CPI: Pourquoi la libération du Président Laurent Gbagbo est possible

Par IvoireBusiness - CPI. Pourquoi la libération du Président Laurent Gbagbo est possible.

Ils seront cinq à composer le présidium de la cour d’appel des avocats de Gbagbo et Blé Goudé sur une demande de liberté provisoire au profit de leurs clients. C’est en effet la onzième fois qu’une telle procédure est utilisée. Parce qu’à onze reprises, les Juges de la chambre 1 ont refusé la liberté conditionnelle aux deux personnalités au motif qu’elles sont trop populaires et que des réseaux de partisans voulant les soustraire de la CPI existent et sont bien organisés.
Sauf que pour la première fois, une position dissidente a émergé. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la position du Juge-Président de la chambre Cuno Tarfusser qui pense que le délai de détention provisoire est largement dépassé puisque Gbagbo est détenu depuis plus de cinq ans et que la simple mise en accusation a duré plus de 925en raison de l’incurie du procureur Fatou Bensouda. L’italien trouve ainsi « étonnante et radicale » la position de ses collègues qui pensent que l’ancien président ivoirien doit demeurer en prison parce qu’il pourrait chercher à fuir son procès et leur rappelle que Laurent Gbagbo est encore présumé innocent.
Etant cependant minoritaire, la détention des deux accusés a été confirmée par la chambre. C’est donc contre cette décision que les avocats de Gbagbo, Blé ont fait appel, trois mois plus tard.
Pour ce faire, la chambre d’appel est composée de cinq juges dont le juge-président Piotr Hofmanski, Kumiko Ozaki, Sanji Mmasenono Monageng, Howard Morison et Chang-ho Chung. Ces juges ont été désignés le 14 juillet dernier par la juge Belge Christine Van Den Wyngaert qui n’est pas une inconnue en Côte d’ivoire.
Lors de la procédure de confirmation des charges contre les deux prévenus, la juge Christine Van Deng Wyngaert avait maintenu que les charges n’étaient pas suffisantes pour envoyer au procès le président Gbagbo.
Elle écrivait dans une position dissidente : « je suis donc dans l’incapacité de considérer Laurent Gbagbo de comme un auteur indirect (…) En ce qui concerne les accusations en vertu de l’article 25(3)(a), je ne suis pas convaincue par les éléments de preuve disponibles qu’il existe des motifs substantiels de croire que le plan commun présumé de maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir soit explicitement la cause de la commission de crimes contre des civils pro-Ouattara. Il n’existe aucune preuve convaincante, à mon avis, qui montrent que Laurent Gbagbo s’est entendu à un quelconque moment avec son supposé « cercle rapproche » pour commettre des crimes contre des civils innocents. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il y avait un effort délibéré de la part de Laurent Gbagbo et de son « cercle rapproché » en vu de préparer mentalement et matériellement ses partisans à commettre des crimes contre des civils.
Par exemple, je ne partage pas l’interprétation de mes collègues sur le fait que le discours de Gbagbo à Divo le 27 aout 2010 a été un signal faisant comprendre à ses partisans qu’ils seraient autorisés à commettre des crimes contre des civils pro-Ouattara (…)
En particulier, je ne crois pas qu’il soit possible de déduire du fait que Laurent Gbagbo a interdit la marche sur la RTI, qu’il a implicitement chargé les forces impliquées dans la répression de commettre des crimes contre des protestations civils pacifiques. De la même : manière, je ne vois pas comment le déploiement de forces armées à Abobo, qui a impliqué une possible utilisation de mortiers, peut être interprété comme une instruction d’utiliser ces armes contre des civils. Il est important de garder à l’esprit, à cet égard, que l’armée a été déployée afin de lutter contre un groupe d’insurgés lourdement armés et que la pratique régulière, application de la loi (police, gendarmerie), n’était plus en mesure de gérer la situation.
Bien qu’il puisse être soutenu que par l’envoi d’unités militaires dans une zone civile densément peuplée, Laurent Gbagbo a crée et accepté un risque que des civils innocents pourraient être blessés (c-à-d éventuel), cela n’est pas suffisant pour conduire qu’il a activement incité ces troupes à prendre délibérément des civils pour cibles. Je suis donc dans l’incapacité de considérer Laurent Gbagbo comme un auteur indirect au sens de l’article 25 (3) (a) » citation.
Depuis, le procès lui-même a donné raison à la juge Belge. Le supposé cercle de fidèles autour de l’ancien chef de l’Etat a confirmé que notre pays n’était guère préparé à faire la guerre et que le commando invisible avait rendu toute pénétration d’Abobo par les FDS impossible.
Même les experts du Procureur de la CPI ont jeté le trouble sur l’accusation parce qu’ils ont affirmé qu’il n’y avait pas de sang sur les habits des femmes d’Abobo qui auraient été tués le 3 mars 2011 et qu’aucune trace d’obus n’a été constatée au marche Siaka Koné d’Abobo.
D’ailleurs de manière régulière, les témoins de l’accusation sont soit déclarés hostiles par le Procureur soit que ces derniers plaident pour la libération des co-accusés.
Bine sûr, il ne s’agit pas de juger l’affaire sur le fond et donc la valeur des témoignages actuels. Ceci dit, la longue détention des prévenus ajoutée à la faiblesse de l’accusation ne devrait-il pas justifier ne serait-ce qu’une liberté conditionnelle ? En tout cas, on le saura mercredi.

SOURCE : Aujourd’hui/N° 1381 du lundi 17/07/2017