Afrique: Retour sur l’origine coloniale de la Zone Franc et du Franc CFA, Par PRAO YAO SERAPHIN

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Afrique. Retour sur l’origine coloniale de la Zone Franc et du Franc CFA, Par PRAO YAO SERAPHIN.

PRAO YAO SERAPHIN.

« Avec un rien, l’on fabrique une histoire énorme »
(De Properce)

La particularité remarquable de la Zone Franc est le souci de maintenir une communauté monétaire qui existait avant même les Etats africains concernés, du temps des colonies. La décolonisation a conduit à des ruptures, mais la Zone Franc demeure fait partie des vestiges qui résistent à l’épreuve du temps. Le débat est aujourd’hui vif sur l’avenir de cette monnaie. Les spécialistes donnent les raisons qui militent en faveur de la décolonisation du franc CFA. A notre avis, il est utile de conduire ce débat de façon méthodique et pédagogique. Ce texte se propose donc de revenir sur le passé de cette monnaie. Il apparait que sa création tire sa sève d’une volonté de domination de la France. C’est donc une brève présentation du passé coloniale qui façonne aujourd’hui encore cette monnaie. En effet, l’histoire monétaire coloniale est marquée par une grande diversité des unités et des instituts d’émission. La guerre de 1914-1918 puis les difficultés du commerce international ont conduit à une meilleure intégration de l’Empire colonial et après la loi du 8 aout 1920 donnant cours légal aux pièces françaises, le franc métropolitain va régner sans partage. Dans ces conditions, sur le modèle de la Banque de Madagascar créée en 1925 sous la forme d’une société mixte, avec un compte courant au Trésor. Le début de la seconde guerre mondiale va s’accompagner d’un dirigisme monétaire, avec la mise en place du contrôle des changes le 9 septembre 1939. La Zone Franc se constitue alors dans les faits, par opposition aux autres devises, comme pour la Zone Sterling. Ces règles communes de contrôle des changes vont présenter pendant longtemps le critère d’appartenance à la zone d’utilisation du franc permettra de maintenir une liberté des échanges dans une économie mondiale dominée par l’autarcie. Cependant, l’évolution du conflit va conduire à la rupture de l’unité. Tandis que les territoires contrôlés par le Régime de Vichy voient leur monnaie liée au mark allemand et dépréciée par une inflation, les colonies ralliées à la France libre bénéficient du maintien de la parité ancienne du franc garantie par la Banque d’Angleterre. Une caisse centrale de la France libre a été créée et reprend en 1942 le privilège d’émission de la Banque de l’Afrique Occidentale. L’adhésion de la France au FMI va nécessiter une définition de la parité du franc. Ceci est réalisé le 26 décembre 1945, mais avec une différenciation selon les secteurs géographiques. Nous avons alors trois unités distinctes avec un franc des Colonies françaises du pacifique (FCFP), un franc des Colonies françaises d’Afrique (FCFA) et un franc de la métropole valable également pour l’Afrique du Nord et les Antilles (FF). le FCFP valait 2,40 FF et le FCFA 1,70 FF. Mais cette différenciation s’accompagne d’une affirmation d’unité car le communiqué du ministre des Finances parle de « Constitution de la Zone Franc » et c’est la première fois que le terme est utilisé officiellement.
Ce régime est dans l’ensemble autoritaire et centralisé, sous le contrôle d’un Comité monétaire établi par la loi du 24 mai 1951 et présidé par le gouverneur de la Banque de France, le vice-président étant le directeur du Trésor. Ainsi sont créés en 1955 l’Institut d’émission de l’Afrique occidentale française et du Togo et l’Institut d’émission de l’Afrique équatoriale et du Cameroun.
Après la décolonisation, l’évolution va permettre de passer d’une monnaie imposée à une monnaie acceptée, dans le cadre d’une structure associative fondée sur des habitudes et des intérêts communs. Malgré la sortie de cette zone de certains pays africains, comme le Maroc, l’Algérie, les pays du sous-continent noir vont maintenir et approfondir ces accords. L’institut d’émission de l’AOF devient en 1959, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), intégrée en 1962 dans l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), mais son siège demeure tout de même à Paris. Cependant la zone reposait toujours sur le principe ancien d’une communauté imposée depuis 1939 par le contrôle des changes. La levée de ce contrôle, après 1966, va conduire à formaliser les relations dans des conventions qui forment la base des institutions actuelles en Afrique. Des conventions vont être signées entre la France et plusieurs Etats africains pour fixer les règles de la coopération monétaire et les sièges des institutions sont maintenant installés en Afrique. La convention du 23 décembre 1972 est signée par la France, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la République Centrafricaine et le Tchad et la Guinée équatoriale y adhéra le 1er janvier 1985. Elle établit la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC). La convention du 4 décembre 1973 régit l’UMOA et la BCEAO et concerne la France, le Benin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Togo, puis le Mali à partir du 1er juin 1984 et la Guinée-Bissau en 1997. Les deux groupes partages quatre règles constitutives de la Zone Franc, maintenues sans changement : convertibilité à parité fixe des monnaies de la zone, libre transférabilité interne, mise en commun d’une majorité des avoirs extérieurs en or et en devises, unification des règlements sur les changes. Cette organisation repose donc essentiellement, comme à l’origine, sur les comptes d’opérations qui assurent la matérialité des principes précédents : les instituts d’émission sont en compte courant avec le Trésor public français qui fournirait par cette voie les francs (maintenant les euros) nécessaires en dernier ressort.

Une contribution de PRAO YAO SERAPHIN