Débats et opinions: Côte d'Ivoire: Face aux dérives du régime, pourquoi le FPI ne doit plus se taire? par Germain Séhoué

Par Le Temps - Face aux dérives du régime, pourquoi le FPI ne doit plus se taire? par Germain Séhoué.

Direction du FPI samedi 20 septembre 2014, à l'investiture d'Amon Ago Marthe.

Que se passe-t-il au Front populaire ivoirien ? Le pouvoir serait-il dans la rue ? La ligne, la stratégie et la gouvernance du Fpi, ont été identifiées par le Groupe de Médiation de la récente crise interne du parti et le Comité de contrôle, comme causes profondes de la grave perturbation qu'à connue la formation politique crée par le Président Laurent Gbagbo.
Le détonateur de cette crise, nul ne l'ignore, a été le réaménagement, jugé inopportun, du Secrétariat général du parti, par le président Affi N'Guessan. Pour la résolution de la crise, un compromis dynamique et des recommandations de haute portée politique, pragmatiques et sages, ont été élaborés. Et les protagonistes ont semblé les avoir acceptés. Car s’ils sont suivis, ces résultats du travail de spécialistes du parti seront de nature à éviter la survenue d’autres perturbations. La fin de la crise du réaménagement du Secrétariat général, officialisée lors de la délibération du Comité central du 14 août 2014, devrait amener le président du parti à se tourner vers les vrais problèmes et les véritables défis qui assaillent le parti, les militants, voire la population ivoirienne.

Après la crise, se remettre au travail

Mais le constat est clair. Durant les longs mois que cette crise a duré, les souffrances du peuple ont été passées à la trappe. Et on a royalement oublié le sort des centaines de jeunes, civils et militaires en prison, les exilés, qui souffrent le martyr dans les pays voisins. On a d’autres préoccupations que savoir ce qu’il advient des villages et des forêts, surtout à l'Ouest, occupés et colonisés par des hordes de burkinabè et autres étrangers, au détriment des autochtones, contraints à fuir leur terre natale. La pratique de rattrapage ethnique, érigée en véritable politique nationale, l'occupation et le pillage des domiciles privés, par les dozos et autres Frci, toutes ces pratiques d'un autre âge, qui auraient dû être les objectifs essentiels du combat du Fpi, ont été reléguées au dernier rang des préoccupations, sinon totalement oubliées. Ce, au profit de la diversion de l'entrée du Fpi à la Cei et dans l’administration Ouattara. Heureusement, le Comité central du 13 août 2014 a réglé la question de l’entrée à la Cei de la plus belle des manières, en recadrant l’actuelle direction.

Maintenant, reste la question de la ligne du parti. Le sujet a été renvoyé au congrès qui va se tenir en décembre 2014. Il se trouve cependant que dans leurs déclarations publiques, le président Affi et ses proches, abordent la question en caricaturant la position de leurs contradicteurs. Pour eux, leurs adversaires qui donnent la priorité à la libération du président Gbagbo, sont des va-t-en guerre. Qui veulent jeter les militants dans les rues et les faire massacrer par les sbires et les forces du régime : « Où étiez-vous quand on envoyait Laurent Gbagbo à La Haye ? Pourquoi en ce moment-là, des marches n’ont pas été organisées pour empêcher qu’il soit transféré à La Haye ? »A-t-il répond aux militants de Bonoua, le week-end dernier. Le camp Affi veut donc "faire le dos rond", collaborer, « ne pas gêner le pouvoir », là où les militants du Fpi, dans leur ensemble, veulent rester debout et lutter pour imposer la démocratie. En caricaturant la position de ses opposants au sein du parti, Affi N'Guessan caricature aussi, à son corps défendant, sa propre position. Il va jusqu'à dire que l'entrée du Fpi à la Cei contribuera à la libération du Président Gbagbo. Comme si Cei était devenue la chambre de la Cpi chargée de le juger. Question réglée.

Le pouvoir est-il dans la rue au Fpi ?

Mais le débat continue pourtant. C’est bien pour cela que personne, de la direction du parti, ne répond aujourd’hui à Ouattara, malgré ses multiples déclarations qui sont de la provocation. Comme si le parti avait abandonné son rôle de contrepouvoir. Ne pas vouloir se livrer pieds et poings liés au régime Ouattara, comme le préconisent les "biaiseurs", ne signifie pas qu'on veut user de la violence, casser et vandaliser. Il y a bien d'autres moyens pour marquer son désaccord face à une politique répressive et à une dictature qui ne se cache plus et qui a fini d'émerger. Ne pas entrer à la Cei et refuser d'être membres du Gouvernement Ouattara, constituent des moyens pacifiques de protestation et de combat. On voit le résultat du retrait du Fpi de la Cei sur Ouattara, qui, visiblement, se trouve effondré et menace. Alors le camp Affi répond que, ne pas être à la Cei, au Gouvernement et dans les institutions, c'est se mettre hors du jeu politique. Quelle est donc cette nouvelle notion du jeu politique que vient de découvrir l’ancien prisonnier de Ouattara ? Qu'on nous le dise. Mais il convient de prendre conscience que le refus de participer à une manifestation politique, le boycott d'une activité politique, même le refus de Ouattara de rencontrer Affi N'Guessan, font partie du jeu politique. Alors vaut-il encore la peine de s’accrocher à des théories qui n’ont d’utilité que pour justifier la collaboration avec le Gouvernement en place ? Politique joliment appelée " l'entrisme" ? Quoiqu’il arrive, les militants sont plus que jamais vigilants pour veiller au devenir de leur parti. Et le voir jouer son rôle de formation leader dont les mots d’ordre font échouer les aventures d’un régime anti-démocratique. Concernant le prisonnier de La Haye, qu’on prétend vouloir libérer en essayant de faire entrer son parti à la Cei, au Gouvernement et dans l’administration Ouattara, a-t-on demandé son avis ? Serait-il d’accord avec cette façon de l’aider ? Où va le Fpi ? Où va-t-il pendant que le régime se dit « y a rien en face » ?

Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr