitue une source de soucis, il fallait sortir l’artillerie lourde. Construire un Métro, un tramway ou train urbain selon. Donner une grande publicité à ce projet. Après tout, le nègre n’y verrait que du feu et le système d’exploitation pourrait se poursuivre en toute impunité.

Malheureusement pour eux, la nouvelle du métro est tombée presque dans l’indifférence générale. Et pourtant une telle nouvelle devrait plonger le pays dans une allégresse totale, même réveiller les morts afin qu’ils participent à la célébration d’une telle nouvelle. Un Métro, de fait un train urbain, va être construit à Abidjan, l’événement paraissait de taille sur le continent africain surtout en Afrique subsaharienne.

Nul ne peut être contre le progrès, car il constitue un levier de l’évolution humaine, ce marqueur est si important que les adeptes du pavé mosaïque et autres, le défendent farouchement. Et pourtant la nouvelle du métro a fait un flop.

L’homme de la rue n’est pas masochiste.

Mais quand le quotidien est incertain et que les perspectives de s’épanouir et de s’accomplir en tant qu’un être humain, relèvent de la gageure, il va de soi que l’érection d’un Métro ou d’un gratte-ciel à
côté de vous, vous touche peu. Tenaillés par la faim vous-même avec les vôtres, impossible de scolariser vos enfants, soigner votre famille, vos préoccupations se limitent d’abord à chercher des solutions immédiates de survie.

Vous vous trouvez dès lors, dans le premier des cinq types de besoins fondamentaux de la pyramide définie par Maslow, à savoir la satisfaction des Besoins primaires dits vitaux ou physiologiques, qui
consistent à manger, boire, dormir, respirer. Ces Besoins n’étant pas assouvis dans l’immédiat, ni en voie de l’être dans un proche futur, vous détourner de ce que vous considérez comme l’essentiel de
votre existence, (votre survie) pour aller célébrer l’avènement d’un métro, ressemblerait plus au masochisme, en d’autres termes à une auto flagellation volontaire. La misère créée par le pouvoir
n’atrophie pas la conscience de ceux qui la vivent, au point de les abêtir. Ils savent faire le distinguo entre éblouir par de fausses apparences et l’essence de la vie.

Les questions.
Outre ce désintérêt et méfiance compréhensibles, manifestés par l’homme de la rue à l’endroit de l’implantation d’un « métro » en Côte d’Ivoire, il y a d’autres éléments qui conduisent aux questionnements.

D’abord le financement, on lit que » La France vient d’accorder à la Côte d’Ivoire une aide de 2,1 milliards d’euros. Une partie de cette aide, sera consacrée au projet du métro d’Abidjan à hauteur de 1.4 milliard. » Selon les médias français, le capital de la Société de Transport Abidjanais sur Rail, (STAR) chargée d’exploiter le fameux métro, est désormais aux seules mains des sociétés françaises (Bouygues ; Kéolis/Sncf ; Alstom et Thalès) depuis l’éviction des deux sociétés Coréennes (Hyundai Rotem et Dongsan engineering et Dongsan engineering). La boucle est ainsi bouclée. La Côte d’Ivoire est un panier percé, à peine une dette lui est-elle rétrocédée, qu’elle en crée une autre. Le 26 juillet 2012, la France a annulé plus de 3 milliards de la dette de la Côte d’Ivoire. Le montant annulé correspond à plus de deux fois et demie le coût estimé du train qui va traverser Abidjan. Malgré cette annulation, voici le pays en train de quémander et de s’endetter davantage.

Ensuite, la méfiance et le scepticisme qui ont envahi la société ivoirienne quant à la gestion tatillonne du pays, où la corruption gangrène toutes les couches, mais surtout et essentiellement la classe dirigeante que Sarkozy a imposée par la violence au pays en 2010 après le sacrifice de milliers et milliers d’ivoiriens, il ne serait pas superfétatoire que les critères de choix de l’appel d’offre pour cet ouvrage, soient portés à la connaissance des ivoiriens.

Enfin une brève comparaison du coût du kilomètre des ouvrages de même nature, montre que le kilomètre de train d’Abidjan coûte presque 37 millions d’euros, alors que le kilomètre de celui d’Éthiopie vaut en exagérant 5 millions de dollars…

Le train au kilomètre le plus cher !

ETHIOPIE. On peut citer le train qui relie la capitale Ethiopienne, Addis-Abeba à la ville portuaire et capitale de Djibouti à Djibouti distant de 756 kilomètres. Coût total 3 400 000 000 $, soit le kilomètre à 4 629 630 $ le kilomètre. NIGERIA. Le premier TGV en Afrique de l’Ouest allant de la capitale économique du Nigéria, Lagos à la ville de Kaduna au nord du pays distant de 200 kilomètres. Coût 8 490 000 000 $. Soit 4 250 000 $ le kilomètre. MAROC. Le TGV marocain Tanger-Rabat de 200 kilomètres a coûté environ 2 100 000 000 €. Soit 10 500 000 € le kilomètre.

CÔTE D’IVOIRE. Enfin le fameux train urbain baptisé métro d’Abidjan d’une longueur de 38 kilomètres. Coût estimé 1 400 000 000 €. Soit 36 842 105 €.

Les trains Éthiopien et Nigérian ont été construits par des sociétés chinoises « la China Railway Group et China Civil Engineering Construction Corporation », tandis que le TGV marocain et le train urbain abidjanais sont ou seront réalisés par la SNCF. Où est l’erreur où est l’arnaque ? Ces variations de coût qui semblent inexpliquées, se rencontrent dans le quotidien des nations qui savent qu’elles sont malades, qu’elles sont spoliées. Elles voudraient guérir, mais ne le peuvent, car leurs dirigeants sont désignés ailleurs. La condition de maintien de ceux-ci à leur place ? La soumission .

Une contribution de Tibeu Briga