CPI: Le général Guiai Bi Poin, nouveau témoin de l’accusation à la barre du procès Gbagbo-Blé Goudé

Par IvoireJustice.net - Le général Guiai Bi Poin, nouveau témoin de l’accusation à la barre du procès Gbagbo-Blé Goudé.

Le général Guiai Bi Poin, nouveau témoin de l’accusation à la barre du procès Gbagbo-Blé Goudé.

Suspendues depuis le 16 mars, les audiences du procès Gbagbo-Blé Goudé ont repris ce lundi 27 mars à la Cour pénale internationale. Le témoin P-10, dont on attendait de connaître l’identité, s’est révélé être Georges Guiai Bi Poin. L’ancien responsable du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS) succède dans le prétoire à l’ex-directeur de la gendarmerie ivoirienne.

Par Anne Leray

Décrit comme un témoin central, l’Ivoirien Georges Guiai Bi Poin, 63 ans, a fait son apparition dans le prétoire de la Cour pénale internationale à La Haye. Général de division à la retraite, il a été l’unique responsable du Centre de commandement des opérations de sécurité, dit CECOS, de sa création en 2005 jusqu’à sa dissolution en avril 2011, après l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Nommé par le chef d’Etat-major Philippe Mangou, il cumulait cette fonction avec celle de commandant de l’école de gendarmerie à Abidjan.

Un témoin qui recadre l’interrogatoire

Invité à répondre à ce sujet, Georges Guiai Bi Poin a rapidement évoqué les poursuites judicaires dont il a fait l’objet de la part du régime Ouattara. « Il y en a eu tellement que je ne sais par où commencer. J’ai été poursuivi pour braquages et pour atteinte à la sécurité de l’Etat avec beaucoup de chefs d’accusation. Les juges d’instruction m’ont mis en examen, entendu et inculpé mais jusqu’à maintenant je suis en liberté ».

Après les recommandations d’usage du juge Cuno Tarfusser, l’ex-commandant du CECOS a prêté serment avant de commencer une déposition qui devrait durer plusieurs jours. « Je jure de dire la vérité, rien que la vérité ».

Melissa Pack, représentante du bureau du procureur chargée de mener l’interrogatoire, a ouvert ses questions sur le fait que les élèves de l’école de gendarmerie pouvaient être mis à disposition des Forces de défense et de sécurité (FDS) en cas de conflit dans le pays, fait abordé lors de la déposition d’Edouard Kassaraté qui avait exprimé s’y être opposé. « L’école de gendarmerie constituait en effet une réserve en temps de crise, et un texte prévoyait cette disposition. Des élèves en deuxième année et des officiers qui avaient fait une formation en école militaire pouvaient servir de renfort aux unités d’intervention sur tout le territoire », a affirmé Georges Guiai Bi Poin.

Ne paraissant pas toujours assurée face à son témoin, Melissa Pack a notamment cherché à établir le fonctionnement du CECOS. Veste bleue, chemise blanche et cravate à pois, à l’aise à la barre, l’ancien responsable de cette unité d’élite a plusieurs fois recadré la représentante du procureur face aux questions posées, prenant parfois lui-même les rênes de l’interrogatoire.

Le CECOS ne disposait ni de ses hommes ni de ses armes

Centre de commandement créé pour « lutter contre la grande délinquance et la criminalité dans les communes d’Abidjan », placé sous la coupe de l’État-major et du ministère de la Défense et composé d’hommes issus des FDS pour venir ensuite les appuyer, le CECOS est apparu comme une structure à la chaîne de commandement et aux missions peu faciles à appréhender. Décrit comme complémentaire à la gendarmerie par Edouard Kassaraté, il a été dépeint d’une autre façon par Georges Guiai Bi Poin. « La gendarmerie et la police faisaient exactement les mêmes choses et on a ajouté le CECOS pour les renforcer. Il veillait aussi sur la sécurité des biens et des personnes ».

D’après ce qui a été détaillé aujourd’hui, le CECOS ne disposait donc pas de ses propres hommes mais de ceux mis à disposition par la police, la gendarmerie et l’armée. Des hommes que Guiai Bi Poin a tantôt décrits comme placés sous « le commandement de leur unité organique » ou sous celui du CECOS. De 1500 personnes au départ, l’effectif aurait « régressé en passant à moins de 1200 hommes en 2010-2011 dont 50% de gendarmes, 45% de policiers et 5% de militaires ».

Divisé en cinq secteurs, le CECOS était dirigé par autant de commandants subordonnés à Guiai Bi Poin. « Chacun avait sous son autorité un groupe de 200 personnes ». Le général expliquera ensuite avoir instauré deux structures au sein du CECOS : la brigade de maintien de l’ordre (BMO) ainsi qu’un groupe d’appui mis en place « pour sécuriser l’autoroute au Nord d’Abidjan, car il y avait beaucoup de braquages qui finissaient souvent par des morts ».

L’irruption d’Anselme Séka Yapo au palais présidentiel

Tout comme la gendarmerie et la police, le CECOS a été décrit comme relativement démuni. Ses armes étaient également mises à disposition par les FDS. « Comme nous avions un gros problème d’armement en Côte d’Ivoire, sous embargo dès la création du CECOS en 2005, la gendarmerie, l’armée et la police étaient réticentes à se délester de leurs armes. Il en était de même pour les munitions, nous étions très rationnés ». « Le CECOS disposait-il de grenades offensives et défensives ? », a voulu savoir le juge Tarfusser. « A ma connaissance non », a répondu le général divisionnaire.

Enfin, interrogé sur le contenu des réunions qui se tenaient « tous les jours ou tous les deux jours » au palais présidentiel pendant la crise, en présence de Laurent Gbagbo et de son cercle rapproché, Guiai Bi Poin a révélé que l’ancien chef de la sécurité rapproché de Simone Gbagbo, Anselme Séka Yapo, était intervenu lors de l’une de ces réunions. « Il nous a dit comment il voyait les opérations à Abobo pour être plus efficaces et vaincre le Commando invisible. Son approche était différente de celle du chef d’État-major. Il voulait agir de façon plus intensive, avec plus de troupes. Or notre analyse était que nous étions dans une situation d’affrontements asymétriques, et que rien ne pouvait distinguer la population du Commando invisible. On ne pouvait donc pas tirer systématiquement sur la foule ».

Cette intervention d’Anselme Séka Yapo, introduit par Philippe Mangou, ne semble pas avoir été du goût de tous les généraux. « Nous avons demandé au chef d’État-major de ne plus autoriser n’importe qui à venir nous donner sa vision de la stratégie à adopter » a-t-il relaté avant que l’audience du jour ne se referme.

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