8e Jeux de la Francophonie : Abidjan réussira-t-elle le pari?

Par Côte d'Ivoire Economie - 8e Jeux de la Francophonie. Abidjan réussira-t-elle le pari?

Jeux de la Francophonie: la directrice de l`OIF Michaëlle Jean sur le site du village des Jeux à l’INJS. Abidjan le 21 mars 2017.

Du 21 au 30 juillet prochain, se tiendra au bord de la lagune Ebrié les huitième Jeux de la Francophonie. Une grande première en Côte d’Ivoire et dans toute Afrique noire.

Le pays hôte va, sur une dizaine de jours, vivre au rythme des huitièmes Jeux de la Francophonie qui vont attirer plus de 4.000 jeunes sportifs et artistes, 3.000 bénévoles et près de 700 journalistes de toutes les contrées du monde. Plusieurs milliers de spectateurs, observateurs, vedettes et personnalités internationales ainsi que plusieurs chefs d’État issus des 80 pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) prendront part à ces festivités. Les rues d’Abidjan vont scintiller sous les couleurs de tous ces pays qui ont la langue française en partage.
Depuis juillet 2016, le gouverneur du district d’Abidjan, Robert Beugré Mambé, a été nommé ministre en charge de ces Jeux. C’est lui qui coordonne maintenant toutes les opérations sur le terrain, tandis que le ministre des Sports et des Loisirs, ainsi que celui de la Culture et de la Francophonie et un comité interministériel y travaillaient déjà.

De vastes chantiers en cours (inter)
C’est une course contre la montre, depuis le 25 février 2016, date à laquelle le Premier ministre d’alors, Daniel Kablan Duncan (devenu vice-président de la République de Côte d’Ivoire), a procédé au lancement des travaux de construction et de réhabilitation des infrastructures devant accueillir ces Jeux. Il convient en effet de respecter les délais de livraison de toutes les infrastructures sportives, d’hébergement et autres. Même si, au lancement de ces travaux, Daniel Kablan Duncan avait promis qu’il n’y aurait pas de dérapages possibles, des retards ont cependant été accusés. Ces travaux, il faut le noter, portent sur 15 structures dont 13 réhabilitations parmi lesquelles le stade Félix-Houphouët-Boigny au Plateau, pour un coût estimatif de 1,7 milliard FCFA, avec des travaux devant durer huit mois. Parmi les gros-œuvres, on relève la construction de deux chantiers neufs que sont la salle polyvalente de 25.000 places au Parc des sports de Treichville, et le Canal-aux-Bois pour les jeux de marionnettes entre autres, dans la même commune, pour des coûts respectifs de 1,6 milliard et 1,31 milliard FCFA. Si, au lancement de ces travaux, le coût global de l’organisation tournait autour de 23 milliards FCFA, on peut raisonnablement se rendre compte que l’enveloppe va s’alourdir vu que d’autres investissements sont venus s’ajouter à ceux de départ. Il s’agit notamment des travaux du village des huitièmes Jeux de la Francophonie dans l’enceinte de l'Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) à Marcory. En effet, l’État avait prévu de loger tous les athlètes dans les résidences universitaires du campus de Cocody. Mais le refus catégorique des étudiants de céder leurs chambres a conduit à la construction de ce nouveau village.

La visite de Michaëlle Jean (inter)
La secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la Canadienne Michaëlle Jean, a effectué une importante visite au bord de la lagune Ebrié, le 21 mars 2017, pour se rendre compte de l’état d’avancement des travaux. Après avoir fait ce tour d’horizon, elle s'est dit «satisfaite de l’état d’avancement de travaux… L’espace est aéré et à proximité de la lagune. Le fait de prévoir le déplacement par voie lagunaire est une bonne chose. Les athlètes et artistes vont découvrir Abidjan. C’est donc un caractère de plus pour ce site et pour les Jeux de la Francophonie. Les responsables des travaux sont très attentifs aux dates et échéanciers prévus. On devrait donc y arriver». Mais les réalités du terrain montrent que beaucoup reste à faire, et surtout que bon nombre de délais sont largement dépassés. C’est la raison pour laquelle le ministre Beugré Mambé s'est attaché à rassurer la délégation de la Francophonie avant qu’elle ne s’en aille. «Nous restons en éveil jusqu’au dernier jour pour offrir à la communauté francophone des Jeux bien structurés et bien organisés. Le président de la République tient à ce que la Côte d’Ivoire offre la meilleure image qui soit pour ces Jeux, donc même si les travaux sont jugés satisfaisants, nous restons vigilants», soutient Beugré Mambé.
Quant au président de la République, Alassane Ouattara, il a déclaré, au cours de l’audience qu’il a accordée à Michelle Jean, que «les travaux sont avancés à 90%. […] La mission de vérification prévue pour le mois de mai pourra s’assurer de la mise en œuvre effective des choses.» Tout semble aller dans le bon sens à quelque trois mois de l’échéance prévue…

Et après… (inter)
Une chose est de mettre en place tout l’équipement et le dispositif nécessaire. Mais une autre est d’arriver à transporter, loger, nourrir les participants, et d'organiser toutes les compétitions prévues dans les temps et lieux requis. C’est au bas mot plus de 8.000 personnes que la capitale économique ivoirienne va recevoir d’un seul coup, et durant près de dix jours d’affilée. C’est là que se trouve la grande interrogation et personne ne peut vraiment anticiper sur ce volet. Toujours est-il qu’on a constaté à plusieurs reprises des couacs dans l’organisation de grandes rencontres et manifestations internationales à Abidjan. Notamment sur les moyens de logements, le transport urbain dans cette ville réputée pour ses embouteillages monstres, très souvent occasionnés par l’indiscipline des conducteurs. Sans ignorer que la période de juillet coïncide avec la grande saison des pluies diluviennes. Et les dégâts sont vite arrivés. Ce qu’on ne souhaite pas d’ailleurs. Mais il faudra bien prendre les précautions… Les pouvoirs publics doivent regarder de très près ces aspects pour ne pas gâcher la fête. Faire en sorte que la perle des lagunes tant convoitée par le passé retrouve tout son éclat. Abidjan a aujourd’hui la chance d’être élue l’hôte de la huitième édition des Jeux de la Francophonie, elle devra alors tout faire, disons ce qui reste à faire, pour relever le défi. Wait and see !

Jean-Jacques AMOND

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De vraies retombées économiques et culturelles
Ce sont près de 600 ouvriers qui travaillent de jour comme de nuit au village des athlètes pour construire et réhabiliter 33 bâtiments d’hébergement, de gymnases et des aires sportives extérieures. Les travaux de voiries et réseaux sont aussi bien visibles. C’est un investissement énorme qui devrait bénéficier au pays pendant et après les jeux. D’ailleurs, au-delà du secteur des BTP qui connaît une dynamique nouvelle, celui des transports routiers, et maintenant lagunaire, devrait être aussi impacté positivement. Car les athlètes et les artistes présents à ces Jeux se déplaceront par voie lagunaire en plus de la route. Découvrir Abidjan par la lagune est une idée géniale portée par cette festivité sportive. Et, après elle, les Abidjanais devraient renforcer leur inclination pour les déplacements en bateaux bus. La Société de transport lagunaire (STL) et la Compagnie ivoirienne de transports lagunaires (Citrans) sont déjà opérationnelles, et viennent en renfort à la traditionnelle Société des transports abidjanais (Sotra). Ce qui apporterait un souffle nouveau au secteur touristique.
Mais, ce n’est pas tout. Les réceptifs hôteliers verront certainement leur chiffre d’affaires exploser. Et en termes d’infrastructures, tout ce qui a été construit constitue des legs importants pour le pays. Ils permettront après les jeux d’abriter des espaces pour l’entraînement des sportifs professionnels et amateurs. Des réalisations tangibles qui vont rester et permettre à la Côte d’Ivoire de détenir un espace dédié à l’innovation, aux initiatives culturelles et sportives, notamment en faveur des femmes et des jeunes. Au-delà de la performance sportive qui constitue un important défi à relever pour les athlètes ivoiriens au sommet, tels que Marie-Josée Ta Lou, Murielle Ahouré, Cheick Sallah Cissé, Ruth Gbagbi, ces Jeux représentent également une belle opportunité pour de jeunes artistes de se faire connaître sur la scène internationale et de valoriser leur savoir-faire. Un excellent tremplin pour espérer poursuivre une carrière professionnelle riche. Et c’est vraiment l’occasion rêvée de faire de bonnes affaires pour les professionnels déjà aguerris.

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Une véritable lucarne diplomatique
Les Jeux de la Francophonie constituent aussi une opportunité pour faire la promotion de la destination Côte d’Ivoire auprès de l’ensemble des 80 pays membres de l’OIF. C’est la raison pour laquelle le ministre-gouverneur est en mission de promotion et de recherche de partenaires en France, au Canada et dans d’autres contrées pour mettre le pays en vedette et positionner plus encore le retour du pays sur la scène internationale. Réussir ces Jeux de la Francophonie démontrera l’ingéniosité et la capacité du pays à organiser des manifestations internationales de grande envergure. Ce que la Côte d’Ivoire pourra capitaliser en termes d’expérience pour d’autres challenges, tant sur le plan national qu’international. Ces huitièmes Jeux de la Francophonie sont un événement mondial de rencontres et d’échanges culturels et sportifs pour toute la jeunesse des pays ayant en partage la langue française. Et, depuis leur première édition sur le sol su Maroc en 1989, la notoriété des pays qui ont eu la chance de les organiser s’est largement accrue, avec des retombées importantes dans les domaines du tourisme, du sport et de la culture.

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