Débats et Opinions : Les fondements de la conférence de Brazzaville de 1944

Par Correspondance particulière - Les fondements de la conférence de Brazzaville de 1944.

Après la publication de l’article de M. Bernard B. DADIE ; sur ce sujet,
il nous apparaît utile de le situer dans son contexte historique. En effet,
la conférence de Brazzaville fait partie des événements cycliques que
suscite la France coloniale, lorsqu’elle se trouve à la croisée de ses
contradictions impérialistes. Cette conférence, survenant après la seconde
guerre mondiale, pendant laquelle les Africains ont abondamment versé leur
sang, pour libérer la France, serait de bon aloi, l’occasion de libérer,
à son tour, l’Afrique. Erreur !
C’est pour démontrer cela qu’en 1978, Mr LAURENT GBAGBO a publié
l’ouvrage intitulé : REFLEXIONS SUR LA CONFERENCE DE BRAZZAVILLE. Mais cet
ouvrage intéressant, semble passé inaperçu ; C’est pourquoi nous
voudrions le faire revivre, comme un fait de mémoire, ayant des
prolongements dans l’actualité.
((Réflexions sur la conférence de Brazzaville)) : c’est tout un programme
de ce qui s’y est dit et surtout du non-dit ! Laurent Gbagbo, auteur de
cette analyse, nous plonge au cœur d’un système colonial dont la
conférence de Brazzaville apparaît comme un maillon révélateur des
méthodes dilatoires, pour contrecarrer ou retarder l’évolution des
colonies françaises d’Afrique.
Cette analyse révèle, en outre, sans complaisance, le voile du mensonge sur
le caractère libérateur de la Conférence de Brazzaville, pour les colonies
française. Une telle allégation véhicule dans les esprits et dans le
temps, des clichés contraires à la réalité des faits.
En suivant la démarche de l’auteur, nous apprenons, tour à tour :
-Les raisons de cette conférence, parmi tant d’autres ;
-Son contenu et sa portée ;
-La révélation du vrai visage du système colonial ;
Ainsi, en 1917, après la première guerre mondiale, elle initie une
conférence coloniale pour transformer ses colonies en débouchés de sa
surproduction industrielle et partant se dégager de la dépendance des pays
étrangers.
Les mésalliances résultant de la guerre ont montré le handicap d’une
telle situation. Les colonies deviennent alors le recours.
En 1934-35, la grande crise économique, née aux USA en 1929, a produit ses
effets sur les pays d’Europe, à partir de 1930. La France en avait
durement accusé le coup. Elle eut recours à sa conférence impérialiste
dont le but était de rétablir l’équilibre économique dans la
métropole, en se tournant vers les 60 millions de consommateurs de ses
colonies, comme des marchés captifs de ses exportations. Ici encore, les
colonies viennent au secours de la Mère-Patrie, pour la sauver du désastre
économique.
C’est dans cette tradition rituelle des conférences, qu’intervient celle
de Brazzaville, en 1944, à la fin de la fin de la seconde guerre mondiale.
En effet, après une guerre pénible et meurtrière qui dura quatre années,
la 3è République s’est effondrée ; la France était coupée en deux :
d’Un côté, le maréchal Pétain collaborant avec l’ennemi Allemand, de
l’autre, le comité français de libération nationale(CFLN), ayant pour
alliés les grandes puissances, futures vainqueurs de la guerre, telles que
les USA, l’URSS, la Grande Bretagne. Ces alliés aux aguets, étaient
susceptibles de ravir à la France, ses possessions coloniales, d’une part,
d’autre part, la naissance d’un nationalisme dans les colonies
inquiétait les membres du C.F.L.N. d’Où la décision d’organiser une
conférence à Brazzaville, en A.E.F. zone où les animateurs de la France
libre étaient en odeur de sainteté.
Rappelons que le gouvernement de VICHY contrôlait l’Afrique de l’Ouest
et particulièrement l’Afrique du nord. Cette conférence où les africains
indigènes étaient absents, fut organisée pour deux raisons essentielles :
1/- étouffer toute velléité de nationalisme naissant chez les élites
indigènes ; 2/- Empêcher la concrétisation des convoitises des puissances
alliées envers ses colonies d’Afrique noire.
Dans un tel programme, on se demanderait bien où se trouve l’indice de la
libération de l’Afrique, comme la compensation de sa contribution à
l’effort de guerre ? C’est cela que révèle l’analyse de l’historien
GBAGBO, pour restituer l’histoire dans son contexte réel.
Concernant le contenu et la portée de cette conférence, il faut préciser
tout d’abord que ne regroupant comme participant, les administrateurs des
colonies, des membres du CFLN et une forte délégation de l’assemblée
consultative, elle ne pouvait que prendre des résolutions pour consolider
les positions du pays colonisateur qui les sentait menacées.
Dans la mesure où cette conférence se tenait en Afrique noire, au terme
d’une guerre qui a éprouvé les Africains, on avait voulu faire croire que
c’était une conférence de reconnaissance à l’Afrique noire. Ce cliché
qui n’avait de trace nulle part était véhiculé dans les esprits, à
travers l’espace et le temps.
La conférence de Brazzaville met en relief, s’il en était besoin, le vrai
visage du colonialisme Français qui reste égal à lui-même, de
génération en génération. En lieu et place de la gratitude envers ses
colonies, la France a toujours payé l’Afrique en monnaie de singe.
En réalité, la conférence de Brazzaville n’a jamais été convoquée
pour l’affranchissement des peuples coloniaux. D’ailleurs, dans
l’histoire des hommes, aucun pays colonisateur n’a jamais décidé de son
gré, d’affranchir les peuples qu’il exploite et qui font sa richesse,
sa puissance et sa grandeur. Si des empires du passé : égyptien, romain ou
macédonien… se sont désagrégés, c’est qu’ils ont connu une rupture
due à la volonté de libération des peuples esclaves.
Enfin, ceux qui ont prétendu que la conférence de Brazzaville avait une
mission libératrice, doivent se détromper ; car les participants sont
ceux-là mêmes qui ont convenu de perpétuer le règne colonial par la
conquête et l’occupation des terres d’autrui, par la spoliation et
l’exploitation des peuples soumis, par la négation des peuples colonisés.
Dès lors l’auteur affirme : ((C’est le colonisateur qui a décidé de
réunir toutes ses troupes, pour réajuster sa politique, compte tenu des
événements imposés par les circonstances… L’idéologie coloniale a
guidé les travaux des assises du premier au dernier jour.))
Au terme d’une telle analyse, il serait naïf de continuer à croire que la
conférence de Brazzaville était l’expression de la volonté libératrice
de la France, en faveur de ses colonies d’Afrique noire. Non ! Non ! Et Non
! Désormais, conscients de cette situation, les africaines entendent prendre
leur destin en main, quel qu’en soit le prix.

Une contribution du C.N.R.D
(Congrès National de la Résistance pour la Démocratie)