Débats et Opinions: Ouattara veut faire d'Essy, de Banny, de KKB, et de Kablan Brou, des personnes non fréquentables à l'instar de Gbagbo, Par Isaac Pierre Bangoret (Ecrivain)

Par IVOIREBUSINESS/ Débats et Opinions - Ouattara veut faire d'Essy, de Banny, de KKB, et de Kablan Brou, des personnes non fréquentables à l'instar de Gbagbo.

Où court Dramane Ouattara puisqu’il n’y a pas de feu à la maison, comme lui disait déjà, il y a quelques années, Dona Fologo ? Ouattara, à la mort d’Houphouët, refusa de rendre la démission de son gouvernement à Bédié, le nouveau président, conformément à la Constitution ivoirienne, prétextant un « état d’exception » ; en affirmant par la bouche de Yacé que la maison brûlait. « La nécessité » dit-on en droit, « n’a pas de loi ». Face à la nécessité, un État de droit peut, en effet, se permettre de suspendre l’application de sa Constitution. C’est ce subterfuge que veut utiliser un Ouattara aujourd’hui inéligible pour contourner, avec la bénédiction de la France et de Ban Ki-Moon (l’ONU), l’article 35 de notre Constitution, afin de rendre légitime sa candidature aux présidentielles de 2015. En quoi consiste, en fait, cet « état d’exception » ? Parcourons attentivement l’actualité pour saisir ce piège politique tendu, de nouveau, aux Ivoiriens par cette fameuse Communauté internationale représentée par la France et Ban Ki-moon. Comme à l’accoutumée, après les décisions des présidents français, le secrétaire-général de l’ONU se fait l’écho des recommandations de la métropole. Nous en avons déjà été témoins avec Sarkosy, « le libérateur de la Lybie », dont l’armée et celle de l’ONU assassinèrent de nombreux civils ivoiriens. Au 24ème sommet de l’Union africaine, après l’appel du président Hollande, Ban Ki-moon tint ce discours: « Les changements de Constitution non démocratiques et les vides juridiques ne devraient pas être utilisés pour s’accrocher au pouvoir ». Aïchatou Mindaoudou, sa représentante en Côte d’Ivoire, indique, dans un langage diplomatique, que Dramane Ouattara n’est pas concerné par ces recommandations. Elle l’a clairement signifié quand elle a exhorté la CEI à organiser des élections paisibles, démocratiques et OUVERTE À TOUS (à un Ouattara inéligible). Elle suspend ainsi, de manière subtile, l’application de l’article 35 de la Constitution ivoirienne, arguant « l’état d’exception » dans notre pays lorsqu’elle dit en substance que « Les Ivoiriens doivent montrer qu’ils ne veulent plus retourner à la crise de 2010. Ils doivent surmonter leurs divergences politiques aux fins d’éviter au pays une autre crise postélectorale». Aïchatou Mindaoudou, cette alliée de Ouattara, crie au feu pour justifier un « état d’exception » en Côte d’Ivoire, alors qu’il n’y a plus de feu à la maison, pour la simple raison que Ouattara et Soro, après avoir affirmé avoir pris les armes pour lutter contre l’ivoirité de Bédié se sont réconciliés et appartiennent à la même famille politique : le PDCI-RDR. Il n’y a donc plus de divergences entre ces familles politiques autrefois opposées. Le problème auquel sont confrontés aujourd’hui les Ivoiriens est celui du respect du droit de vote des citoyens, du respect de notre Constitution. Les Ivoiriens veulent choisir librement leurs représentants capables de négocier avec la métropole des accords gagnant-gagnant, contrairement à ces leaders installés, comme Dramane Ouattara, par les présidents français et Ban Ki-moon. Gbagbo à la Haye et les 83 militants du FPI aux assises ne sont pas jugés pour avoir inventé ou soutenu l’ivoirité à l’origine du conflit fratricide dans notre pays. On leur reproche le fait d’avoir défendu le droit de vote de leurs citoyens, la Constitution ivoirienne. Poser un tel acte en Côte d’Ivoire, c’est porter atteinte à la sûreté de l’État qu’incarne le souverain Dramane Ouattara. L’appel de Daoukro lancé par Bédié, l’allié de Ouattara, vient confirmer cette volonté délibérée de la France et de l’ONU de combattre la démocratie ivoirienne, puisque Aïchatou Mindaoudou exhorte une CEI non consensuelle à organiser, paradoxalement, des élections transparentes. Les 4 candidats, militants du PDCI-RDA, qui souhaitaient organiser, au sein de leur parti politique, des primaires, afin de présenter un candidat aux présidentielles de 2015, ont été purement écartés par Ouattara et Bédié. Dans « Le Courrier » du 25 février 2015, Ouattara dit noter des progrès importants dans le dialogue gouvernement-opposition à huit mois de la présidentielle d’octobre, parce que c’est encore lui qui choisit l’opposant avec lequel il compte discuter. Il s’agit d’Affi, opposé aussi bien à la candidature de Gbagbo, son adversaire politique, qu’au droit de vote des militants de son parti politique soucieux de choisir un nouveau président à la tête du FPI, conformément à leurs textes. Si Affi, un des 83 militants du FPI aux assises est libéré par la justice de Ouattara, ses camarades favorables à des élections démocratiques au sein de leur parti restent
encore sous les verrous. Affi s’empresse d’annoncer qu’il compte rencontrer des Chefs d’État de différents pays africains parce que Ouattara tient à signifier au monde entier qu’il existe un « dialogue véritable » entre son gouvernement et une opposition, qui est loin d’être légitime puisque ce représentant du FPI refuse de se soumettre au verdict des urnes au sein de son parti. Ouattara, Bédié et Affi ont en commun une chose ; ils sont tous opposés à des primaires, à des élections démocratiques au sein de leurs partis respectifs. L’actualité politique dévoile déjà leur stratégie commune de faire d’Essy Amara, de Banny, de Bertin Konan et de Kablan Brou des personnes non-fréquentables comme Gbagbo Laurent. Analysons, de prime abord, les déclarations de la porte-parole de la CEI, Mme Alley «La CEI n’accuse aucun retard sur le chronogramme du scrutin. Nous demandons aux populations de se tenir prêtes […] Des partis politiques ont mis du retard pour communiquer les noms de leurs représentants dans les commissions locales, mais cela n’a pas influé sur le chronogramme général ». Pendant que Mme Alley se plaint du retard accusé par certains partis politiques, la justice ivoirienne dresse des obstacles devant le FPI, sur la demande d’Affi, le représentant de l’opposition choisi et libéré par Ouattara pour les besoins de la cause. Les attestations d’identité désormais rejetés par l’administration ivoirienne, à huit mois des présidentielles, n’est pas une décision étrangère à ce chronogramme. Lorsque le gouvernement de Ouattara qui a une peur bleue du verdict des urnes évoque le respect du chronogramme du scrutin, il faut s’attendre au pire. Un fait majeur éludé par Ouattara en personne nous permet de prévoir, en effet, les événements politiques futurs; il s’agit du remaniement ministériel avorté qui annonçait l’entrée d’Affi au gouvernement. Le jour où l’opposition de Dramane Ouattara fera son entrée au gouvernement nous serons dans le contexte d’un gouvernement d’union nationale. Avec un tel gouvernement formé pour des besoins surtout sécuritaires, comme le souligne déjà Aïchatou Mindaoudou, il n’existera plus logiquement de débats politiques entre « la majorité » et l’opposition. Le régime d’Abidjan qui évoque déjà le retard accusé par les partis d’opposition, par rapport au chronogramme du scrutin, pourra alors se passer d’élections présidentielles dans notre pays, en se rassemblant, au sein de ce gouvernement, autour du candidat unique aux présidentielles de 2015: Dramane Ouattara. Tous ceux qui n’entreront pas de ce gouvernement d’unité nationale seront, dès cet instant, perçus par la France, Ban Ki-moon et Ouattara, comme des personnes non fréquentables, des fauteurs de troubles. C’est l’épée de Damoclès que Ouattara et Bédié comptent lever sur la tête de Banny, d’Essy, de Bertin Konan, et de Kablan Brou. Quant à Gbagbo, Affi se rendra, comme prévu dans son agenda à la Haye, afin de lui faire certainement part de sa volonté de voir le FPI entrer dans un gouvernement d’unité nationale, en vue de « la paix sociale » en Côte d’Ivoire. Connaissant déjà la ligne politique de Gbagbo, contraire à toute compromission, Affi se lèche déjà les babines parce qu’il compte ainsi, avec tact, tourner la page Gbagbo. Il est cependant bon de rappeler que tout gouvernement d’union nationale qui ignore, de manière délibérée, les aspirations du peuple à choisir ses propres représentants court toujours le risque de voir accéder au pouvoir des partis politiques extrémistes. Hollande, Ban Ki-moon, Aïchatou Mindaoudou gagneraient mieux à désamorcer cette bombe avant qu’il ne soit trop tard pour tous… Nous ne sommes pas en Côte d’Ivoire dans un « état d’exception », les Ivoiriens unis ne désirent qu’une seule chose ; voir la Communauté internationale représentée par la France et Ban Ki-moon mettre fin à leur duplicité sur le terrain politique ivoirien, afin que nos citoyens soient libres de choisir leurs propres représentants, conformément à la Constitution de leur pays. Que Laurent Gbagbo et les personnes mises en prison pour avoir défendu notre Loi fondamentale soient libérés, que les exilés rentrent chez eux, et que des élections transparentes et libres consacrent le vainqueur aux présidentielles de 2015. La souveraineté, comme l’a maintes fois souligné Gbagbo, ne se négocie pas. Ouattara n’est pas l’État ivoirien, il est inéligible, qu’il passe le flambeau à Soro ou à un autre membre du RDR après des primaires au sein de son parti, s’il est véritablement un démocrate. Il ne revient pas aussi à Aïchatou Mindaoudou, la représentante de Ban Ki-moon, de se substituer à notre Constitution, comme l’a déjà fait Choï, en nous signifiant que les présidentielles de 2015 sont ouvertes à tous. Les Africains ont leur propre boussole ; leur Loi fondamentale.

Une contribution par Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)