Côte d'Ivoire: "Les Ivoiriens sont déterminés à faire respecter leur Constitution. Les menaces de Dramane n’y changeront rien", par Jean Claude Djereke

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Les Ivoiriens sont déterminés à faire respecter leur Constitution. Les menaces de Dramane n’y changeront rien.

Mamadou Koné, président du Conseil Constitutionnel Mamadou Koné, président du Conseil Constitutionnel.

Des Ivoiriens ont fait l’effort, ces jours-ci, de consulter leurs anciens numéros de "Fraternité Matin". Ce voyage dans le journal gouvernemental de la fin des années 1990 leur a permis de découvrir des perles aussi surprenantes que croustillantes. Dans le numéro du 4 septembre 1998, par exemple, on peut lire ceci: "Le Président BEDIE avait dit dans son premier discours de Chef d’État qu’il était intolérable que le commerce ivoirien soit entièrement aux mains des étrangers. Il nous appartient désormais, à nous Ivoiriens de faire en sorte qu’il nous revienne". Dans un autre numéro daté du 9 juillet 1999, on trouve les lignes suivantes:"Lors du congrès de son parti, Monsieur Alassane Ouattara a exhibé sa carte d’identité ivoirienne et celle de sa mère. Et l’on s’est aperçu que la sienne n’a été établie qu’en 1982, alors qu’il avait déjà 40 ans. Sous quelle identité avait-il donc vécu jusque là ?... L’on s’est aperçu également que, sur sa carte d’identité, sa mère s’appelle Nabintou Ouattara. Et pourquoi, celle qu’il a présentée et dont il a montré les papiers s’appelle Nabintou cissé, née à Dabou. D’autre part, sur sa demande de carte d’identité formulée en 1990, il est précisé que son père est à Kong et sa mère à Odienné. Et pourtant, sur leurs cartes d’identité, ils sont nés respectivement à Dimbokro et Dabou. Que signifie tout cela ? Aujourd’hui, ce qui est en question est l’avenir de la Côte d’Ivoire. Et cet avenir, personne n’a le droit de jouer avec… Pourquoi, alors qu’il avait refusé de se présenter en 1995 à cause du code électoral, il décide de le faire maintenant sans que ce code n’ait changé? Aujourd’hui, nous entendons ici et là des menaces à peine voilées du genre « si ADO n’est pas candidat on va voir »…Certains se disent prêts à mettre ce pays à feu et à sang si la candidature d’ADO n’est pas retenue." Quand Venance Konan s’exprimait ainsi, était-il fou, sous l’emprise de la drogue ou bien était-il possédé par Satan? Écrire des choses aussi justes à l’époque (1998-1999) et en vouloir aujourd’hui au professeur Simon-Pierre Ekanza d’avoir soutenu que la Constitution ivoirienne d’août 2000 interdit à Dramane Alassane Ouattara de briguer la magistrature suprême, traiter Ouattara d’imposteur en 1998-1999 parce qu’il avait deux mères différentes et parce qu’il avait été tantôt voltaïque, tantôt ivoirien et accuser aujourd’hui les Ivoiriens opposés à la participation de Ouattara au scrutin présidentiel d’octobre 2015 de "mener un débat nauséabond qui a divisé notre peuple et failli détruire notre pays", c’est ce qu’on appelle manquer de cohérence.
Mais Venance Konan n’excelle pas seulement dans l’incohérence. Il brille également par le mensonge, une des choses qu’il a en commun avec son nouveau maître. Il ment lorsqu’il écrit, par exemple, que les Ivoiriens se sont fait la guerre, ce qui voudrait dire que le Sud et le Nord ont guerroyé l’un contre l’autre. Or, entre 1993 et 2015, jamais les gens du Sud n’ont attaqué le Nord, ni obligé les fonctionnaires du Nord à quitter le Sud, ni installé des miliciens dans les villes et villages du Nord. Ce ne sont pas eux qui ont fait passer les danseuses d’Adjanou de vie à trépas ou commis des massacres à Nahibly, Guitrozon, Petit Duékoué et Anonkoua-Kouté. Un autre mensonge de Venance Konan est relatif au fameux "redécollage" de la Côte d’Ivoire "sous la direction de celui que certains voulaient rejeter". Notre pays redécolle-t-il alors qu’on enregistre de plus en plus de pauvres et de chômeurs et que les étudiants sont constamment en grève? L’émergence consiste-t-elle à emprisonner quiconque ne pense pas comme le régime, à ne promouvoir que les gens d’une certaine région et d’une certaine religion? C’est mentir que d’affirmer que la Côte d’Ivoire est en train de redécoller sous Dramane. Un tel mensonge est d’autant plus inacceptable que le nouvel adepte du messie Dramane oublie d’ajouter que le pays a été déstabilisé et bloqué entre 1999 et 2011 par le même Dramane qui avait juré de le mélanger, c’est-à-dire de le rendre ingouvernable si sa candidature était rejetée.
Venance Konan avoue, dans son dernier éditorial, qu’il croyait que, après la fermeture des banques, l’embargo sur les médicaments et le bombardement de la capitale économique par la France sur ordre de Dramane, les Ivoiriens ne parleraient plus de l’inéligibilité de son nouveau patron. On peut lui rétorquer qu’il connaît mal ses compatriotes car il est illusoire de penser qu’il suffit de bombarder un peuple, de lui donner des billets de banque ou de lui construire deux à trois routes et ponts pour le soumettre ou l’amener à renoncer à ce qui compte pour lui. Ce qui compte aujourd’hui, pour les Ivoiriens, c’est le strict respect de leur Loi fondamentale, le fait d’être maîtres chez eux et d’occuper les premières places comme cela se fait partout ailleurs. Même si Dramane osait larguer la bombe atomique sur eux (c’est la seule chose qu’il lui reste à faire), ils-ne cèderaient pas sur l’idée que toute personne qui désire les diriger doit se conformer à l’article 35 de leur Constitution. Ce ne sont donc pas les puériles menaces proférées par Dramane lors de sa visite dans le Nord qui feront reculer les Ivoiriens déterminés à faire respecter leur Constitution. Tous les Ivoiriens ne sont pas achetables ou corruptibles, tous ne sont pas prêts à se prostituer ou à aliéner leur dignité pour un plat de lentilles. La peur de la mort ne les pousse pas tous à accepter l’inacceptable. Celui qui n’a pas compris cela, n’a rien compris au problème de la Côte d’Ivoire
Que Venance Konan ait décidé d’adorer ce qu’il brûlait hier, qu’il dise et se dédise aussi facilement, juste pour diriger "Fraternité Matin" et jouir des avantages matériels attachés à ce poste, qu’il ait choisi de faire la "politique du ventre" (Jean-Francois Bayart), qu’il chante les louanges d’un individu qu’il vouait aux gémonies il n’y a pas longtemps, tout cela est son droit. Mais qu’il reconnaisse à d’autres Ivoiriens le droit de ne pas se coucher devant Dramane et ses parrains occidentaux, le droit de défendre leur Constitution dans son intégralité. Qu’il accepte surtout qu’on lui rappelle le beau texte qu’il publia dans "Frat Mat" du 29 novembre 1994 et dont voici un extrait: "Pendant longtemps nous avons tous baigné dans un certain laxisme, nous avons tous fermé les yeux, et tout le monde a fait ce qu’il voulait dans notre pays. Aujourd’hui, nous ouvrons les yeux et nous constatons que notre pays a au moins 40% d’étrangers, que notre économie ne nous appartient plus, que des assassins libériens font la loi dans l’Ouest de notre pays et que si nous n’y prenons garde nous confierons notre pays à quelqu’un qui n’est pas ivoirien ou pas suffisamment pour souffrir ou mourir avec lui."
Les Libériens ont été remplacés par les Burkinabè. Quant à Venance Konan, il a retourné sa veste depuis. Peu lui importe désormais que son pays soit dirigé par un individu capable de souffrir ou de mourrir avec lui et pour lui. Faut-il en inférer qu’il fait partie de ces "prostitués des médias qui ont pour sexe l’information ou la vérité qu’ils gardent, fardent, déforment et allongent au lit des médias pour de l’argent, pour des avantages"? Chacun répondra comme il veut à cette question. Pour ma part, j’ai foi que passera la dictature que subissent les Ivoiriens depuis le 11 avril 2011 car tout passe; je suis certain que le vent tournera un jour. Mais, quand il aura tourné, que se passera-t-il pour les traîtres? Pour Léon Tuam, "les Africains doivent arrêter leurs traîtres, les juger, les condamner à de lourdes peines d’emprisonnement" (L. Tuam, "L’Afrique doit anéantir ses traîtres pour s’épanouir ou continuer de gémir pour périr" in www.Cameroonvoice.com du 17 décembre 2013).

Une contribution de Jean-Claude Djereke
Cerclecad, Ottawa (Canada)