Débats et opinions: Sarkozy à la rescousse de l'UMP ou de ses amis Ouattara et Compaoré?

Par Correspondance particulière - Sarkozy à la rescousse de l'UMP ou de ses amis Ouattara et Compaoré?

Nicolas Sarkozy et Blaise Compaoré à l'Elysée. image d'archives.

Sarkozy, candidat à la présidence de l’UMP, dont il peut bien se passer
s’il veut représenter sa famille politique aux présidentielles de 2017,
est en quête, avant tout, d’un perchoir politique, afin de prêter «
légalement » main forte aux présidents africains installés par la France
et par son armée d’occupation ; ces colonnes de la françafrique qui
tiennent leur légitimité de l’Élysée, et non de leur peuple. Sa sortie
dans la presse et sur les réseaux sociaux est, apparemment, prématurée, si
nous analysons l’actualité et ses déclarations officielles ; son amour
pour sa famille politique divisée, pour sa Patrie, etc… Elle est cependant
opportune si nous considérons le calendrier des élections présidentielles
en Afrique de l’Ouest ; prévues en 2015 (dans quelques mois) au Niger, au
Nigéria, au Togo, en Guinée, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire,
capitale politique et économique de la françafrique de l’AOF (l’Afrique
Occidentale française). Nous saisissons mieux l’empressement de Sarkosy,
sa fébrilité sur les antennes de la télévision, lorsque nous découvrons
les origines, aussi bien de son ascension politique fulgurante que le succès
de tous les ex-présidents issus de la droite française. Pour que ces
derniers soient élus à la magistrature suprême de la France, il leur a
fallu avoir absolument le contrôle des leviers de la françafrique mise sur
pied par Jacques Foccart, les hommes politiques français nostalgiques de
l’époque coloniale, et des Chefs d’États africains, prêts à brader
les richesses de leur pays pour leur « élection programmée» et leur
sécurité. La visite du premier ministre Chirac au président Houphouët
Boigny, qui lui fit don de lingots d’or détermina, par exemple, son
élection en 1995 à la magistrature suprême de son pays. Présent lors des
obsèques du « Vieux », il affirma, erronément, face à la Presse que le
président Bédié était, après Houphouët, « la seconde chance de la
Côte d’Ivoire ». L’amitié de Sarkosy avec Claude Chirac, la fille
cadette de ce président français dont il sera le témoin de mariage lui
permettra d’être introduit dans les arcanes de la politique africaine de
la France, où il découvrira, lui-aussi, son filon d’or : Alassane
Ouattara dont la conseillère discrète et secrète, Dominique Nouvian, bien
introduite dans la famille et les affaires du président Houphouët, leur
permettra de réaliser le rêve ivoirien, en se bâtissant, en un laps de
temps, une immense fortune, grâce à une maîtrise presque parfaite des
leviers de la politique et de l’économie ivoirienne. Le mariage du couple
fut célébré en 1990, à Neuilly, la commune où était maire Sarkosy.
Ouattara, premier ministre sous Houphouët Boigny (le bienfaiteur de Chirac),
fut, dès lors, sous la protection de ce jeune maire, qui planifia, une fois
devenu président de la république française, le contentieux électoral en
Côte d’Ivoire, la guerre fratricide dont Chirac fut l’initiateur, et
l’intervention militaire française qui a permis son installation à la
tête de la Côte d’Ivoire, et la déportation à la Haye du président
ivoirien Gbagbo, malgré la volonté de ce dernier de trouver une issue
pacifique à la crise électorale. Sarkosy fut élu le 30 mars 1993 ministre
du budget dans le gouvernement du premier ministre Édouard Balladur,
Alassane Ouattara, resté sans fonction, après le décès du président
Houphouët devint en juillet 1994, comme par enchantement, un an après la
nomination de son ami français, le premier africain à occuper un poste de
Directeur Général adjoint du FMI (Fonds monétaire international). Le 31
juillet 1999, Alassane Ouattara quitta ses fonctions au FMI et fit son retour
en politique. A Noël 1999, une mutinerie éclata à Abidjan transformée en
coup d’État, le général Guéï, chassa du pouvoir Konan Bédié. Investi
candidat du RDR en 2000, la candidature de Ouattara fut écartée parce que
de nationalité douteuse, au vu de la nouvelle constitution adoptée par
référendum en juillet 2000. En septembre 2002, une fois Sarkosy, l’ami de
Ouattara fut nommé ministre de la
sécurité intérieure et des libertés sociales, sous le président Chirac,
dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, nous assistâmes à une
tentative de coup d’État contre le président Gbagbo. Les mêmes rebelles,
huit ans après, toujours sous Sarkosy, cette fois-ci à la tête de la
France, s’unirent à l’armée française pour combattre, à la suite du
contentieux électoral, le président Gbagbo et l’armée ivoirienne fidèle
à la Constitution de notre pays. Sarkosy présent lors de l’intronisation
à Yamoussoukro de son ami Ouattara, démontra en 2011, sa totale implication
dans la conquête armée du pouvoir politique en Côte d’Ivoire. Il fut
l’un des principaux artisans de l’installation de Ouattara à la
magistrature suprême de notre pays. Tout ceci n’aurait pas été possible
sans le discret Compaoré, président du Burkina Faso où Sarkosy, ministre
de l’intérieur puis président de la France permit à l’armée
française de préparer les troupes rebelles, qui se sont lancées à
l’assaut d’Abidjan, afin que son poulain Ouattara devienne président de
la République. L’avocat des affaires Sarkosy dont le compte de campagne
fut irrégulier se serait-il engagé totalement aux côtés de Ouattara par
pure amitié ? Non ! Dans le monde de la realpolitik, il n’y a pas
d’amis, il n’y a que des intérêts. Les relations entre Sarkosy et le
colonel Kadhafi, qui aurait financé sa campagne électorale, indique que le
président français aura besoin du soutien financier de Ouattara et de
Compaoré pour sa réélection en 2017. D’où la nécessité de leur
apporter en 2015 son soutien politique, de manière officielle, à travers un
lobbying bien peaufiné, au moment où le président Hollande est absorbé
par les conflits irakien et syrien. Si après sa rencontre avec le président
Hollande, Alassane Ouattara a confessé son agacement vis-à-vis du FPI, ce
grand groupe politique qui lui donne le tournis, c’est parce que le
président socialiste, bien qu’opposé, naturellement, à des élections
démocratiques en Côte d’Ivoire, ne peut s’engager totalement et
militairement dans une crise électorale ivoirienne, comme le fit son
prédécesseur. Il ne pourra intervenir que dans le cas où le désordre
menacerait ses intérêts ou ses populations. La logistique militaire sera,
logiquement, concédée à Alassane Ouattara par Hollande, pour des questions
économiques, mais non des soldats au sol puisque ces derniers sont «
accusés de crimes contre l’humanité » dans l’affaire Gbagbo. « Le FPI
ou Gbagbo me fatigue » est un refrain de Ouattara déjà entendu à
l’hôtel du golf, lorsque les rebelles venus du Nord étaient tenus en
échec sur le champ de bataille par l’armée ivoirienne républicaine.
Cette complainte vise à demander de l’aide à ses amis français. Sarkosy
n’est pas insensible à son « cri de détresse » et vole à son secours,
en cherchant, désespérément un perchoir politique, celui de l’UMP
puisqu’il était loin de penser à sa défaite face à Hollande. Il lui
faut donc absolument achever l’oeuvre qu’il a commencée ; consolider les
fondements de la françafrique. Compaoré, qui disait, dans son interview,
suivre l’affaire Sarkosy, comme un feuilleton, attend, lui-aussi, beaucoup
de ce dernier, face au dilemme du référendum sur la modification de la
Constitution dans son pays, le Burkina Faso. Sans le financement de sa
campagne par les membres africains de la françafrique, Sarkosy ne pourra
accéder, en 2017, à la magistrature suprême de son pays, puisqu’elle
nécessitera de gros sous pour « convaincre » les grands groupes de
pression. Il a certainement le soutien total de ces multinationales
françaises qui s’accaparent tous les marchés de la Côte d’Ivoire. Les
Africains se doivent de méditer cet aveu de Chirac, qui reprend cette
question de De Gaulle formulée en 1961, au lendemain des indépendances : «
L’Afrique sera-t-elle terre de confusion ou de raison, de misère ou de
prospérité, de servitude ou de liberté ?» Pour éviter de sombrer dans la
misère, ou de demeurer dans notre condition de servitude, il nous faire
obstacle à ces présidents prêts à brader les biens de nos peuples pour
leur élection et leur sécurité, incapables de négocier des accords
gagnant-gagnant, comme l’a toujours souhaité le président Laurent Gbagbo.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)