Bancassurance: NSIA négocie (enfin) son virage bancaire

Par Jeune Afrique - Bancassurance. NSIA négocie (enfin) son virage bancaire.

Siège de NSIA Banque Côte d’Ivoire, à Abidjan. © LEGNAN KOULA/EPA/Maxppp.

Par Stéphane Ballong

En prenant le contrôle de Diamond Bank SA, le fondateur du groupe ivoirien, Jean Kacou Diagou, devrait franchir une étape décisive dans sa volonté de constituer un réseau de banques aussi étendu que celui de son pôle assurances.

Pour Jean Kacou Diagou, le fondateur et président du groupe NSIA, c’est un vieux rêve qui est en train de se concrétiser. Sous réserve du feu vert des régulateurs des marchés financiers du Nigeria et du Bénin, l’homme d’affaires ivoirien va franchir une étape décisive vers la constitution d’un réseau bancaire couvrant les mêmes pays que le pôle assurances de son groupe, douze marchés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Manzi Finances, le holding d’investissement qu’il détient (à 70 %) avec le géant helvétique Swiss Re (30 %), a trouvé un accord avec Diamond Bank SA et devrait prochainement en devenir actionnaire à 97 %. Cette filiale du groupe nigérian du même nom est active au Bénin et possède trois succursales implantées en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo. Montant de l’opération notamment conseillée par Serge Thiémélé du cabinet EY : environ 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros) selon les informations de Jeune Afrique Business +.

Depuis quelques mois déjà, le nom de ce réseau bancaire était cité parmi les cibles potentielles du patron du groupe NSIA. L’Ivoirien était en contact avec les actionnaires de Diamond Bank depuis qu’il a racheté en 2011 sa filiale Adic Insurances. « Cette première opération a permis celle en cours. Nous cherchions une banque à acheter depuis plusieurs années », affirme Janine Kacou Diagou, directrice générale de NSIA et fille de Jean, présentée comme son successeur à la tête du groupe.

Si son père ne cachait pas son intérêt pour Oragroup, implanté dans une douzaine de pays et détenu par son ancien partenaire Emerging Capital Partners (ECP), Janine Kacou Diagou assure qu’« au moment où nous sommes entrés en négociations avec Diamond Bank [il y a environ six mois], aucun autre réseau de taille raisonnable n’était en vente ».

Mais que valent vraiment les filiales francophones du groupe nigérian ? Sont-elles financièrement solides ? « Diamond Bank SA est une banque saine, martèle Janine Kacou Diagou. Le vendeur a été tout à fait transparent pendant le processus de due diligence et lorsque nous avons dû passer en revue le portefeuille. »

Un bon connaisseur de ce dossier tempère cependant ces affirmations : « Le portefeuille de Diamond Bank SA est de qualité moyenne. Concentrée sur son marché local, où la réglementation sur le capital minimal des banques est devenue très stricte, la maison mère nigériane avait quelque peu délaissé sa filiale. »

Mais notre source reconnaît tout de même que Manzi Finances et son partenaire Swiss Re réalisent là une bonne affaire : « C’est un bel actif, avec un réseau de 300 à 400 agences dont certaines appartiennent au patrimoine immobilier de la banque. De même, Diamond Bank SA possède un agrément unique – d’une valeur de 15 milliards de F CFA – qui permet d’ouvrir de nouvelles succursales dans l’Uemoa. Finalement, l’opération reviendra toujours moins cher que de faire du greenfield [création de sociétés]. »

Paul Derreumaux, président d’honneur et cofondateur de Bank of Africa (BOA), ne dit pas autre chose : « Acheter une banque permet d’aller plus vite et de faire l’économie des phases de préparation, d’agrément et de montée en puissance d’une nouvelle entité. » Fin 2016, le total d’actifs de Diamond Bank SA s’élevait à 401,5 milliards de F CFA pour 14,3 milliards de produit net bancaire, 911 millions de bénéfices et un peu plus de 700 employés.

Protection

Une fois validée – ce qui devrait prendre encore quelques mois –, l’acquisition permettra donc à l’ancien patron des patrons ivoiriens d’étendre le réseau bancaire, auquel pourrait être adossé NSIA Assurances, à trois nouveaux marchés ouest-africains : le Bénin, le Togo et le Sénégal. Il est aujourd’hui limité à la Côte d’Ivoire et à la Guinée.

« Nous allons enfin essayer de réaliser ce plan ambitieux qui consiste à proposer à nos clients des produits leur offrant une protection, en même temps que des produits bancaires », se réjouit Janine Kacou Diagou. « La stratégie des actionnaires de NSIA a du sens pour deux raisons, estime Paul Derreumaux. Les banques deviennent un canal essentiel de distribution de produits d’assurance – on l’a vu en France ou encore au Maroc. Et l’expérience montre que lorsqu’il n’y a pas d’actionnaire commun, ce travail est difficile à réaliser. »

Le patron français, bon connaisseur du secteur financier africain, cite ainsi en exemple le partenariat qu’il avait tenté de mettre en place entre BOA et Colina (aujourd’hui Saham). « Nous avions une alliance forte, des idées et une volonté communes au sommet des groupes, mais, parce qu’il n’y avait pas de lien capitalistique, celui-ci n’était pas forcément mis en œuvre par les dirigeants des filiales », témoigne-t-il.

Prochaine étape, la Cemac

Après s’être développé en Afrique de l’Ouest, où il sera bientôt présent dans cinq pays, NSIA (221 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2015) devrait continuer l’expansion de son activité bancaire dans la Cemac, où son pole assurances est déjà actif au Cameroun, au Gabon et au Congo. Ses deux pôles, banques et assurances, seraient alors présents sur les mêmes marchés, quatre pays exceptés.

Pour Roger Dossou-Yovo, consultant et ancien directeur général de l’Institut international des assurances, « les professionnels subsahariens du secteur ont du retard dans le domaine de la bancassurance. Les opérations telles que celles que réalisent aujourd’hui NSIA vont se multiplier », estime-t-il. Après avoir été candidat à la reprise des parts de BNP Paribas dans sa filiale Banque internationale pour le commerce et l’industrie au Gabon (Bicig), Sunu, l’autre poids lourd des assurances de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (regroupant quatorze pays en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale) a ainsi trouvé un accord pour la reprise de 58 % de la banque togolaise BPEC. Et le groupe détenu par le Sénégalais Pathé Dione affirme vouloir réaliser d’autres acquisitions de banques dans sa zone de présence.

La croissance des assureurs en Afrique subsaharienne avait jusqu’ici été portée par l’expansion géographique, en misant sur les risques industriels et l’automobile. Mais ce modèle, à faible rentabilité selon les spécialistes, commence à atteindre ses limites, obligeant les groupes à se tourner davantage vers les particuliers pour leur proposer de nouveaux produits de protection et d’épargne.

Pour Manzi Finances, il s’agira, une fois l’approbation des régulateurs obtenue, de parvenir à intégrer les nouvelles filiales à son réseau actuel. Dans un premier temps, une fusion entre NSIA Banque Côte d’Ivoire (qui figure parmi les cinq premiers établissements locaux) et Diamond Bank Côte d’Ivoire (dixième sur le plan des ressources en 2015) est prévue sous la marque NSIA Banque. « Les filiales béninoise, sénégalaise et togolaise vont continuer à opérer sous leur marque actuelle, le temps d’une transition qui conduira à un changement de culture d’entreprise », explique Janine Kacou Diagou. Le rebranding de ses succursales ne se fera que dans quelques années.

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