Côte d'Ivoire: L’armée profondément divisée avant la présidentielle

Par Aujourd'hui - Côte d'Ivoire. L’armée profondément divisée avant la présidentielle.

Des soldats des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) autour d'Alassane Ouattara en avril 2011, à Abidjan. AFP.

Le groupe d’experts de l’Onu dont le rapport est crucial pour la levée de l’embargo sur les armes en Côte d’Ivoire a estimé, hier, dans un rapport transmis au conseil de sécurité que l’armée ivoirienne est profondément divisée à quelque six mois de la présidentielle dans le pays. Le rapport note également la présence de 5000 mercenaires ayant combattu en Côte d’Ivoire et la disparition de 18.000 ex-combattants non répertoriés dans le fichier de l’ADDR...

Un rapport qui donne froid dans le dos à quelque six mois de la présidentielle ivoirienne. Selon la radio anglaise BBC qui en a pris connaissance, les experts de l’Onu s’inquiètent de la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire où 5000 mercenaires étrangers ayant combattu aux cotés des forces de Ouattara sont toujours en armes et disposent d’uniformes appartenant aux forces armées ivoiriennes. Autre signe inquiétant, ces mercenaires ne sont pas inscrits dans le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) piloté par le fils d’un cacique du régime Daniel Sarassoro. Il ya pourtant une semaine, Alassane Ouattara a profité d’une cérémonie publique pour lancer un dernier appel au désarmement des milices qui squattent la totalité des résidences universitaires ainsi que plusieurs édifices publics. Selon leurs chefs, ces ex-combattants attendent toujours leur réintégration dans les effectifs de l’armée ivoirienne. Leur détermination rend d’ailleurs très hypothétique l’opération de démobilisation sensée se terminer en juin prochain et qui ne s’est plus poursuivie depuis la tentative de déguerpissement des milices de Yopougon-BAE. Le chef de l’Etat ivoirien a quand même expliqué que la seule façon pour ces milices d’avoir un avenir, c’est de rejoindre le processus de désarmement qui prévoit une reconversion grâce à un pécule d’environ cinq cent mille francs. Mais l’administration du DDR est régulièrement accusée de corruption par ces milices qui lui reprochent de favoriser des proches, y compris des personnes qui n’avaient jamais pris des armes auparavant. La modicité du pécule en décourage d’ailleurs plus d’un, d’autant que les ex-combattants squattent ces édifices avec femmes et enfants. L’un des chefs miliciens qui occupent d’ailleurs la résidence universitaire de cette commune dénonce également au micro d’une équipe de reportage de France 24, il y a de nombreux mois, le dédain avec lequel ils sont accueillis. « La population qui nous acclamait hier ne nous regarde plus que comme des voyous et notre hiérarchie politique ne veut pas nous voir ». Alors pour subsister, ces ex-combattants se servent de leurs armes. En Cote d’Ivoire, les agressions à la kalachnikov se sont démultipliées depuis la fin de la fin de la crise post-électorale. Souvent, les bandits utilisent des armes lourdes et le phénomène des coupeurs de route a pris des proportions tellement inquiétantes que le gouvernement a du lancer, l’année dernière une opération d’envergure dans le nord en particulier dénommée « Téré ». Mais, visiblement, elle n’a pas eu l’effet escompté. Le rapport évoque également la disparition de 18.000 ex-combattants non répertoriés dans le fichier DDR et difficiles à localiser. Habillés dans les uniformes des forces ivoiriennes, FRCI, ces milices font régner la terreur lorsqu’elles se retrouvent dans les zones où la police et le CCDO, une force d’intervention rapide, ne sont pas visibles. D’ailleurs selon l’ONU, les 5000 militaires étrangers encore présents en Cote d’Ivoire possèdent les mêmes uniformes que l’armée régulière. Les experts ne notent aucune volonté de les faire repartir dans leur pays d’origine, ce qui donne du crédit à certaines rumeurs qui affirment que ces mercenaires sont gagés par certains hiérarques du pouvoir intéressés par une prise du pouvoir au moment qu’ils auront voulu. Le rapport du groupe des experts de l’ONU évoque surtout des divisions au sein de l’armée ivoirienne où FRCI et anciens loyalistes continuent toujours de se regarder en faïence, vestige d’un contentieux de 2011 pas totalement soldé là aussi. Au surplus, les nominations au sein de l’armée ont entériné sinon des lignes de fractures, du moins des divisions nettes et l’annonce d’un vaste mouvement de redéploiement dans l’armée dans les semaines à venir n’est pas de nature a à rasséréner l’armée. En 2011, un mouvement similaire avait contribué à affecter les originaires du sud et de l’ouest dans les zones reculées du nord du pays. « C’était aussi une prison comme celle des politiques », commente aujourd’hui en riant un ancien prisonnier élargi après plus de trois ans d’incarcération dans une prison de Korhogo. A ces frustrations, il faut ajouter celles de policiers ivoiriens qui totalisent 30 mois de baux impayés et qui n’ont pas encore reçu de dotation individuelle en armes. De nombreux policiers ont ainsi été jetés à la rue avec femmes et bagages dans différents quartiers du pays où ils sont désormais la risée de tous. Le rapport de l’Onu note ses différentes tensions qui risquent de perturber la sérénité des prochaines consultations. C’est le mardi que le conseil de sécurité va examiner les demandes ivoiriennes sur une levée de l’embargo sur les armes en vigueur depuis 2004. Un rapport de mission évoque mercredi dernier l’existence d’armes lourdes acquises malgré cette interdiction. Ces armes, accuse, l’ONU sont détenues par le régiment dirigé par Fofié Kouakou,depuis de nombreuses années, sous sanctions onusiennes.

Par Sévérine Blé