Politique - Pour maintenir Ouattara au pouvoir: Comment la France a «liquidé» Affi après avoir liquidé Koulibaly. Les méthodes et les hommes utilisés

Par Le Temps - Pour maintenir Ouattara au pouvoir, Comment la France a «liquidé» Affi après avoir liquidé Koulibaly. Les méthodes et les hommes utilisés.

François Hollande et Pascal Affi N'Guessan. © AFP/Zenman/CC/Montage J.A.

«Après le 11 avril 2011, les Blancs sont allés voir Koulibaly au Ghana. Ils lui ont présenté un faux bulletin de santé de Ouattara, en lui disant de rentrer très vite en Côte d’Ivoire parce qu’il était une alternative crédible en Côte d’Ivoire. Ils lui ont dit que Ouattara n’allait pas vivre pendant 6 mois. Koulibaly n’a pas vu le piège dans lequel il tombait. Il s’est précipité pour revenir avec tout ce qu’on sait… Ouattara est toujours là. Tout le monde sait ce que Koulibaly est devenu. Il est l’ombre de lui-même. La France a atteint son objectif. Parce qu’elle voulait griller Koulibaly», explique un jeune cadre du FPI dépité par cette autodestruction dans laquelle le président du FPI s’enferme au fil des jours.
A la tête du FPI, Affi N’Guessan n’est plus que l’ombre de lui-même, en rupture totale avec la base de son parti. Emporté par la présidentielle de 2015, où il se voyait déjà au palais avec le soutien de ses nouveaux amis français, l’homme a pensé qu’il pouvait courir plus vite que son ombre qui n’est d’ailleurs même pas de lui, mais qui s’appelait Gbagbo Laurent. En fait, après sa sortie de prison en 2013, le président du FPI n’a pas su négocier le virage qui s’offrait à lui. Et il est tombé dans le même piège qui a été tendu à Koulibaly après le 11 avril 2011. La France sait, en effet, qu’en Côte d’Ivoire, malgré tout ce qui se dit dans ses médias aux ordres, le FPI reste le parti majoritaire.
Mais bien plus que ça, les Ivoiriens restent fondamentalement attachés au Président Gbagbo, malgré sa déportation à la CPI. L’Elysée, l’ONU, la CPI, l’UE et même les USA disposent de sondages bien chiffrés qui le prouvent clairement. Et cette même France sait que malgré la traque des dirigeants de ce parti, par des mains interposées en Côte d’Ivoire, le FPI et le Président Gbagbo sont toujours solidement dans l’esprit du peuple ivoirien. Dans ce cas, que faire ? Voici la question que s’est alors posé l’Hexagone après le 11 avril 2011.
Gbagbo déporté à la CPI, il faut alors liquider politiquement tous ceux qui en Côte d’Ivoire, pourraient sérieusement gêner Ouattara à la tête de ce pays. En 2011, Affi étant à son tour en prison à Bouna, celui qui sur le terrain, peut donner des insomnies au poulain à cette époque s’appelle Koulibaly. Il fallait donc le liquider politiquement. Et la meilleure manière était de le faire sortir de la machine que constitue le FPI, tout en le conduisant contre son gré, à renier Gbagbo, le nom qui fait pourtant roi en Côte d’Ivoire et en Afrique. «Vous êtes une alternative crédible en Côte d’Ivoire. Gbagbo, c’est du passé», c’est en résumé, le discours que certains diplomates français qui ont Gbagbo en horreur, servent abondamment à des opposants ivoiriens. Bien évidemment, beaucoup y ont laissé des plumes, comme d’ailleurs Koulibaly qui bien avant son hara-kiri en 2011, était l’une des personnalités les plus adulées en Côte d’Ivoire.
Après lui, il restait encore Affi N’Guessan. A sa sortie de prison en 2013, il parcourt le pays. A tous ses meetings, il soulève des foules. Ce qui n’est pas fait pour plaire à Ouattara et à ses parrains parisiens que la popularité de Gbagbo gêne énormément dans leur envie de mettre la main sur la Côte d’Ivoire. Surtout qu’après le coup de 2011, Choi avait très vite fait d’enterrer le FPI en Côte d’Ivoire. «C’est fini pour Gbagbo et le FPI en Côte d’Ivoire», avait alors lancé, le contre maître de Paris dans la crise ivoirienne. Dans le même temps, sur le terrain, la popularité d’Affi N’Guessan inquiète Ouattara et ses parrains français. En ce moment, le président du FPI est en phase avec les Ivoiriens. Sur le terrain politique, il est le plus présidentiable.
Même le Pdci qui n’a jamais aimé Ouattara en réalité, ne jure que par Affi en privé. Le discours du président du FPI rassure les Ivoiriens et gêne le pouvoir. Amadou soumahoro qui aime plus voir ses opposants au cimetière se laisse emporter par ses émotions. Il menace ouvertement Affi qui était encore en ce moment l’espoir de toute la Côte d’Ivoire. «Affi doit savoir qu’il est en liberté provisoire», lâche le secrétaire par intérim du RDR. Totalement sonné, en désespoir de cause, Joël N’Guessan vole au secours de Ouattara qui ne sait que faire devant l’équation Affi. Mais comme au RDR, il n’y a que la force qui paye, il menace à son tour, en répétant les mêmes litanies. «Affi doit savoir qu’il est en liberté provisoire», ressasse le porte-parole d’Amadou soumahoro.
Affi devient alors l’homme à abattre. Le Patriote, le haut parleur du régime expose tout le désarroi et la grande peur qui gagnent la cour de Ouattara après la libération de Affi N’Guessan et sangaré Aboudramane. «Le monstre est de retour», titre de ce fait, le journal en parlant du grand retour du FPI. Dans le même temps, le régime qui manque de finesse dans toutes ses actions, opte pour la manière forte. A plusieurs reprises, le pouvoir menace de mettre le président du FPI aux arrêts. Mais il est chaque fois dissuadé par l’ambassadeur de France qui, en réalité, a pour mission de veiller sur ce pouvoir. Les grandes oreilles parisiennes qui pullulent à Abidjan depuis le 11 avril 2011, proposent autre chose. «Il vaut mieux liquider Affi avec son propre couteau», résume-t-on dans les chancelleries françaises en Côte d’Ivoire. Le président du FPI devient subitement fréquentable. Il est choyé par les ambassadeurs de l’UE qui le reçoivent régulièrement ou qu’il reçoit à son tour en audience. Mais Affi ne voit pas le piège venir. «Il n’a pas su que c’est parce qu’il porte un habit à l’effigie de Gbagbo qu’on le reçoit partout », lâche un cadre du FPI.
Evidemment, c’est le même scenario qui est déroulé. «Gbagbo, c’est fini. Vous aussi, vous êtes une alternative crédible». Comme Koulibaly, le président du FPI succombe à ce discours, sans savoir qu’il met le pied dans un gros piège. Il voit alors désormais Paris comme une agence de casting qui choisit les dirigeants africains, mais surtout en Côte d’Ivoire. Du coup, le combat pour la libération du Président Gbagbo est rangé au placard. Il agit désormais au bon vouloir de ses nouveaux amis français qui veulent pourtant le liquider devant Ouattara. Le plus grand souci du président du FPI est finalement de ne plus mettre les diplomates à mal. Il refuse alors de dire, ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. Comme si le FPI existait juste pour faire plaisir aux diplomates. Son entourage immédiat ne se gêne plus de faire campagne pour la reddition et la soumission aux bourreaux des Ivoiriens. «Les Blancs sont trop puissants. On ne peut rien contre eux», ce lugubre cantique, par le passé, entonné dans l’entourage de Martin Luther King lorsqu’il engageait le combat contre la ségrégation raciale aux USA, revient à la mode parmi les proches de Affi.
Et lors de la visite de François Hollande en Côte d’Ivoire, Affi N’Guessan va à la résidence de France à Cocody, pour le rencontrer seul, sans sangaré Aboudramane que toute la Côte d’Ivoire reconnait pourtant comme le gardien du temple. Qu’est-ce que ces deux hommes ont pus se dire ce jour-là ? Le Président français le dit d’ailleurs pour sa part. «Le FPI doit aller aux élections de 2015 au risque de disparaitre», menace-t-il. Et pourtant, ce n’est pas ce compterendu qui a été fait au FPI. «Nous avons demandé au président Affi de quoi il a parlé avec le Président français. Il nous a dit qu’il a parlé de la libération du Président Gbagbo. Mais nous lui avons demandé en quoi la question de la libération du Président Gbagbo est un secret pour qu’il aille voir seul Hollande, sans le président sangaré et un autre membre de la direction du parti», explique un baron du FPI. Et c’est en partie, à partir de là que le terme «rentrer dans le jeu politique», a commencé à être émis. Pour Affi et son entourage, être dans le jeu politique, c’est faire jeu avec le pouvoir. Mais manque de pot pour le président du FPI. Car à Yopougon, bastion de son parti, ses militants ne sont pas dupes.
«Il y a longtemps que le FPI est dans le jeu politique. Et c’est parce que nous sommes dans le jeu politique que le président Affi et plusieurs autres prisonniers politiques ont été libérés. Nous ne sous reconnaissons pas dans cette CEI», ont dénoncé le dimanche 7 septembre 2014, les 11 sections que compte la zone de Niangon toujours à Yopougon.

Guehi Brence
NB: Le titre est de la rédaction.