Scandale - Côte d'Ivoire: La bakayokotisation de tout le processus électoral

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Scandale Côte d'Ivoire. La bakayokotisation de tout le processus électoral.

Youssouf Bakayoko, président de la CEI. La bakayokotisation de tout le processus électoral.

On ne change pas une stratégie payante

- La bakayokotisation presque des élections
Pour la présidentielle de 2015, il n’y a plus la SAGEM mais elle pourrait revenir avec de nouveaux habits. Il n’y a plus au sein de la CEI les représentants du MPCI, du MPIGO et du MJP. Mais Youssouf Bakayoko est toujours aux commandes. En vertu du code électoral, le principe de la consolidation des résultats grâce à laquelle tout peut se faire est toujours en vigueur même si ce mode opératoire n’est pas explicitement indiqué ; Henri Konan Bédié ne cesse de se plaindre que 600 000 voix lui ont été volées par le biais de cette fameuse consolidation des résultats. Ce mode opératoire qui a bien fonctionné pourrait être reconduit par la nouvelle équipe dirigée par celui pour qui il n’a plus de secret. Le dépouillement, la proclamation et l’affichage des résultats ne se fait pas en présence des électeurs sur les lieux de vote. Pourtant, les électeurs de chaque bureau de vote devraient connaître les résultats de leur vote. S’il est de leur devoir de se déplacer pour aller voter, il est aussi de leur droit de savoir ce que donne leur participation au scrutin dans leur localité. Il n’y a malheureusement que les procès-verbaux des opérations de vote, susceptibles d’être modifiés entre quatre murs, lors de leur transport, et connus par les seuls membres statutaires des commissions locales, départementales, régionales et centrales qui tiennent lieu de preuve des résultats. On a vu en 2010 des bureaux de vote dont le nombre de votants était largement supérieur au nombre d’inscrits ; il n’est pas exclu que ces étranges exploits soient réédités. La transparence des opérations aurait voulu, et nous insistons, c’est le droit des électeurs, que chaque électeur partout où il se trouve connaisse les résultats de son bureau de vote même si la consolidation entre quatre murs des résultats de chaque CEI locale, départementale et régionale fait partie du mode opératoire retenu pour ces élections de 2015. D’ailleurs, le vocable "consolidation" va avec ajustement et tripatouillage. S’il en était autrement, le président Henri Konan Bédié ne se serait jamais plaint d’avoir été délesté de 600 000 voix. En 2000, le ciel n’est pas tombé sur la Côte d’Ivoire parce que les résultats ont été affichés dans les bureaux de vote devant tous. Ça a été de loin l’élection présidentielle la plus transparente de ces dernières décennies et honneur doit être rendu à Honoré Guié.
A Youssouf Bakayoko, il faut ajouter, pour que la bakayokotisation des organes intervenant dans le processus électoral soit achevée, le Général de corps d’armée Soumaïla Bakoyoko, patron des FRCI, le ministre d’Etat Ahmed Bakayoko, qui sera le vrai patron de ces élections. Il n’y a qu’à se rappeler le zèle avec lequel il a refusé toute modification des lacunes constatées dans l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la CEI, mis à part le changement du nombre des commissaires centraux qui est passé de 31 à 17. Il faut aussi compter avec Ahmadou Bakayoko, le petit frère du ministre, DG de la RTI pour diffuser les résultats que les autres Bakayoko auront garanti. Cette bakayokotisation du processus électoral aurait été parfaite si le président du Conseil constitutionnel ne s’appelait pas Koné Mamadou. Mais le résultat est le même dans tous les cas. C’est la première fois, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, que les membres d’un même groupe ethnique sur la soixantaine qu’elle compte interviennent, dans le sillage du rattrapage, dans les différentes étapes du processus électoral pour soit proclamer les résultats soit assurer la diffusion de cette proclamation ou encore assurer la sécurité et l’organisation des opérations de vote. Avec cette architecture, il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’à une proclamation de la victoire éclatante du Président Alassane Ouattara. A cette allure, la communauté internationale qui accompagne par son silence complice ces basses manœuvres politiciennes (toute la Côte d’Ivoire a été témoin du combat qu’elle a mené pour des élections transparentes et ouvertes à tous sous Laurent Gbagbo) ne devrait pas être surprise et crier demain au loup si des Guéi, des Kouassikan, des Prao, des Digbeu, des Akpa, des Attobra, etc. venaient à s’accaparer le pouvoir et tous les leviers de l’Etat. Ce ne serait que justice. La jurisprudence de la politique de rattrapage du Président Ouattara est là pour rappeler à la mémoire de tous que le clan, l’ethnie sont au-dessus de la nation. Et, on ne tiendra pas non plus rigueur à un dirigeant qui voudrait, lui aussi, demain, faire la promotion de son ethnie. C’est un mauvais signal que la communauté internationale donne aux ivoiriens en faisant penser qu’elle s’est battue bec et ongle pour placer son homme au pouvoir, l’accompagne, lui excuse tout et même l’encourage parfois à ruiner tout espoir de réconciliation entre les ivoiriens. Que fait-on de l’idéal, vendu depuis toujours, d’une meilleure démocratisation de l’Afrique et de ses institutions ? Y aurait-il des normes internationales à observer pour les uns et des licences accordées aux autres, relativement aux mêmes normes ? Et, on sera toujours prêt à se dédouaner en organisant des conférences internationales sur les victimes des crises. Depuis des mois, LIDER et son président, le Professeur Mamadou Koulibaly ne cessent d’attirer l’attention sur la nécessité de la mise en place d’un mécanisme d’alerte précoce pour éviter les décomptes macabres après les élections. Mais personne au niveau local comme à l’international ne les écoute. Pourtant, sous nos yeux l’histoire est en train de se répéter. Les ingrédients d’une déflagration possible sont bien là, visibles, avec de nombreux ex-combattants perdus dans la nature avec leurs armes (28 000 dit-on) et des dozos toujours à la manœuvre, maître dans les villages du sud, de l’est et de l’ouest, pour semer la terreur et le chaos. Aucune leçon n’est tirée par personne du passé et, les même ingrédients des crises passées sont là et ressurgissent dans la gouvernance d’Alassane Ouattara. Chaque jour, il se guéïse et se gbagboïse un peu plus. Pourra-t-il échapper au signe indien ? Bien malin qui le dira.
Quoiqu’on dise le repli identitaire et le conditionnement politique par l’appartenance de nombre de ces acteurs à la même entité politique, en l’occurrence le RDR, peut avoir raison de leur bonne volonté. La raison d’Etat nourrie au suc des intérêts politiques a toujours eu raison des uns et des autres. C’est certainement à cette raison d’Etat que le Professeur émérite de droit constitutionnel, Francis Wodié n’a pas voulu se soumettre en tant que président du Conseil constitutionnel. Il aurait préféré la démission à la compromission.

- Les connexions internationales et notre commentaire sur la stratégie mise en place

La puissante machine médiatique du Président Alassane Ouattara a commencé à déployer ses armes. Et, chaque camp joue sa partition comme dans une symphonie bien synchronisée. Depuis quelques temps, il est encensé par ses "amis" de la finance internationale même quand des contradictions flagrantes existent entre leurs rapports dithyrambiques sur sa gestion économique et les réalités des populations ivoiriennes et des entreprises locales. Le candidat exceptionnel en vertu de l’article 48 de la Constitution, devenu président exceptionnel pour avoir prêté serment deux fois grâce à la belligérance à lui offerte par le camp Gbagbo est un dirigeant d’exception. En fait, du jamais vu au monde qui ferait pâlir de jalousie les pays occidentaux dont la plupart connaissent une récession économique qui ne dit pas son nom. Les ivoiriens sont des hommes bienheureux sur terre, eux dont le revenu aurait augmenté de 7% aux dires de la Banque mondiale. Je ne sais pas si la ménagère d’Abobo a vu son sachet remplacé par un panier bien garni avec des marchandises qu’elle achète sans craindre d’être à court d’argent ; ses revenus ayant augmenté. Le message subliminal qui se cache sous ces éloges que contredisent la réalité de la croissance économique appauvrissante, la réalité du quotidien des ivoiriens, la réalité des entreprises ivoiriennes sinistrées (allez dans les différents zones industrielles d’Abidjan et vous verrez que la plupart des entreprises sont prêtes à jeter l’éponge à cause des charges ; 8 nouvelles taxes s’étant ajoutées aux impôts anciens, et qui justifie l’activisme de certaines organisations internationales en faveur du Président Alassane Ouattara est des plus clairs : les ivoiriens n’ont qu’à le réélire par acclamation. Sur cette question, on note la justesse des vues du président de LIDER qui demandait de faire des économies en nous dispensant d’une élection présidentielle coûteuse ; Alassane Ouattara est déjà réélu bien avant même que les élections aient lieu.
Disons-le tout net, la campagne a commencé pour le Président Alassane Ouattara. Et, il est clair que ses amis des différents réseaux vont continuer de l’encenser sur ses performances économiques même si les ivoiriens constatent le contraire. Pour prendre un seul exemple, la Côte d’Ivoire est considérée comme le pays le plus réformateur en matière de création d’entreprises. Pourtant même si une opération de réformes d’ordre esthétique existe, il est aussi toujours difficile de créer des entreprises en Côte d’Ivoire. Ce ne sont pas les jeunes ivoiriens qui s’y engagent qui nous diront le contraire, harcelés qu’ils sont par les impôts avant qu’ils n’ouvrent boutique. Dans ce cas, on préfère rester dans l’informel. Des pesanteurs existent toujours. Sur cette question des réformes, nous félicitons le gouvernement pour avoir accepté de prendre en compte les critiques et recommandations de LIDER même s’il tire la couverture uniquement vers lui. Nous le félicitons également pour avoir pris à LIDER son slogan de "la carte d’identité de la terre" et de l’avoir placardé sur des affiches grands formats à l’intérieur du pays pour encourager les ivoiriens à faire identifier leurs terres. Il en va de même de l’instauration de la culture entrepreneuriale dans les curricula du système éducatif sur laquelle le gouvernement a communiqué lors de sa réunion hebdomadaire du 15 janvier 2015. De tout cela, "ADO Solutions" censé orienter l’action gouvernementale sur cinq ans n’en parle pas. Il n’y a donc pas de honte à abandonner "ADO Solutions" devant son inadéquation aux réalités ivoiriennes et à chiper aux autres leurs idées. La communication politique est là pour faire croire qu’elles viennent des services gouvernementaux. En politique, les droits d’auteur n’existent pas. Mais il faut savoir rendre à César ce qui est à César et à Brutus ce qui est à Brutus. Il n’y a pas de honte non plus à cela.
Les carnets d’adresses et les marchés passés de gré à gré doivent bien servir à quelque chose et justifier de leur intérêt. Les retours sur soutien existent de même qu’existent les retours sur investissement. Peut-être, pour battre Ouattara et ses puissants amis, faudrait-il aux différents candidats déclarés avoir aussi un carnet d’adresses fourni et de puissants alliés à l’international ? Le Président Alassane Ouattara est assis sur un tabouret relationnel qui consolide son pouvoir. Et, ce tabouret relationnel est déjà en campagne pour lui. Les satisfécits vont se suivre à une vitesse effarante au fur et à mesure qu’on approchera de la date fatidique de l’élection présidentielle. Face à cette puissante machine médiatique, les adversaires du Président Ouattara doivent faire preuve de beaucoup d’ingéniosité. Ils ne pourront espérer le battre qu’en utilisant contre lui ses propres armes, celles qui ont fait de lui ce qu’il est. Il n’y a, dit-on, que deux forces d’égale puissance qui se neutralisent. Il faut que les différents candidats le comprennent bien : l’élection présidentielle à venir ne se jouera pas seulement en Côte d’Ivoire. Le soutien des seuls ivoiriens ne suffit pas. Ouattara a inscrit la Côte d’Ivoire dans une dynamique relationnelle où les réseaux et autres lobbys tiennent une place importante. Cette donnée n’est ni à ignorer ni à négliger. Même si ce fait n’est pas nouveau et existe depuis l’époque du premier président, il faut reconnaître qu’il lui a donné plus de poids dans le jeu électoral ivoirien. Il ne pouvait pas en être autrement parce qu’il est l’homme d’un système : le monde de la finance internationale caractérisé par la solidarité à l’endroit de ses hommes qui ont des ambitions présidentielles dans leurs pays respectifs. Son esprit a été formaté dans des organisations qui tirent leur prestige des réseaux et de la mise sous tutelle des états. Ceux qui pensent qu’il n’existe pas de faiseurs de rois à l’international se trompent lourdement ou se méprennent des relations internationales. Les lobbys existent, font et défont les hommes d’Etat d’ici et d’ailleurs. Il faut être pragmatique et apprécier les forces en présences dans le jeu politique. Alassane Ouattara ne fait pas la politique de façon classique. Un adepte de la politique classique, bien assis dans son salon et vendant des idées novatrices, ne le battrait pas. C’est pour cela qu’il méprise l’opposition, peu entreprenante. Le FPI est laminé, traversé par des dissensions profondes qui le paralysent, pendant que les autres partis se cherchent, paralysés eux-aussi par le manque de moyen. Il est temps que tout ce beau monde se réveille. Quelqu’un qui a terrassé Gbagbo, a mis Bédié dans ses poches et fait d’eux ses jouets juridique et politique pour assouvir ses ambitions n’est pas à sous-estimer. Tout le monde a l’impression que Ouattara est trop fort. Mais personne n’a osé jamais osé analyser là où il a chaque fois posé le pied pour être ce qu’il est. Comme au football, il ne faut jamais compter uniquement sur ses forces. Il faut adapter sa stratégie à l’équipe qui est en face. Cela, bon nombre de nos dirigeants politiques ne l’ont pas encore compris. Mais Ouattara lui l’a compris et l’utilise toujours. Il avance par petites touches sans état d’âme. Le peuple de Côte d’Ivoire unit dernière le leadeur qu’il faut limitera malgré tout sa présence à la tête du pays à un seul mandat.
Face au Président Ouattara et à l’esprit ségrégationniste du clanisme et du rattrapage ethnique érigé en mode de gouvernance, il faut une forte coalition de politiques, de citoyens de tous horizons désireux de voir une nation ivoirienne réconciliée avec tous ses fils, avec un égal accès à l’emploi pour tous et non une Côte d’Ivoire des ethnies engluée dans d’hideuses politiques népotistes, un marché ivoirien ouvert à toutes les entreprises, petites comme grandes, et non réservé à quelques grands amis qui obtiennent tout par des opérations de gré à gré. LIDER appelle cela de tous ses vœux. C’est l’une des résolutions de son dernier congrès qui recommande à son président de travailler à cela. Comme en 2010, l’appel de Daoukro lancé le mercredi 17 septembre 2014 est la dernière pièce du puzzle stratégique mise en place par le Président Alassane Ouattara. Avec ce soutien, l’élection présidentielle est théoriquement pliée pour lui puisqu’il compte sur le report mathématique et non sur le report effectif des voix. Mais les opposants à cet appel ruinent tout espoir de le revoir être réélu mathématiquement. D’où l’ire de certains de ses partisans contre les candidats issus des rangs du PDCI. Sans l’exécution religieuse de cet appel, il n’y a point de salut pour lui ; l’arithmétique politique est compromise et on ne peut se fonder sur elle pour un quelconque passage en force.
Les ivoiriens attendent le messie qui les sauvera du joug d’Alassane Ouattara. L’opposition et les opposants à l’appel de Daoukro devraient pouvoir leur offrir ce leader charismatique qui a « un rapport direct avec le peuple, qui prend la posture d’un Chef, qui adopte un ethos de volonté, par-dessus les instances de médiation traditionnelles – élites intellectuelles, corps intermédiaires » (Alain Rabatel). Cette personnalité charismatique saura faire émerger un « nous » national surplombant le « nous » ethnique imposé à tous par le Président Alassane Ouattara depuis qu’il est au pouvoir. C’est une telle personnalité qui peut faire bouger les lignes, recueillir et faire éclore les espoirs afin que vienne le temps de tous ceux qui, du nord au sud et de l’est à l’ouest, aspirent au retour des valeurs de paix, de concorde, de dialogue qui ont fait la particularité et la fierté de ce pays dans le concert des nations africaines et que les combats pour le fauteuil présidentiel après Houphouët-Boigny, que le coup d’Etat de 1999, que la rébellion des forces nouvelles, que la crise post-électorale avec ses deux présidents, que la justice vindicative des vainqueurs ont détruit. Il faut un retour aux valeurs humaines fondatrices de la nation ivoirienne. Hier, c’était l’ivoirité. Après ce fut la xénophobie. Aujourd’hui, c’est le rattrapage ethnique, des concepts différents mais qui conjuguent tous l’exclusion, le repli identitaire, la ségrégation et le sectarisme. Le Président Alassane Ouattara, bien qu’ayant dénoncé avec force les deux premiers maux cités ne fait pas mieux que ses prédécesseurs en justifiant sa politique d’exclusion ethnique et en ne se fondant que sur les gens de son clan et de sa tribu pour gouverner un état multi-ethnique. « Il s’agit d’un simple rattrapage. Sous Gbagbo, les communautés du nord, soit 40% de la population, étaient exclues des postes de responsabilité. (…) Sur ce terrain-là, on ne peut rien me reprocher » disait-il.
Le nord n’est pas toute la Côte d’Ivoire. Le sud n’est pas toute la Côte d’Ivoire. L’est n’est pas toute la Côte d’Ivoire. L’ouest n’est pas toute la Côte d’Ivoire. Le centre n’est pas toute la Côte d’Ivoire. Les dioula ne sont pas les seules personnes vivant en Côte d’Ivoire, encore moins les bété, les agni, les baoulé, les sénoufo, les malinké et j’en passe. C’est tous ensemble qu’ils forment la Côte d’Ivoire, ce bout de terre de 322 462 km2. Exclure un groupe, exclure une région, punir et martyriser le camp des vaincus n’est pas œuvrer en faveur d’une cohésion nationale productrice de paix et d’un vivre-ensemble harmonieux. Au contraire, elle ne fait pas s’éteindre les rancœurs. Il n’y a jamais d’émergence là où existent de telles politiques ségrégationnistes. Nos différences sont notre richesse. Mais avec le rattrapage comme hier avec l’ivoirité et la xénophobie, nos différences engendrent la haine de l’autre et nous conduisent au chaudron de la destruction, du chaos et à des pertes inutiles en vies humaines. Tirer sur la corde ethnique dans nos états encore fragiles n’a jamais développé un pays. L’exemple du Rwanda est là pour rappeler à nos mémoires oublieuses les désastres produits par les politiques de courtes vues.
Le président chef de clan, abonné au rattrapage ethnique, les ivoiriens n’en veulent plus. Cela est d’ailleurs aux antipodes de l’houphouétisme prétendument invoqué par les adeptes de la division et de l’exclusion. Parmi ces leaders politiques et d’opinion qui accepteront cette mission de libération de la Côte d’Ivoire, il faudra mettre chacun là où il excelle le plus. Les uns sont plus stratèges que les autres. Les autres ont la critique plus alerte que les autres. Quelques autres ont le verbe haut. Quelques autres encore ont les paradigmes sociétaux qu’il faut pour la nouvelle Côte d’Ivoire qui doit naître des cendres de l’ancienne. D’autres encore ont un programme réformateur plus hardi. Chacun d’eux est connu sur l’échiquier national et nous n’indiquons qu’une voie parmi de multiples possibles. C’est cet attelage combatif qu’il faut contre le Président Ouattara qui reste, et il ne faut pas le négliger, une bête politique redoutable, sans état d’âme et d’une froideur jamais égalée dans le paysage politique ivoirien.
Le Président Alassane Ouattara détient les mêmes leviers qu’en 2010. Il est, par conséquent, hors de question qu’il parte aux élections sans cet attelage gagnant. Le fait de prendre les têtes du maximum de CEI locales, départementales et régionales participe de cette stratégie qui consiste à user de tous les moyens pour s’assurer une victoire certaine au soir de l’élection présidentielle. Il veut gagner au premier tour et, il ne fait pas de mystère sur cela. Il mettra donc tout en œuvre pour le réussir parce qu’un second tour ne lui serait pas favorable. Il faut, pourtant, l’y contraindre. Il faudra donc jouer de stratégie pour espérer le prendre à son propre jeu et le vaincre comme il l’a fait avec Laurent Gbagbo. Malgré les apparences, il a contre lui un environnement moins favorable qu’en 2010 et, il faudra en tirer parti.

L’appel de Daoukro et l’arithmétique politique d’Alassane Ouattara

Lors d’une visite d'Etat de quatre jours dans la région de Iffou au cours de laquelle le Président Alassane Oauttara est arrivé les mains chargées d’infrastructures diverses en faveur de la ville de Daoukro, le président du PDCI, monsieur Henri Konan Bédié, a lancé un appel solennel à soutenir sa candidature unique à la prochaine présidentielle pour le compte du RHDP. Depuis, cet appel alimente le débat politique en Côte d’Ivoire, suscitant colère chez les uns et approbation chez les autres. Le pré-congrès qui vient de se tenir et le congrès du 28 février prochain ne vont pas changer la donne : l’appel de daoukro est un sujet qui soulève les passions. Cette contribution dont le but est d’enrichir le débat l’interroge encore une fois pour en déceler les implicites. En politique, la tactique de conquête, de gestion ou de conservation du pouvoir ne se déclare pas par les acteurs. Elle se décèle dans le jeu de chacun. Ici, il s’agit de découvrir le puzzle stratégique auquel cet appel participe.

Daoukro comme hier le 7 novembre 2010

Au sortir du premier tour des élections présidentielles d’octobre 2010, les candidats Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié obtiennent respectivement 38%, 32% et 25%. Avec ses 25%, Henri Konan Bédié devient l’arbitre entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Il opte, après quelques jours de silence, pour le second et appelle le dimanche 7 novembre 2010 à le voter. C’était le dernier acte qu’attendait Alassane Ouattara pour dérouler sa machine médiatico-militaire contre Laurent Gbagbo. Résultat : Alassane Ouattara sort vainqueur de sa confrontation avec Laurent Gbagbo et prête serment le 6 mai 2011 comme Président de la République. Mais ce qu’on oublie parfois, c’est qu’en amont, du travail avait été fait et, le président de LIDER à maintes occasions l’a démontré. Alassane Ouattara a gagné les élections de 2010 parce qu’il contrôlait et la Commission Electorale Indépendante et l’élaboration du fichier électoral via certaines connexions au niveau de la SAGEM. Les rapports particuliers entre le représentant de cette structure en Côte d’Ivoire, Sidi Kagnassi, et certains leaders de la rébellion et du RDR ne sont plus à démontrer. Il est question de plus en plus, d’ailleurs, que cette structure revienne dans le jeu électoral de 2015 mais cette fois avec une nouvelle dénomination ; ses exploits dans la confection de liste électorale pour les élections de 2010 sont trop connus d’une partie de l’opinion publique ivoirienne. Alassane Ouattara a aussi bénéficié d’un environnement social et international favorable qui lui a permis de contester la victoire de Laurent Gbagbo proclamée par Paul Yao N’dré, président du Conseil constitutionnel d’alors. L’appel du président Henri Konan Bédié était la pièce maîtresse de cet environnement social favorable. Mathématiquement, sans préjuger de ce que certains militants PDCI n’aient pas suivi cet appel, le report de voix était largement en faveur du candidat Alassane Ouattara. Il y eu un conditionnement des esprits au niveau local comme au niveau international pour faire admettre la victoire d’Alassane Ouattara comme incontestable. C’est cet exploit aux multiples facettes que le Président Alassane Ouattara essaie vaille que vaille de rééditer à la faveur de la présidentielle à venir.

Une contribution de Pr Fobah Eblin Pascal
Délégué national à l’Ecole et à l’Emploi de LIDER