Interview/ Perspective 2020: Les vérités de Blaise Pascal Logbo, président du NPR, au régime Ouattara et son appel à l'opposition

Par Le Temps - Interview/ Perspective 2020. Les vérités de Blaise Pascal Logbo, président du NPR, au régime Ouattara et son appel à l'opposition.

Blaise Pascal Logbo, président du NPR.

Le président du NPR, Blaise Pascal Logbo, a accordé une importante interview au quotidien Le Temps dans sa parution du samedi 12 août 2017. Nous publions cette interview-vérités pour nos lecteurs. Le président du NPR y assènes ses vérités au régime Ouattara et lance un appel à l'opposition pour le combat du changement.
e 19 juillet dernier, la Chambre d'Appel de la CPI, a rendu son jugement en appel relatif au refus de la Chambre de première Instance d'accorder une liberté provisoire au président Gbagbo. Que pensez-vous de cette décision ?

Dans sa décision du 19 juillet 2017, la Chambre d'Appel a reproché à la Chambre de première Instance d'avoir refusé la mise en liberté provisoire du président Gbagbo en se basant principalement sur l'argument son lequel le président Gbagbo bénéficie d'un réseau de supporters capables de l'aider à échapper à la justice. La Chambre d'Appel a donc invité la Chambre de première Instance à revoir sa décision en appréciant objectivement les arguments fondés de la Défense, qui sont relatifs à l'âge, à l'état de santé, à la durée du temps déjà passé en détention et à la présomption d'innocence de l'accusé.
Nous pensons que sur cette base, le renversement de la décision de la Chambre de Première Instance par la Chambre d'Appel est la preuve que le refus de la liberté provisoire au président Gbagbo n'est pas fondé en droit. Dès lors, il revient à la Chambre de Première Instance de réexaminer sa décision en disant le droit, surtout que son argument principal, basé sur l'existence d'un réseau de supporters, n'a pu à lui seul peser dans la balance pour que sa décision de refus de liberté provisoire soit confirmée par la Chambre d'Appel. C'est vraiment la première fois que nous assistons à une telle évolution dans l'appréciation de cette Chambre d'Appel, après plusieurs refus de la Chambre de Première Instance d'accorder la liberté provisoire au président Gbagbo.
En se basant sur ces différents éléments, nous espérons que la Chambre de Première Instance, en revoyant sa copie, finira par dire le droit en accordant la liberté provisoire au Président Laurent Gbagbo. Au vue de cette évolution de la situation et en considérant les défaillances successives des témoins à charge, nous restons convaincus que la libération du Président Laurent Gbagbo n'est plus qu'une question de temps, car il y va de la crédibilité de la Cour Pénale Internationale .

Que pensez-vous de l'appel au pardon et à la réconciliation lancé le lundi 20 juillet dernier par le Président de l'Assemblée nationale , monsieur Guillaume Soro, aux ivoiriens en général et en particulier aux présidents Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara?

Nous pensons que la politique ne saurait se réduire à un état de belligérance permanente. Et pour ce faire il y a effectivement lieu de mettre en avant l'intérêt supérieur de la Nation en prônant la paix par le pardon et de la réconciliation. Cependant nous nous posons la question de savoir pourquoi cet appel n'a pas été lancé aux lendemains de la fin de la crise postélectorale ? Pourquoi c'est maintenant qu'il lance un tel appel ? Quelles en sont les motivations profondes ? Cet appel est-il sincère ? Ces questions méritent d'être posées afin de peser et de se rassurer de la valeur d'un tel appel. Car le drame serait que nous accompagnions consciemment ou inconsciemment monsieur Soro Guillaume dans une entreprise dépourvue de sincérité de sa part, et qui consisterait à instrumentaliser le discours sur la réconciliation à des fins présidentielles au détriment de l'aspiration profonde de la majorité des ivoiriens à une véritable réconciliation.
Nous trouvons curieux qu'il ne soit pas l'initiateur d'un projet de loi d'amnistie pendant qu'il parle de pardon et de réconciliation, comme si la réconciliation pouvait se faire sans la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés et le dédommagement des victimes.
Au NPR (Nouveau Parti pour le Rassemblement), nous disons oui au pardon et à la réconciliation, mais pas à n'importe quel prix. Il y a un préalable incontournable qui est la libération des prisonniers politiques et la création des conditions de retour des exilés. Car il est pour nous inconcevable que la réconciliation puisse se faire pendant que des fils et filles du pays croupissent injustement , pour des raisons politiques, dans des geôles de la mort. Cette réconciliation tant voulue ne doit écarter aucun ivoirien.
Nous voulons donc que monsieur Guillaume Soro sorte des discours pour poser des actes forts allant dans ce sens. A partir de là, nous pourrions accorder un minimum de crédibilité à sa volonté de réconciliation. A défaut d'actes concrets militant dans ce sens, nous pensons que monsieur Guillaume Soro, de chef rebelle qu'il a été, tente de se refaire une image bien polie d'homme de paix et de réconciliation en vue de conquérir le maximum de partisans pouvant servir son ambition présidentielle.
Par ailleurs, nous pensons que la Côte d'Ivoire n'a pas besoin d'une paix et d'une réconciliation éphémères ; elle a besoin d'une perpétuelle stabilité qui passe impérativement par le respect des principes de la démocratie et de l'Etat de droit. Tous les acteurs politiques doivent s'y engager. Sans cela, toute réconciliation obtenue ne sera malheureusement que de courte durée.

Suite aux différentes mutineries qui ont secoué le pays ces derniers temps, nous assistons à nouveau à des attaques armées prenant pour cibles des forces de Défense et de sécurité. Que dites-vous de la situation sécuritaire du pays ?

La situation sécuritaire du pays est véritablement préoccupante, inquiétante et alarmante depuis l'accession d'Alassane Ouattara au pouvoir. La sécurité et la quiétude des ivoiriens sont fortement menacées et attaquées à la fois par des jeunes criminels ,communément appelés « microbes », et par des soldats à l'occasion des différentes mutineries et des attaques armées visant des cibles FRCI. Tout porterait à croire que l'actuel régime n'a pas un parfait contrôle de la situation, en dépit des discours et mises en scène qui tentent de rassurer les populations et les investisseurs. Les tenants du régime paient le prix de leur logique guerrière qui les a conduits au pouvoir le 11 avril 2011. En créant une rébellion armée pour déstabiliser le régime du président Gbagbo, ils ont ouvert la voie à la prolifération des armes dans le pays. Le processus de désarmement qui devrait arriver efficacement à son terme pour endiguer et éradiquer cette prolifération des armes n'a pas été intentionnellement bien mené. Des milliers d'ex-combattants sont encore en possession d'armes de guerre. Selon un rapport d'experts de l'ONU, 300 tonnes d'armes de guerre achetées par l'ex-rébellion des Forces nouvelles restent introuvables. Des ex-rebelles font usage de leurs armes pour obtenir satisfaction des primes de guerres qui leur ont été promises pour renverser le président Gbagbo. Toutes ces armes emportées lors des différentes mutineries et des attaques ciblées contre les FRCI constituent des signes de préparation d'une déstabilisation massive. Cela n'augure pas des lendemains paisibles pour les ivoiriens. Il y a nécessité de discipliner l'armée, particulièrement tous ces éléments rebelles qui l'ont intégrée par la force des circonstances. Les ivoiriens ont besoin de sécurité et de paix. Ils ont besoin d'une armée républicaine qui les rassure davantage par son sens du devoir et de la discipline.

Le lundi 24 juillet, une délégation de députés ivoiriens, plus précisément ceux de Groupe Parlementaire « Agir pour le Peuple », conduite par le député Evariste Méambly, a été reçue dans la prison de Scheveningen par le président Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé, dans le but de leur présenter un projet de loi d'Amnistie dans le cadre de la réconcilition. Quel commentaire vous inspire cette démarche des députés ?

Le président Gbagbo est un homme d'Etat plus préoccupé par l'intérêt général que ses intérêts personnels. Et nous pensons que les actes politiques qu'il pose s'inscrivent dans cette logique, dans cette dynamique. Sur cette base, nous pense qu'il est normal qu'il reçoive des députés venant lui présenter un projet de loi d’amnistie s'inscrivant dans une certaine vision de la réconciliation. Le président Gbagbo ne pouvait donc pas ne pas recevoir ces députés, il ne pouvait pas ne pas saluer et soutenir leur initiative. Et nous pensons que dans sa prison de Scheveningen, le président Gbagbo est libre de recevoir qui il veut, étant convaincus qu'il le fait dans l'intérêt supérieur de la Nation, selon la sage vision qu'il s'en fait.
Cette visite de parlementaires ivoiriens au président Gbagbo et au Ministre Charles Blé Goudé est une preuve que ces deux personnalités ne sont pas les criminels comme l'on tente de le faire croire au monde. Car il serait absurde et incongrue que des représentants du peuple rendent visites à ses bourreaux supposés, accusés de graves violations des droits de l'homme. Cette visite, comme d'autres avant elle, est aussi une preuve que le président Gbagbo reste incontournable dans le processus de réconciliation en Côte d'Ivoire. Et, parce qu'il reste incontournable, sa place n'est pas en prison. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé doivent être libérés pour aller à la paix et et la réconciliation.

Que pensez vous de la crise actuelle au sein du RHDP, crise née des différentes ambitions présidentielles des partis membres de ce groupement politique ?

Ce qui se passe au RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) est le résultat d'une alliance de dupe, qui a fonctionné tant que chacun avait foi en la sincérité de l'autre dans le respect des engagements pris. A partir du moment où l'hypocrisie des uns et des autres se fait voir, à partir du moment où certains affichent manifestement leur intention de ne pas respecter les engagements pris, il ne pouvait que naître une telle crise au sein de cette alliance. A partir du moment où les ambitions divergent au sein d'une alliance politique, elles ne peuvent que entrer en conflit quand elles ne sont pas canalisées par un accord que tous s'accordent à respecter. Ce que nous craignons dans cette affaire, c'est qu'elle conduise à une situation où les membres de cette Alliance en arrivent à la violence comme moyen de réalisation de leurs ambitions. Car ne l'oublions pas, les membres de cette Alliance ont été d'une manière ou d'une autre des acteurs et des soutiens de la rébellion du 19 septembre 2002. Il s'agit donc de personnes qui pensent que l'usage des armes peut être un moyen de règlement des différends politiques ou de réalisations d'ambitions politiques. Nous espérons qu'ils seront habités par la sagesse pour éviter aux ivoiriens des moments de troubles graves ou de guerres fratricides.
Par ailleurs, en tant que leader politique d'opposition, nous ne pouvons que encourager et observer avec beaucoup d'intérêt cet affaiblissement de RHDP, qui devrait permettre à l'opposition de mieux s'unir et s'organiser pour occuper une position forte dans la perspective de la présidentielle de 2020.

6)Toujours dans la perspective de la présidentielle de 2020, que doit faire l'opposition, selon vous, pour reconquérir le pouvoir ?

Je viens de le dire, l'opposition doit s'unir et s'organiser pour être forte. J'ose croire que l'EDS (Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté) a été créé dans ce sens. Mais sur le terrain cette nouvelle Alliance politique de l'opposition reste encore invisible. Or c'est maintenant qu'il faut commencer le travail, qu'il faut nous mobiliser pour préparer les échéances électorales à venir. Il y a un énorme travail à faire maintenant, si nous ne voulons pas être pris de court par le temps qui presse. C'est dès maintenant qu'il faut sensibiliser les militants et les sympathisants à se faire établir leur carte nationale d'identité en vue de s'inscrire sur les prochaines listes électorales. C'est la base du travail. C'est dès maintenant que nous devons définir et défendre fortement les conditions d'élections libres, démocratiques, justes et transparentes en 2020. Pendant que ceux d'en face, marqués par le vieux réflexe de parti unique, rêvent de demeurer 40 ans au pouvoir, comme si la République de Côte d'Ivoire n'avait aucun fondement démocratique, nous ne devons pas croiser les bras. Comment un parti politique, en l’occurrence le RDR, (Rassemblement des Républicains) qui a obtenu officiellement 32,07 % au premier tour de la présidentielle de 2010, et qui aujourd'hui compte de nombreux déçus dans son camp, peut-il rêver démesurément de demeurer 40 ans au pouvoir ? Par quelle magie se maintiendra t-il au pouvoir pendant 40 ans avec un tel poids politique ? Avec de tels discours nous pensons que la démocratie et la paix sont constamment en danger dans notre pays. Car certains acteurs politiques ne sont pas prêts à se soumettre aux règles de jeu de la démocratie. On ne peut pas construire une paix durable en prenant plaisir à frustrer continuellement les autres. Notre rôle en tant qu'opposants est de nous battre légalement, afin que la démocratie retrouve ses lettres de noblesse dans notre pays. La stabilité et la paix durables que nous recherchons en dépendent.

Interview réalisée par Kiprindé Sonia
​In Le Temps du 12 et 13 août 2017