Cameroun: Lettre ouverte (fraternelle) à Monsieur Ruben Um Nyobe le « Mpodol » ou le « Porte- parole », Par Professeur Urbain AMOA

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Cameroun. Une lettre ouverte (fraternelle) à Monsieur Ruben Um Nyobe le « Mpodol » ou le « Porte- parole », Par Professeur Urbain AMOA.

Le professeur Urbain AMOA au cours d'un point de presse.

Mon bien cher Frère en l’Au- delà,
Monsieur Ruben Um Nyobe et cher Frère en l’Au- delà, à présent, et je sais que vous l’auriez fait avec moi, je me demande qui peut être élu « héros » ou être hissé à ce rang par la conscience sociale d’un peuple.
Monsieur Ruben Um Nyobe, faut-il que je me souvienne des prouesses et de l’aura de votre illustre père, prêtre des rites traditionnels africains, pour mieux vous apprécier et mieux apprécier votre détermination et votre attachement à la puissance des forêts équatoriales du Kamerun, du Ca- me-roun ?
Monsieur Ruben Um Nyobe, faut-il que je me rappelle que votre passion pour l’éducation à la réunification aura été pour vous un guide de la méthode : une méthode pédagogique, une méthode didactique ou une méthode didactico- pédagogique ? Tout cela ne veut rien dire, n’est-ce pas ? Faut-il, plus simplement, que je me souvienne de votre attachement à une Mère Afrique toujours et encore, par ses propres enfants, ballotée, bafouée et humiliée, et de votre passion pour la défense et l’illustration des valeurs et civilisations nègres ? De la dignité du Nègre, et c’est, me semble- t – il, bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, qu’il s’est agi même hier ; devrait-il s’agir encore de cela demain ? Demain…l’Afrique ?
Peut- être faudrait-il, Monsieur Ruben Um Nyobe, que je me souvienne aussi de Patrice Lumumba, de Kwame Nkrumah et de bien d’autres encore pour mieux m’interroger sur le concept de la méthode dans tout projet à valeur scientifique. La méthode, c’est l’aptitude à l’appropriation et à une application planifiée et programmée d’une théorie, d’une pratique ou de la pratique d’une théorie, et ce, fort d’une stratégie savamment pensée et sans cesse revue et corrigée de façon tactique face à une situation, à un adversaire ou à un ennemi. Pour être efficace et percutante, celle-ci devrait pouvoir allier souplesse, fermeté et réalisme de façon à capitaliser l’existant qu’il faut connaître (culture générale sur l’environnement et l’objet d’étude), à énoncer avec clarté la quintessence du sujet tout en restant à la fois vigilant et ouvert à l’intelligence du contexte ; à développer une imagination hors du commun et fort habile et agile dans le dessein de parvenir à un seul objectif : gagner  ou vaincre. Sans doute alors, toutes les méthodes se valent- elles, mais peut- être faudrait- il, davantage, se pencher sur cette autre méthode que j’appelle «l’ immersionnisme », et qui consiste dans l’idée qu’il faut s’obliger à plonger les dards de ses réflexions dans les profondeurs scientifiques (psychanalyse) et dans l’âme (spiritualité), donc dans le spirituel ou le sacré, de l’environnement des investigations, tout en sachant apprécier « l’intelligence du contexte » et « le temps de réceptivité » sans se laisser distraire par des vibrations extérieures. Et c’est là où, Monsieur Ruben Um Nyobe, ni vous ni nos frères de votre trempe n’ont semblé avoir su, face aux méthodes classiques de l’administration coloniale, prendre à temps la juste mesure de l’équilibre des forces et du bestial qui, en l’humain somnole non pour abdiquer mais pour gagner plus sûrement ou plus durablement, en œuvrant, ainsi, à échapper à ce qui, dans chaque cas, ressemble encore hélas ! à une sorte de démonstration par l’absurde.
Aurait-il fallu, Monsieur Ruben Um Nyobe, que nous fussions tous des héros mais morts, des lâches et des béni-oui-oui complices ou indifférents, mais vivants ? Non ! Assurément. Et votre réponse, nous la connaissons : vous auriez choisi la première face de l’alternative en jouissant de votre droit à la vie pour continuer de conduire la lutte jusqu’à la victoire finale. Vous, mais aussi un certain Patrice Lumumba ; vous ,mais aussi un certain Sékou Touré ; vous, mais aussi un certain Kwame Nkrumah ; vous mais aussi un certain Félix Houphouët-Boigny demeuré peut-être très stratège en vos rangs avec finesse et ruse, mais tout de même rattrapé au soir de sa longue et riche vie d’habile cerveau politique par les mémoires et les vestiges de la lourde machine infernale de l’administration coloniale .Ici, se posent deux questions majeures ;comment peut-on devenir un héros de bonne ou excellente référence et, qui donc peut, malgré les avatars de l’histoire, prétendre être célébré en héros par les siens, de génération en génération ?
Monsieur Ruben Um Nyobe, nous constatons à présent, que ni vous ni les autres n’auront atteint l’objectif visé qui aura consisté dans la libération de l’âme du Nègre c’est- à-dire la puissance spirituelle qui, en lui, réside. Que votre combat n’aura pas été vain puisque sur vos traces et même encore traînés à travers des ronces invisibles comme vous le fûtes, et sur les traces des sempiternelles affres de l’administration coloniale, nous sommes encore mais d’une autre manière car rien, ni leurs armes ni leurs méthodes, n’ont pas fondamentalement changé. Les nôtres non plus hélas ! Conséquence : à chaque époque, les mêmes balles assassines détruisent toute velléité de libération de l’âme de l’Afrique. Qu’en sus des leçons à retenir de votre vie-symbole longtemps étouffée par une certaine classe dite politique, nous interpelle non uniquement l’objet de votre combat, mais désormais la méthode, cette méthode analogue à celle d’un héros qui, Face à l’homme blanc comme l’écrit James Baldwin, et face à la pression d’une certaine communauté internationale, ce nouveau puissant monstre anonyme et invisible, déjà mythique, reste debout même impuissant.
Monsieur Ruben Um Nyobe, demain et c’est déjà demain et nous y sommes. Les ères ont changé ; les acteurs aussi mais demeure et demeure toujours la contradiction principale. Il s’impose, par conséquent, à nous non plus des meetings, non plus des slogans dans de grandes salles des congrès des partis politiques et, encore moins, à travers les grandes et évasives accusations contre les français, les britanniques, les portugais, les allemands …sur les réseaux sociaux, mais essentiellement et ce, de façon concomitante , à partir du continent africain et à travers la diaspora nègre et assimilée, une guérilla intellectuelle à la fois scientifique, spirituelle et donc culturelle (une vraie révolution culturelle) qui devra être ponctuée et marquée par une forte dose d’esprit de géométrie et d’esprit de finesse à l’instar des réflexions menées par des savants des siècles passés et reprises, entre autres, par Pascal au XVIIème siècle. Eh ! oui, « L’homme n’est qu’un roseau ; le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant ». C’est bien de toute personne humaine qu’il s’agit, n’est-ce pas Monsieur Ruben Um Nyobe ?
Et puisque c’est par les religions (logique d’effacement des spiritualités africaines), les canons et les épidémies que la colonisation aura durablement assujetti les peuples d’Afrique noire, puissent l’intelligence et le spirituel nous conduire à actionner collectivement et durablement, face au bestial de l’humain de l’Autre, l’Humain de l’humain et le Divin de l’humain qui en l’Africain aussi somnolent, somnolent encore et somnolent toujours, et souventes fois, essentiellement par peur. Qu’est- ce donc l’intelligence si ce n’est que l’intelligence d’un objet ou d’un sujet consiste à puiser dans l’intelligence de l’Autre la dose de nectar suffisante pour , tout en le combattant, échapper à ses traquenards, à ses geôles et à la guillotine afin de savoir protéger sa puissance économique et l’Humain de l’humain qui en l’humain siège.
Et puisque Monsieur Ruben Um Nyobe vous avez dû lors de votre pèlerinage sur la terre, malgré vous, marquer un arrêt trop brusque et que, ce faisant, la relève n’a pu sans doute être préparée comme vous l’auriez souhaité, que pourrais- je vous dire sinon que la chaîne de la quête de la dignité de l’Afrique par l’Afrique à travers ses richesses, ses divinités et ses spiritualités n’est pas rompue et que l’on sait aussi que sur ce continent, le spirituel précède toujours le réel.
Monsieur Ruben Um Nyobe et cher Frère en l’Au- delà, qui donc peut, durablement et de façon objective, aspirer à être élu « héros » ou être hissé à ce rang par une conscience sociale et collective d’un peuple ?
Puissent les lueurs nobles, positives et constructives de vos idées assaisonner en chœur les Cœurs encore fidèles à l’Afrique !
Paix ! et paix sur vous, mon bien cher Frère en l’Au- delà !
Puissiez- vous retenir et bien retenir de là où vous êtes, que toujours et encore rude est le combat mais certaine est la Victoire, une victoire qui gicle de nos veines, même emmurées par un certain concert de nations, pour ensemencer et fertiliser nos terres d’Afrique quotidiennement hantées par la puanteur de nos propres impuretés et un risque presque évident de poubellisation de notre continent, une autre arme hideuse et pernicieuse à visage pluriel.
En votre mémoire Monsieur Ruben Um Nyobe et en souvenir du FIBE (Eséka – Boumyebel - Bogso) 2017, très respectueusement, je m’incline.

Par professeur Urbain AMOA
Directeur
Festival International de la Route des Reines et des Rois,
Abidjan- Côte d’Ivoire