Cameroun - Obsèques de la belle mère de Paul Biya: Le chef supérieur Bangou humilié à Mvomeka’a. Chefs traditionnels et maires refoulés

Par Cameroun-info.net - Obsèques de Rosette Mboutchouang, la mère de Chantal Biya. Le chef supérieur Bangou humilié à Mvomeka’a - Chefs traditionnels et maires refoulés.

Obsèques de Rosette Mboutchouang, la mère de Chantal Biya.

DOUALA - Tayo II et sa suite ont été refoulés sans ménagement par la sécurité présidentielle à l’entrée de la résidence de campagne du chef de l’Etat. C’est à partir d’une gargote que le chef traditionnel suivra les cérémonies d’inhumation de l’édile de la ville de Bangou.

Il est 13 heures passées de quelques minutes, lorsque qu’une pluie tombant d’un ciel clair s’est abattu vendredi dernier sur Mvomeka’a, petite bourgade de l’arrondissement de Meyomessala dans la région du sud. Ils sont nombreux invités et curieux aux obsèques de la belle-mère du chef de l’Etat à ne pas avoir eu accès à la «case présidentielle», l’immense domaine du président Paul Biya, lors de ces cérémonies. Alors que chacun essaye tant bien que mal de se trouver un abri, les clients de fortune de cette gargote située en face du théâtre des événements recevront une visite des plus étranges : «s’il vous plaît, vous pouvez faire une peu d’espace le chef supérieur Bangou voudrait s’asseoir», implore mezza voce un notable en mission avancée.
Après quelques négociations avec les premiers occupants, un compromis est trouvé et un homme, la soixantaine largement entamée, vêtue de la tenue traditionnelle bleue foncée déjà mouillée par la pluie, l’air grave, va prendre place dans une chaise en rotin au milieu de ses subordonnés. Ces derniers, debout pour la plupart, se font presqu’inexistants, ne prêtant aucune oreille au brouhaha du bar en planches devenu étroit pour tout ce monde. Marcel Tayo II a le regard dans le vide lui aussi, se demandant sans doute si le déplacement de Mvomeka’a valait le coup.

Double humiliation
Dehors, la pluie est décidée à jouer sa partition dans cette inhumation, redouble d’intensité. Sur ce qui sert de perron à la petite gargote, des hommes dévisent en français. L’accent prononcé indique qu’ils sont originaires de l’Ouest. Vêtus à l’occidental, contrairement à la petite délégation du chef supérieur Bangou, ils essayent de comprendre pourquoi leur chef n’a pas été autorisé d’accès. « Ils disent qu’il est arrivé en retard c’est pour cela qu’ils ont refusé qu’il entre», avance l’un d’eux. Un autre opine de la tête et explique que le chef Bangou ne s’avait pas que le portail de l’une des deux entrées principales de la « case présidentielle », fermée jusqu’à 11 heures moins, était déjà ouverte, et que les invités étaient priés de prendre place à l’intérieur.
Comment aurait-il d’ailleurs pu le savoir alors que la délégation du groupement Bangou, forte de près de 300 personnes, a été installée une centaine de mettre en aval de l’entrée, et aucun membre du protocole n’a jugé utile de venir inviter le chef supérieur Bangou à prendre place dans l’enceinte ? De plus, des personnalités venues bien après la fermeture des grilles ont tout de même eu accès. Depuis l’annonce du décès de la belle-mère du chef de l’Etat, épouse Mboutchouang et maire de Bangou, cette communauté a été mise en minorité sur l’organisation des obsèques de «leur fille». D’abord annoncées par la clameur mondaine à Nanga Eboko, les obsèques de Rosette Mboutchouang ont été finalement accaparés par le beau-fils de cette dernière qui a décidé de l’enterrer dans sa concession.
Comme pour enfoncer un peu plus le clou, l’hyper communicant et super zélé ministre de la Communication, dans une sortie le week-end dernier, a déclaré que Bangou n’avait pas la stature pour accueillir le chef de l’Etat. «Quand le chef de l’Etat se déplace, a affirmé Issa Tchiroma Bakary, c’est toute la République qui se déplace. Est-ce que Bangou peut recevoir 10.000 personnes ? Pour que le chef de l’Etat y aille, il faut que l’aéroport de Bafoussam soit réhabilité, les infrastructures et les résidences aussi. Où aurions nous trouvé de l’argent au moment où nous combattons Boko Haram ?» Ce n’est vraiment pas le problème du gouvernement de la République si Bangou n’est pas développé…
Ludovic Amara (Stagiaire), à Mvomeka’a

Humiliation: Chefs traditionnels et maires refoulés
Ils n’ont pas été admis au lieu où se tenait la messe de requiem dite en hommage à Rosette Mboutchouang Ndongo Mengolo dit Mefosilegap, maire de la commune de Bangou et belle-mère du chef de l’Etat.
Le Fo’o Francis Homsi Fézé, chef supérieur des Badengkop, était dans tous ses états. Après avoir effectué le déplacement de Mvomeka’a vendredi 17 octobre 2014, question d’assister aux obsèques de Rosette Mboutchouang Ndongo Mengolo dit Mafosilegap, maire de la commune de Bangou et belle-mère du chef de l’Etat, Paul Biya, par ailleurs reine dans sa chefferie, il est rentré de là, sans jouer de rôle lors du déroulement effectif de ladite cérémonie. Plus grave, il a été refoulé par les éléments de la sécurité présidentielle au moment où il voulait accéder à l’intérieur de la résidence présidentielle à Mvomeka’a. Le fait qu’il ait brandi sa qualité de Fo’o des Bandengkop, village d’origine d’Ernest Mboutchouang (époux de la défunte), n’a fait qu’augmenter la colère des éléments de la sécurité présidentielle. «Vous n’êtes rien ici», lui aurait-on assené.

Des écharpes tricolores ignorées
David Simeu, Fo’o des Bapa et secrétaire général de l’association des maires de la région de l’Ouest, n’a pas échappé à ce traitement. A la tête d’une forte délégation des chefs traditionnels du département du Haut-Nkam, le Fo’o Sinkam Happi Iv de Bana n’a pas été autorisé à accéder au palais présidentiel de Mvomeka’a. Me Guy Effon, maire de la commune de Santchou, Emedec Charles, maire de la commune de Bakou, et Barthélemy Njimngou, maire de la commune de Bandja, se sont, eux-aussi, heurtés à des résistances au moment où ils voulaient rejoindre le palais présidentiel pour suivre la messe dite en hommage à leur homologue. Mandatée par Pierre Kwemo, président national de l’Union des mouvements socialistes (Ums) et maire de la commune de Bafang, Anne Njonkam, 1er adjoint au maire de cette commune, a été déclarée persona non grata à l’entrée du palais présidentiel de Mvomeka’a. L’écharpe tricolore vert-rouge-jaune ou divers macarons abhorrés par ces élus locaux de la région de l’Ouest n’ont pas fait fléchir les éléments du protocole ou de la sécurité présidentielle. « Cette attitude des éléments de la sécurité traditionnelle à l’endroit des chefs traditionnelles et des maires de l’Ouest sonne comme un acte de mépris savamment orchestré pour nous frustrer une fois de plus», dénonce, sous anonymat, l’un des dignitaires refoulés.
Cette autorité est autant choquée qu’elle fait savoir que ces actes résultent d’un scenario mis en place pour « banaliser et chosifier les maires et chefs traditionnels de la région de l’Ouest ». «Dans un premier temps, on nous a parqués auprès d’un débit de boisson dénommé sous-sol Bar. On y était avec des pasteurs de l’église Presbytérienne du Cameroun. Des ministres à l’instar de René Sadi sont arrivés bien après et ont eu accès dans la salle», se plaint notre source. Faut-il néanmoins souligner que des maires de la région de l’Ouest, à l’instar de Nkenfack, maire de Fongo-Tongo, ont suivi la messe à l’intérieur du palais présidentiel. Pour les autres infortunés, ils doivent comprendre qu’aucun retardataire n’a accès au site des manifestations. « Les chefs traditionnels de la région de l’Ouest doivent comprendre que leur pouvoir doit connaître des limites face aux exigences du protocole présidentiel », conseille une source proche du protocole d’Etat.

Par © Guy Modeste DZUDIE, Ludovic Amara | Le Messager