Bombardement de Bouaké/ Mediapart Complot CPI contre Gbagbo: Un avocat français écrit aux députés français

Par IvoireBusiness - Bombardement de Bouaké/ Révélations de Mediapart sur le Complot de la CPI contre Gbagbo. Un avocat français écrit aux députés français.

Me Jean Balan, avocat des familles des victimes françaises de Bouaké.

« Je suis parfaitement conscient de l’importance et de la qualité de travail que vous avez à effectuer chaque jour dans vos fonctions et que ce courrier nécessitera une lecture attentive qui surement demandera un effort supplémentaire. Mais c’est mon devoir de l’écrire. Et je pense également c’est votre devoir non seulement de le lire mais de réagir. L’objet de ce courrier est l’assassinat de neuf soldats français et de 49 autres blessés dont certains très gravement, lors du bombardement du 4 novembre 2004 d’un camp militaire français situé en Côte d’Ivoire pour y maintenir la paix. Ce bombardement a eu beaucoup d’autres conséquences par la suite, notamment l’évacuation de 10.000 français dont la majorité a tout perdu. Le dossier d’instruction a été fait dans des conditions extrêmement difficiles, sur lesquelles je reviendrai. L’instruction est maintenant terminée. Cela vous laisse donc une possibilité totale d’intervenir. Je souligne ce point, car j’avais attiré l’attention de l’Assemblée nationale il y a cinq ans, avec suffisamment d’éléments déjà à l’époque, mais on m’a répondu gentiment que malheureusement une instruction était en cours, ce qui empêchait les députés de se saisir de l’affaire. Maintenant l’instruction clôturée, je peux me permettre d’attirer votre attention sur tous les aspects terribles dans un Etat de droit que dossier révèle. à cet égard, je joins l’ordonnance du juge d’instruction demandant le renvoi devant la Cour de justice de la république des anciens ministres Dominique De Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier, pour leurs rôles extrêmement néfastes joués dans cette affaire. Pour faire court, il est démontré qu’ils ont tout fait afin d’empêcher la justice de travailler et la vérité de ressortir. En bref, je le dis sans réticence, ils ont saboté volontairement tout le travail de la justice. Or cette ordonnance a été rendue il y a deux ans et rien ne se passe. Certains hauts magistrats continuent de protéger ces trois personnages pour toutes sortes de raisons. Je reviendrai sur ce point en détail et démontrerai pourquoi. L’ordonnance du juge est ad minima. C’est tout ce que le juge d’instruction pouvait faire compte tenu de l’immunité dont ces trois anciens ministres bénéficient par rapport à la justice pénale de droit commun. si tel n’était pas le cas, il y a dans le dossier des indices graves et concordants pour avoir pu les mettre en examen et les renvoyer éventuellement devant une cour d’assises pour être jugés en tant qu’auteurs, co-auteurs ou complices de l’assassinat des soldats français. Si je dis « indices graves et concordants », c’est pour utiliser la formule classique. Le dossier laisse apparaitre plus que ça. Outre l’énormité des faits qui risque d’embarrasser fortement l’Etat français, ils ont saboté l’action judiciaire pour se protéger eux-mêmes. Je vais détailler le plus brièvement possible, le dossier d’instruction comportant plus de 15.000 pages et ce que j’ai réussi à étayer sans qu’aucun doute ne subsiste pendant 13 ans d’instruction. Documents par documents, témoignages par témoignages sans aucune aide ou intervention du parquet. Le parquet a été neutralisé dès le début. D’abord parce qu’en matière militaire, le parquet était soumis directement aux ordres du ministre de la Défense, à l’époque Michèle Alliot-Marie. Ensuite pour d’autres raisons. Heureusement, les quatre juges d’instruction qui se sont succédé ont suivi mon raisonnement, toujours détaillé et argumenté, que je leur exposais en qualité d’avocats de 22 parties civiles, pour parvenir aux mêmes conclusions que les miennes. Cela s’appelle l’indépendance de la justice. Et son honneur. Je fais une petite parenthèse avant de souligner les autres aspects. Le tribunal qui s’occupait initialement de l’affaire était le tribunal aux armées de Paris, seul compétent. Un tribunal, non pas d’exception, mais spécialisé dans toutes les affaires militaires, dont les opérations extérieures (Opex), tribunal efficace, rapide et très compétent. Dans le cadre de cette affaire, Michèle Alliot-Marie a été interrogée par la juge d’instruction, à l’époque Mme Michon. Cet interrogatoire d’une vingtaine de pages a été vrai désastre pour Mme la ministre, à l’époque Garde des Sceaux. Résultat, une des seules réformes faites pendant ses fonctions, a été de liquider le tribunal aux armées, sous le prétexte d’une meilleure organisation. J’affirme, en parfaite connaissance de la signification de ce mot, que c’était une fumisterie. On paie encore les conséquences de cette décision dans les affaires militaires. Suite à cette réforme, l’affaire Bouaké a été pratiquement enterrée pendant deux ans. Jusqu’au moment où un nouveau juge d’instruction a été désigné au tribunal de grande instance de Paris dans la section nouvellement créée des affaires militaires. Ce nouveau juge, il s’agit de Mme Kheris, actuellement le doyen des juges d’instruction, a hérité de tous les dossiers militaires en cours. Imaginez-vous la quantité de travail d’un juge qui se retrouve avec plusieurs dizaines, sinon des centaines de dossiers nouveaux pour lui ! Heureusement, je n’ai pas lâché. Et Mme la juge a eu la courtoisie de me recevoir à de nombreuses reprises et de lire les nombreux résumés que j’ai fait, bien entendu en les comparant à la réalité du dossier. D’autres témoignages par la suite ont permis de démontrer que Michèle Alliot-Marie avait menti sous serment lorsqu’elle avait été entendue par la juge d’instruction Michon. Ce qui amplifiait ses mensonges antérieurs. Si on empêche jusqu’à présent la saisine de la Cour de justice de la république, les raisons sont doubles. La première tient au comportement de certains magistrats de haut niveau. J’ai écrit au début de ce courrier que le parquet avait été neutralisé dès le commencement de cette affaire. Il est aisé de constater qu’aucun effort n’a été fait pour exécuter les mandats d’arrêt ordonnés par la justice pour arrêter les auteurs exécuteurs de l’assassinat des soldats français. Il y a quatre déjà Mme la juge d’instruction avait demandé au procureur de Paris de saisir la Cour de justice, avec les mêmes éléments que ceux utilisés dans l’ordonnance jointe, c’est la procédure normale. Le procureur a répondu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments. Le procureur général était M. Moulins, ancien chef de cabinet de Michèle Alliot-Marie. Mauvaise lecture du dossier ou protection ? À vous de juger. Après l’audition de Michèle Alliot-Marie par la justice, ses mensonges sous serment ayant été démontrés sans l’ombre d’un doute, et afin d’accélérer la procédure, dix de mes clients ont déposé une requête devant la Commission des requêtes près la Cour de justice de la république à l’encontre de l’ancienne ministre. Et ce pour une raison précise : avoir menti sous serment à la justice. Le rôle de la Commission est simple : rejeter les requêtes fantaisistes. Or la Commission a rejeté ces requêtes au motif aberrant et incompatible avec son rôle : « Les déclarations de Michèle Alliot-Marie ne sont pas une déformation volontaire de la réalité ». Comment la Commission a-t-elle pu déterminer ce motif sans un débat contradictoire et au fond ? Les membres de cette Commission étaient juges et parties. Pour moi, il s’agit plus que d’un simple service rendu à celle qui a pu éventuellement les mener à leur poste. C’est de la forfaiture. Et cela, je l’ai écrit et ai rendu publique cette correspondance. J’aurai pu l’objet d’une plainte pour diffamation. Ou au moins une plainte au Bâtonnier. Rien, pour ne pas faire de vagues. J’arrive enfin à la deuxième raison. La plus importante. Si la Cour de justice de la république est saisie, si les avocats peuvent enfin s’exprimer au risque de découvrir le plus grand scandale concernant l’Etat français. Je suis conscient, c’est pourquoi j’ai toujours soutenu que ce n’était pas l’Etat français qui était responsable, mais une camarilla d’hommes et de femmes aux plus hautes fonctions de l’Etat. Pour des raisons politiques, d’influence et économiques qui leur sont propres.

Je soutiens que l’affaire Bouaké a été une manipulation française

Cette manipulation a causé des morts, non prévus initialement. Le parlement, l’armée, les médias ont été manipulés, le gouvernement tenu à l’écart. On a menti aux parties civiles. le bombardement de Bouaké a été une action préméditée, ayant pour but de créer une situation permettant une riposte d’une envergure telle qu’elle pouvait mener à un coup d’Etat afin de renverser le président ivoirien Gbagbo et mettre M. Ouattara à sa place dès 2004. Et ce, pour des raisons que le dossier laisse apparaître également. Une tentative de coup d’état militaire a eu lieu, faite par l’armée française, qui je le répète, a été utilisée et manipulée. Cette tentative a échoué pour des raisons extérieures, notamment grâce à la présence de l’immense foule d’Ivoiriens dans les rues, sortis pour protéger le président Gbagbo. Or, le dossier démontre, sans le moindre doute, grâce aux documents qu’on a pu obtenir, malgré les obstacles, grâce aux témoignages que j’ai pu susciter, grâce à l’obstination et le courage de la juge d’instruction, que tout le monde savait pertinemment dès le début de l’affaire que ni le président Gbagbo, ni son gouvernement n’étaient à l’origine du bombardement. Et pourtant c’était la version officielle. On savait dès le début quoi étaient les pilotes responsables de ce bombardement, libérés sous l’ordre direct, incompréhensible et totalement illégal des plus hautes autorités françaises. Sabotant ainsi l’action judiciaire et m’empêchant volontairement de connaître la vérité et notamment les commanditaires de cette attaque assassine.et le pourquoi, ce n’est pas une théorie que je développe. Ce sont des faits indiscutables du dossier. En outre les victimes de cette affaire, ne sont pas traitées comme les autres victimes des opérations extérieures. Elles sont totalement ignorées. Les seules fois qu’elles ont pu rencontrer les autorités, c’était au début de ce dossier afin de voir Michèle Alliot-Marie qui leur a menti en face. Un dernier sur les trois personnalités visées par la juge d’instruction. M. Barnier a pris certaines décisions nuisibles à la justice .Michèle Alliot-Marie a totalement, absolument saboté dès le début, l’enquête judiciaire, en mentant sans vergogne à la presse, aux juges, aux médias, à l’Assemblée nationale, en adaptant ses mensonges en fonction de l’avancement de l’enquête. Personnellement, je pense qu’elle a agi après les faits, pour empêcher par tous les moyens, que la justice puisse faire éclater la vérité. Mais je ne la crois à l’origine des évènements. S’agissant de Dominique De Villepin, il n’a été entendu qu’une seule fois pendant l’instruction. Et il a fallu déployer beaucoup d’efforts pour trouver des témoins qui pouvaient confirmer que le témoignage de ce dernier était mensonger. Mais, ce n’est pas le plus important. Si vous avez à un moment donné la possibilité de lire le témoignage devant la juge d’instruction de Dominique De Villepin, cela va au-delà du mensonge. C’est d’un cynisme insupportable. Plus que cela, il démontre une arrogance, un mépris total au bon sens et à l’intelligence. ce personnage éminent de la politique française, ministre de l’Intérieur à l’époque des faits, donc en charge de l’évacuation de la Côte d’Ivoire des français en danger, dit qu’il ne savait rien de Bouaké, que ce n’était pas de son ressort direct mais de subalternes qui ne l’ont pas tenu informé. Alors qu’il s’agissait de la plus grande crise que la France ait connu depuis de Drakar au Liban. Ce n’est plus des mensonges. C’est une déclaration de culpabilité. Le président Gbagbo, dans le témoignage recueilli par la juge d’instruction que nous avons obtenu à la Cour pénale internationale, explique pourquoi c’était M. De Villepin qui voulait le dégommer selon l’expression utilisée par l’ancien président. La Cour de justice appréciera. Mais d’abord, il faut qu’elle soit saisie. Cette Cour a été saisie pour toutes sortes de raisons, plus ou moins graves, d’un arbitrage problématique aux prix d’un hippodrome. Et rien n’est fait pour l’assassinat et des violences sur des soldats français ! C’est inconcevable.et malsain. D’où la nécessité de m’adresser directement à vous et donner un maximum de publicité par la suite. Enfin, je joins également à ce courrier un article de Mediapart concernant les conditions particulièrement suspectes dans lesquelles, le président ivoirien Gbagbo a été retenu par la Cour pénale internationale par la suite. Je ne suis pas l’avocat de ce dernier et la politique de la France en Côte d’Ivoire n’est pas de mon ressort. J’ajoute cette pièce car je pense qu’il s’agit d’une conséquence logique des évènements de 2004. Je tiens à souligner que ce courrier n’est qu’un aperçu très bref du dossier. Je m’engage à vous fournir tous les éléments qui démontrent l’exactitude de ce que je dénonce, si vous le désirez et m’écrivez dans ce sens. Vous pourriez décider d’agir d’une manière ou d’une autre pour que ce genre de personnages, qui pensent être au-dessus de la loi, répondent de leurs actes, pour que cette « criminalité » diffus, secrète, cesse d’exister, ou à tout le moins assume leurs actes face à la justice. C’est aussi votre rôle ».

Paris le 31 octobre 2017,

Me Jean Balan,
avocat des familles des victimes françaises de Bouaké