Diaspora: "Pourquoi j’ai attaqué l’Ambassade du Congo-Brazzaville à Paris"

Par Paris Match - "Pourquoi j’ai attaqué l’Ambassade du Congo-Brazzaville à Paris".

Hérald, 24 ans, ici le 28 septembre 2016 a transformé sa Fiat Punto en voiture bélier pour pénétrer dans l'ambassade du Congo-Brazzaville et y mettre le feu.

Par François de Labarre

Paris Match a rencontré un des trois auteurs de l’attaque à la voiture bélier du 22 juin 2016 contre l’ambassade du Congo-Brazzaville à Paris

Non-professionnel, il a commis l'impair de laisser des empreintes derrière lui, Herold, 24 ans, a été appréhendé par la police le 6 septembre 2016 sur son lieu de travail, un supermarché à Anthony, dans les Hauts-de-Seine. Ses collègues ne se doutaient pas alors que le jeune homme était un activiste, ayant participé à une opération commando à caractère subversif. Il y a laissé sa voiture et son job.

Jugé en comparution immédiate, il reconnaît les faits: «j'ai attaqué l'ambassade, j’étais le chauffeur et c’était ma voiture. J’ai forcé la porte. Puis ça a duré deux minutes, on a lancé des cocktails Molotov et on est reparti en courant.»

Bilan: des dégâts matériel, et aucun blessé. Aujourd’hui, Herold se confie sur ses motivations: «on a fait ça pour interpeller les Français, pour leur demander de changer leur politique !» Herold s’interrompt puis lâche, dépité: «mettez des dictateurs si vous voulez, mais au moins changez-les!» Au motif politique, s’ajoute une expérience personnelle. Depuis son enfance, il nourrit une haine contre le Parti congolais du Travail (PCT).

«Mon père travaillait avec Pierre Ngolo, ancien secrétaire général du PCT, raconte le jeune homme. Quand il est mort, ils nous ont abandonnés. On a dit à ma mère qu’il y avait plein de veuves et qu’elle n’avait droit à rien. On a vécu dans la misère parce qu’on n’avait pas les bons passe-droits, ni les bonnes relations.»

"Lorsqu’on a entendu que Sassou voulait changer la constitution, on a tout compris."

«On est arrivé en France en 2012, j’avais 20 ans. Je ne voulais pas que les Congolais vivent ce que j’ai vécu, je voulais libérer ce pays», raconte Herold. Il entre dans un cercle d’activistes et commence à participer à des manifestations où il rencontre Donald «Imperator». Cet ancien gérant d'une bibliothèque de Pointe-Noire a gardé souvenirs douloureux de la guerre civile: une mère battue devant lui, des cousins abattus et lui un pistolet collé sur la tempe à 15 ans.

«On savait qu’il allait couper l’électricité, encercler les opposants. On savait qu’avec lui personne d’autre ne pouvait gagner.

Donald "imperator", le 28 septembre 2016 à Anthony: "On ne s'arrêtera pas, on n'accepte plus la politique des mallettes"
F de Labarre

Malgré cela, on a voulu y croire. J’ai pleuré le jour où on a annoncé les résultats. Personne ne disait rien, François Hollande, le président français, n’a rien dit. On s’est senti abandonnés et on est partis à la confrontation.»

Le discours des opposants se radicalise. «Arrivé au pouvoir par un coup d’état en 1997, Denis Sassou-Nguesso ne lâchera rien par les urnes», nous expliquent plusieurs opposants rencontrés à Paris. Le cercle autour du président sortant s'est réduit, de nombreux conseillers l’ont lâchés. Restent ses plus proches, sa famille qui tient les clefs de l’économie dont son fils Denis Christel poursuivi par la justice australienne. Cela ressemble à une fin de règne, mais comme un vieux lion, Sassou s’accroche.

Le spectacle est peu réjouissant pour les Congolais, mais il y a pire: des vagues de répression dans le Sud de Brazza, des opposants emprisonnés et les bombardements dans le Pool. Herold rejoint le groupe des «Mouvement des combattants congolais à Paris». Il gagne le surnom de «petit maître». «On nous appelle les résistants combattants de Brazzaville», dit-il. Guy Mafimba, un représentant de l’opposant André Okombi Salissa, les encourage ouvertement à agir ces jeunes qu'il qualifie de résistants. Il compare le «Congo Libre» à la «France libre» du général de Gaulle.

"Brazzaville était capitale de la France libre, aujourd’hui Paris est la capitale du Congo libre"

Pour Guy Mafimba, opposant congolais, ici à Anthony en septembre 2016, "on a joué le jeu de la démocratie et on a été lâché par la France"
© F de Labarre

Le groupe de «résistants» se contente d’abord de piéger les responsables politiques en déplacement à Paris en leur envoyant des œufs et de la farine. «Notre objectif est de leur faire sentir qu’ils ne sont pas tranquilles quand ils viennent à Paris.»

Dans l’organisation, Donald dit «Imperator» joue le rôle de tuteur. Ensemble, ils décident de porter un coup aux représentants d’un pays qu’ils n’appellent plus le Congo, mais «Sassouland». Trois jeunes «combattants» vont constituer l'équipe: outre le jeune Herold, Bran dit «Mendela» un ancien enfant-soldat qui vit au Havre et Faye.

Devant les juges, l’avocat défendra le geste politique, celui de résistants face à l’oppresseur. Il y aurait été question de la France sous Vichy, des actes de sabotages organisés par la résistance aujourd’hui vantés dans les livres d’histoires. Herold n’a pas d’antécédents judiciaires, il écopera d’une peine minimale. Bran va être condamné à une peine de prison ferme à cause d'un antécédent, Faye est jugé aujourd'hui, mardi 18 octobre à la 6ème chambre du Palais de Justice de Paris.

En attendant que ces amis retrouvent leur liberté, Herald pointe au commissariat chaque semaine et cherche un nouvel emploi. Son rêve: rentrer un jour chez lui dans un Congo qui aura fermé le chapitre du «Sassouland».

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