Bernard Houdin : « Voici pourquoi Ouattara n’est pas éligible »

Par IvoireBusiness - Bernard Houdin « Voici pourquoi Ouattara n’est pas éligible ».

Bernard Houdin à Europe 1. Image d'archives.

En octobre 2015 doit se tenir, constitutionnellement, une élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Sans préjuger des autre aspects de cette élection, Commission électorale, liste électorale, conditions d’organisation de la campagne électorale, conditions du scrutin tant sur le plan technique (bureaux de vote, cartes d’électeurs, scrutateurs, etc…) que sécuritaire, un problème préalable se pose à nouveau : les conditions d’éligibilité de certains candidats potentiels...

C’est, en particulier, le cas du président en exercice, Alassane Dramane Ouattara, qui est, une nouvelle fois, confronté aux conditions découlant de l’application de l’Article 35 de la Constitution ivoirienne. Cette Constitution, approuvée par referendum le 23 juillet 2000 par près de 85% des ivoiriens (et pour lequel Ouattara avait appelé à voter OUI) prévoit, en son Article 35, des conditions d’éligibilité qui ont conduit, à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre 2000, la Cour Suprême à émettre un Arrêt le 6 octobre 2000, concluant à l’inégibilité d’Alassane Dramane Ouattara. Cet avis a, depuis ce temps, valeur de la chose jugée.
En 2005, à l’occasion des Accords de Pretoria signés en avril sous l’égide du Médiateur de la crise ivoirienne née de la rébellion de septembre 2002, le président sud-africain, Thabo Mbeki, le président Laurent Gbagbo a utilisé l’Article 48 de la Constitution (« équivalent » de l’Article 16 de la Constitution française) pour autoriser certaines candidatures pour l’élection programmée cette année là et qui se tiendra finalement en octobre/novembre 2010.

Le texte de l’Ordonnance Présidentielle énonce, dans son Article 1er : « UNIQUEMENT pour l’élection présidentielle d’octobre 2005, conformément à la lettre du Médiateur sud-africain, les candidats présentés par les partis politiques signataires des Accords de Marcoussis sont éligibles. En conséquence, monsieur Alassane Dramane Ouattara peut, s’il le désire, présenter sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2005 »

Monsieur Alassane Dramane Ouattara, au terme d’un processus qui n’a pas à être débattu ici, exerce aujourd’hui la fonction de président de la République en Côte d’ivoire. Cependant l’Arrêt de la Cour Suprême du 6 octobre 2000 demeure. Après son installation, en 2011, Alassane Dramane Ouattara avait la faculté de modifier cet Article 35, à la condition expresse de respecter l’Article 126 de la Constitution, al 2 : « est obligatoirement soumis au référendum le projet ou la proposition de révision ayant pour objet l’élection du Président de la République, l’exercice du mandat présidentiel, la vacance de la Présidence de la République et la procédure de révision de la présente Constitution ».

Jusqu’à ce jour, aucune révision n’a été proposée, ni par l’exécutif, ni par le législatif. Le 3 février dernier, Le Président du Conseil Constitutionnel, le professeur Francis Wodié, par ailleurs le premier agrégé de Droit Constitutionnel en Côte d’Ivoire, démissionnait. Lors de son discours prononcé à l’occasion de sa prestation de serment le 4 aout 2011, Francis Wodié avait déclaré ceci : « …lorsqu’il est demandé à un homme de loi, un constitutionnaliste de violer le droit, la loi, ou de ne pas s’en conformer, il doit alors démissionner pour être en paix avec sa conscience…»

Il semblerait que c’est sa volonté de ne pas laisser prospérer un projet de révision de l’Article 35 en dehors du cadre constitutionnel qui serait à l’origine de sa décision. Cela sous entend que le problème de cet Article 35 est perçu, en haut lieu, comme un obstacle. D’ailleurs d’autres voix se sont élevées pour rappeler cette difficulté majeure qui se présente pour Alassane Dramane Ouattara, en particulier le professeur de droit Faustin Kouamé, membre du PDCI et ancien ministre de la Justice dans le gouvernement d’Henri Konan Bédié, dans les années quatre-vingt dix.

Le referendum est toujours possible mais, compte tenu d’une jurisprudence non écrite, il est peu concevable de changer une loi électorale à moins de six mois d’un scrutin, a fortiori pour une échéance majeure, comme une élection présidentielle. Il ne resterait donc que deux mois pour la tenue d’une telle consultation. En revanche, à l’aune des évènements récents dans la sous-région, et ailleurs en Afrique, il serait extrêmement aléatoire d’engager un processus électoral pour la présidentielle à venir en Côte d’Ivoire, sans avoir, au préalable, vidé ce contentieux lourd de conséquences.

Une contribution de Bernard Houdin
Conseiller du président Laurent Gbagbo