INTERVIEW VÉRITÉ/ Marie-Odette Lorougnon, présidente de l’Offpi, aux Ivoiriens: «Mobilisons-nous pour boycotter l’enrôlement»

Par Le Temps - INTERVIEW VÉRITÉ. Marie-Odette Lorougnon, présidente de l’Offpi, aux Ivoiriens «Mobilisons-nous pour boycotter l’enrôlement».

Marie-Odette Lorougnon, présidente de l’Offpi, aux Ivoiriens «Mobilisons-nous pour boycotter l’enrôlement».

Marie-Odette Lorougnon, présidente des femmes du parti du Président Laurent Gbagbo, appelle les Ivoiriens à une mobilisation exemplaire pour boycotter l’enrôlement électoral.

Certains Ivoiriennes ne comprennent pas le mot d’ordre de boycott de l’enrôlement électoral initié par Eds et votre parti…

Certains Ivoiriens ne comprennent pas. Pour nous, dans un pays normal, démocratique ou le chef de l’Etat écoute le peuple, on ne devrait plus parler d’un boycott d’une institution comme la Commission électorale indépendante. Si nous étions écoutés, on n’allait pas parler de boycott. C’est-à-dire que Youssouf Bakayoko et la Cei actuelle ne devraient plus être là. On ne devait plus parler du départ de Yousouf Bakayoko et de la réforme de la Cei actuelle. Depuis longtemps ce serait déjà chose faite. Parce que le chef de l’Etat est là pour le peuple. Normalement ce que le peuple veut, c’est ce que chef de l’Etat doit faire. On aurait tout reformé. Nous demandons, depuis 2011, le départ de Yousouf Bakayoko et la réforme de la Cei actuelle. Nous avons fait un mémorandum. Et tous nos griefs sur Yousouf Bakayoko et la Cei actuelle y sont en bonne place. Nous avons rencontré, le 29 septembre 2011, Alassane Ouattara, au palais présidentiel sis au Plateau. Nous lui avons remis ce mémorandum. Nous avons pensé que dès cet instant il allait se pencher sur les questions soulevées dans ce mémorandum. En d’autres termes, il devait s’asseoir pour nous écouter. Rien n’y fit. Nous n’avons eu droit jusqu’aujourd’hui, qu’à oppression et au mépris. Sinon, on ne serait pas là pour demander un boycott de l’enrôlement électoral que va organiser Youssouf Bakayoko à la tête de la Cei actuelle. Les Ivoiriens doivent comprendre que quand on va à des élections, c’est pour les gagner. Nous sommes capables de gagner n’importe quelle élection en Côte d’Ivoire. Et nous avons les moyens et les capacités. Mais ne faisons pas confiance à Youssouf Bakayoko et à la Cei actuelle.

Pourquoi ?

Si la Côte d’Ivoire est aujourd’hui divisée en deux, c’est la faute à Youssouf Bakayoko. C’est lui le vrai responsable du drame postélectoral. Tout le monde à été témoin de ces tristes faits. C’est lui qui a dit qu’ « il n’était encore minuit » pour donner les résultats de la présidentielle de 2010. Alors que les Ivoiriens attendaient les résultats. Et les Ivoiriens savaient déjà de quel côté penchait la victoire. Il s’est retrouvé subitement au QG du candidat Alassane Ouattara qui était candidat, au même titre que le Président Laurent Gbagbo qui était le Président sortant. Il a donné de faux résultats. Il était là-bas, seul. Pas avec les autres membres de la Commission. Il était avec les Européens et les militaires d’Alassane Ouattara. On sait que les résultats qu’il a donnés n’étaient pas ceux du peuple de Côte d’Ivoire. Ni de la Commission. Parce que c’est à titre personnel qu’il est allé proclamer les faux résultats au QG du candidat Alassane Ouattara. Alors que la Commission avait les résultats. Cela a créé une crise postélectorale. Nous disons que cela a fait au moins 20000 morts, et non les 3000 morts dont nous parle. Nous ne faisons pas confiance à celui par qui le scandale de la crise postélectorale est arrivé. C’est à cause de lui que le Président Laurent Gbagbo et son ministre Charles Blé Goudé se trouvent, aujourd’hui, à La Haye. C’est de son fait que des centaines d’ivoiriens croupissent en prison. C’est à cause de lui, des milliers d’Ivoiriens sont en exil. Définitivement, nous ne lui faisons pas confiance. Il n’est plus crédible du tout. Dans un pays normal, de démocratie, un pays qui fonctionne par rapport au peuple, on ne doit plus parler de Youssouf Bakayoko. La Cei et Youssouf Bakayoko sont forclos, au regard des textes, depuis longtemps.

On parle d’un boycott de trop…

Ce n’est pas un boycott de trop.

Pourquoi ?

Il y a le devoir de cohérence et de constance. Nous sommes constants dans notre démarche. Quand on dit qu’on ne veut pas de quelqu’un, on ne peut pas aller travailler avec lui. Dès lors que nous rejetons Youssouf Bakayoko et la Cei actuelle, ce n’est pas un boycott de trop. Les Ivoiriens doivent le voir comme un boycott qui s’impose. Parce que le régime Ouattara ne veut pas se donner le temps de nous écouter. En fait, on ne sait pas pour qui il gouverne. Le peuple de Côte d’Ivoire doit, plutôt, demander des comptes à Alassane Ouattara, lui demander ce qui se passe. Pour qu’une partie de la population boycotte tout ce qu’il entreprend.

Le boycott est-il la solution ?

C’est la solution. Afin de montrer au régime Ouattara que nous ne sommes pas d’accord avec lui. De sa gouvernance et de la façon dont il traite une partie de la population. Nous disons au peuple de Côte d’Ivoire qu’on ne va pas à une élection pour accompagner quelqu’un. Nous n’allons pas donner la légitimité à Alassane Ouattara. Si nous l’accompagnons, c’est que nous avons accepté de l’accompagner dans sa mal-gouvernance. Ne pas s’asseoir pour discuter avec l’opposition et le peuple, c’est une attitude anti démocratique. Nous ne pouvons pas l’accompagner. Que le peuple de Côte d’Ivoire comprenne cela. Si nous nous levons pour dire non, c’est pour le peuple de Côte d’Ivoire. Les élections demandent une Cei reformée, une liste électorale consensuelle et un découpage électoral consensuel. Il faut qu’on asseye ensemble pour définir les règles du jeu. Ce n’est pas un boycott de trop. Nous voulons montrer au peuple de Côte d’Ivoire que nous ne sommes pas prêts à accepter la manière dont Alassane Ouattara traite les Ivoiriens et gouverne la Côte d’Ivoire. S’il n’y a pas d’anguille sous roche, pourquoi on ne peut s’asseoir pour discuter ? Nous sommes informés. Ils veulent mettre sur la liste ceux qui n’y ont pas droit. Nous ne pouvons pas accepter cette manipulation. Nous ne pouvons pas être complices de leur intégration à la liste électorale. Nous ne pouvons accepter qu’il change la démographie ivoirienne. Ceux qui n’ont pas droit d’être sur la liste doivent être dénoncés. Nous voulons un dialogue franc pour éviter à la Côte d’Ivoire une autre crise postélectorale. Nous lançons un appel au peuple de Côte d’Ivoire. C’est pour le peuple que nous nous battons. Nous sommes la bouche, les oreilles et les yeux du peuple de Côte d’Ivoire. Nous pensons que ce peuple qui est martyrisé et qui croupit sous la misère doit nous accompagner dans notre prise de position. Nous pensons que les Ivoiriens n’ont pas à se poser la question de savoir si c’est un boycott de trop.

Ah bon !

Oui, c’est pour eux nous revendiquons. C’est pour eux que nous nous battons. Le peuple de Côte d’Ivoire a peur de parler à Alassane Ouattara. Et pourtant, c’est un homme. Nous devons lui parler. Afin qu’il arrête de bâillonner le peuple. C’est sous lui qu’il y a des prisonniers politiques. C’est sous lui qu’on a des milliers d’Ivoiriens en exil. Est-ce que ce n’est normal que des Ivoiriens meurent en exil. La dernière personne, c’est Pol Dokoui. Le régime accepte que les corps viennent mais n’accepte pas que les vivants reviennent dans les conditions se sécurité et de sérénité idéales. Nous ne pouvons pas l’accepter. Raison pour laquelle nous ne pouvons pas l’accompagner. Les Ivoiriens ne sont pas heureux sous Ouattara. Il faut qu’ils prennent leurs responsabilités. Et il ne peut pas prétendre à un 3ème mandat. La constitution ne le lui permet pas. On est fatigué de lui. Les Ivoiriens n’ont d’ailleurs jamais voulu de lui. Nous en appelons à une grande mobilisation des Ivoiriens pour boycotter l’enrôlement électoral que Youssouf Bakayoko et la Cei s’apprêtent à organiser. Nous devons dire non à Alassane Ouattara. Afin qu’il comprenne qu’il ne gouverne pas des animaux. Mais des êtres pensants. Trop, c’est trop.

Interview réalisée par :GBANE Yacouba