Interview/ Blaise Pascal Logbo, président du NPR : "La libération du Président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé est possible si les juges décident de dire le droit, rien que le droit. "

Par Le Temps - Interview/ Blaise Pascal Logbo, président du NPR "La libération du Président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé est possible si les juges décident de dire le droit, rien que le droit. "

Blaise Pascal Logbo, président du NPR.

Blaise Pascal Logbo, président du Nouveau Parti pour le Rassemblement (NPR), a accordé une importante interview au quotidien Le Temps dans sa parution du ce lundi 08 février 2016. Sans faux fuyant, le président du NPR donne son avis sur un un grand sujet d'actualité nationale et internationale, notamment le procès du président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé débuté le 28 janvier dernier à la CPI, à La Haye . Pour la réconciliation nationale et pour une paix durable en Côte d'Ivoire, le président du NPR, demande la libération du Président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, dans un procès où n'existe aucune preuve sérieuse des charges retenues contre les Accusés. Nous vous proposons l'intégralité de cette interview.

e Temps : La défense du Président Gbagbo a fait bloquer son procès à la Cpi le jeudi dernier. Vous qui êtes témoin oculaire, qu’en savez-vous ?

Blaise Pascal Logbo : Merci cher Journaliste ! Je voudrais, avant tout propos, vous remercier pour l'occasion que vous me donnez d'aborder avec vous certaines questions d'actualité. Effectivement, la Défense du président Laurent Gbagbo a bloqué son procès à la CPI le jeudi dernier. Mais il convient de préciser qu'il ne s' agit pas d'un blocage volontaire pour faire obstruction à la procédure. Il faut savoir que la Défense a clairement posé avec pertinence un problème de droit dont la solution était nécessaire pour que le procès se déroule dans la sérénité et selon les règles de l'art. Le Juge président de la Chambre de première instance, l'italien Cuno Jacob Tarfusser a eu la sagesse de lever la séance suite au problème posé. Dans le fond, cette situation est survenue parce que le juge-président avait produit une décision ce même jour dans laquelle il refusait à la Défense le droit de faire des contre-interrogatoires des témoins dans l'objectif de tester la cohérence et la véracité de leurs récits. Selon maître Altit, le juge fondait sa désion sur le principe selon lequel un témoin ne relate que des faits vécus et ne peut que dire la vérité. Sur la base de cette valeur dogmatique attribuée aux témoignages, le juge-président a cru nécessaire de refuser les contre-interrogatoires des témoins en avançant l'argument de la célérité avec lequelle doit se dérouler le procès dans lequel on a plus d'une centaine de témoins à charge. Les Avocats de la Défense ont clairement fait savoir que cette décision allaient négativement influencer le verdict des juges à la fin du procès. C'est pourquoi ils ont formulé une demande orale d’interjeter Appel de cette décision. A partir du moment où cette demande d'interjeter Appel s'adressait ,selon la procédure de la Cour , à la Chambre de première instance en charge du procès, cette chambre ne pouvait plus logiquement poursuivre l'audience. Elle devait ce donner le temps pour analyser cette demande, afin de donner rapidement son avis. Elle n'a donc pas tardé à faire connaître son avis le lendemain. Elle a donné un avis favorable à la demande de la Défense d'interjeter Appel, sans manquer d'évoquer un malentendu né de sa décision. Il faut noter que le juge a en définitive fait droit à la requête de la Défense en autorisant les contre-interrogatoires des témoins.

Le Temps : Pouvez-vous nous parler de l’ambiance qui prévaut au sein de la diaspora ivoirienne et africaine en ce moment à La Haye ?

B.P.L : L'ambiance est bonne dans l'ensemble. La diaspora ivoirienne et africaine est très mobilisée et suit de près ce procès. Elle l'a bien fait remarqué le 28 janvier dernier en se rendant massivement à la Haye à l'occasion de l'ouverture de ce procès pour soutenir le président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé. N'empêche que cette diaspora est quelque peu partagée entre optimisme et pessimisme. Mais je reste convaincu que le président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé seront libérés, malgré la sorcellerie judiciaire à laquelle nous assistons à la CPI.

Le Temps :Quelles sont les personnalités du monde présentes à La Haye ?

B.P.L : Je ne saurai vous dire les personnalités du monde présentes à la CPI. Ces personnalités opèrent beaucoup dans la discrétion. Elles ne se font donc pas voir. De mes yeux je n'en ai pas vu. Mais je sais par certaines sources quee des personnalités y défilent pour voir le président Gbagbo depuis qu'il y est injustement incarcéré.

Le Temps: La rumeur a parlé de la présence de l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki…

B.P.L : Je n'ai pas vu l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki à la Haye.

Le Temps : Si vous devez porter un jugement à mi-parcours sur le procès Laurent Gbagbo & Charles Blé Goudé, que diriez-vous ?

B.P. L : Nous ne sommes pas à mi-parcours du procès. Vu le nombre de témoins à charge et aussi à décharge, je pense que c'est un procès qui sera très long et dont nous ignorons la date de la fin. Aussi faut-il noter que dans tout procès il peut y avoir des rebondissements qui peuvent davantage le prolonger. C'est pourquoi je dis que nous ne sommes qu'au début du procès et non à mi-parcours. Pour ce début du procès, je note que les choses se passent bien, les deux équipes de la Défense, je veux parler de celle du président Laurent Gbagbo dirigée par Maître Emmanuel Altit et celle de Ministre Charles Blé Goudé dirigée par Maître Gert-Jan Knoops, défendent bien leurs clients. Jusqu'à présent les choses se passent bien dans l'ensemble. L'incident de l'audience du jeudi dont j'ai parlé pouvait tout gâcher, s'il n'avait été surmonté. Heureusement que tout es rentré dans l'ordre. Cependant , il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans un procès très politique, ce qui a d'ailleurs constitué la première phase de démonstration de l'équipe de la Défense le 3ème du jour du procès. Ce procès politique pourrait nous réserver de grandes surprises. Cela a d'ailleurs déjà commencé avec la révélation des noms de certains témoins à charges. Révélation qui met à nue ceux qui ont trahi Laurent Gbagbo et dont la liste est très longue d'ailleurs.

Le Temps : Comment évaluez-vous les chances du Président Gbagbo et de Blé Goudé à l’issue du procès ?

B.PL : Je ne pense pas être la personne indiquée pour évaluer les chances de la libération du président Laurent Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé. Leurs Avocats disposent d'éléments juridiques pour faire une telle évaluation. Je ne peux qu'exprimer mon opinion sur la possibilité de leur libération ou de leur maintien en détention à l'issue de ce procès. Mon opinion est que leur libération est possible, vu la légèreté de l'Accusation, qui manifestement manque de preuves. Leur libération est possible si les juges décident de dire le droit, rien que le droit. Il est cependant vrai que les signes montrant que nous sommes dans un procès politique sont très visibles depuis le début de la procédure qui a conduit à ce procès. Mais je pense que la meilleur manière de servir des intérêts politiques dans ce procès n'est pas de condamner le président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé, mais de les libérer. La véritable réconciliation dans notre pays ne sera effective que par leur libération. Cette réconciliation est le fondement d'une paix durable dans notre pays. Car nul ne peut prévoir ce qui pourrait arriver tôt ou tard , si l'injustice prononce leurs condamnations.

Le Temps : Quand est-ce que le Président Gbagbo prendra la parole , si vous êtes dans le secret des dieux ?

B.P. L : Je ne suis pas dans le secret des dieux. Je ne saurai donc vous dire quand est-ce qu'il prendra la parole. Mais le moins que je puisse dire , c'est qu'il ne parlera pas de si tôt, surtout pas avant la fin du bal des témoins.

Le Temps : L’absence de pro-Ouattara à La Haye vous surprend-elle ?

B.P.L : L'absence des pro-Ouattara à la Haye ne me surprend pas. Elle répond à la logique du régime Ouattara et à la logique même de la CPI. C'est la concordance de ces deux logiques, comme dans un plan commun, qui rend possible cette triste et fâcheuse réalité. La nécessité d'équité de la Cour aurait voulu que les pro-oauttara, responsables et coupables de nombreux crimes dans notre pays, se retrouvent à la CPI pour y répondre de leurs crimes. La CPI , si elle se veut véritablement impartiale, ne doit pas s'illustrer comme un tribunal de Nuremberg bis où on ne juge que les crimes supposés , imaginés ou avérés des vaincus d'une guerre.

Le Temps : A Paris en ce moment, Alassane Ouattara a déclaré qu’il n’enverrait plus d’Ivoirien à la Cpi. Quel commentaire cela vous inspire ?

B.P.L : Alassane Ouattara doit apprendre à être un politicien sérieux et conséquent. Il a grandement ouvert la voie de la CPI aux ivoiriens en faisant ratifier le 20 décembre 2012 par notre parlement le Statut de Rome qui régit cette Cour. Il doit donc être logique en faisant concorder la réalité avec sa déclaration. Et cela ne se fera que s'il abroge la ratification du Statut de Rome. Tant qu'il ne procède pas à l'abrogation de cette ratification, nous n'accorderons aucun crédit à sa déclaration. Une déclaration qui ne vise qu'à accorder l'impunité aux chefs rebelles qui lui ont permis de s'installer au pouvoir par les armes. Mais il ne saura accorder perpétuellement l'impunité aux crimes commis par des hommes de son camps.

Le Temps : Que va dire la Cpi ?

B.P.L : Je ne saurai prévoir ce que va dire la CPI. Ce qui nous importe ce n'est pas ce que va dire la CPI, mais ce qu'elle va faire. Cette CPI, nous la voulons plus dans des actes concrets que dans des déclarations de bonne intention. Il faut déjà qu'elle commence par rendre publics les mandats d'arrêt qu'elle aurait émis contre des pro-Ouattara impliqués dans des crimes en Côte d'Ivoire. La CPI est sous influence de l'ONU et a donc par ce fait les moyens d'exercer une véritable pression sur le régime d'Abidjan, si vraiment elle tient à poursuivre les criminels du camp Ouattara. Mais nous pensons que la Procureur Fatou Bensouda est dans un plan commun avec Alassane Ouattara pour accorder l'impunité aux criminels de son camp, et cela avec la complicité de la communauté dite internationale.

Interview réalisée par Tché Bi Tché

Le Temps N° 3701 du lundi 08 février 2016