Côte d’Ivoire: A 4 mois des élections, la CNC désormais sans pitié pour Ouattara, exige le respect strict de la Constitution. Les carottes sont-elles cuites pour le dictateur d’Abidjan, inéligible à l'élection présidentielle?

Par IvoireBusiness - A 4 mois des élections présidentielles, la CNC sans pitié pour Ouattara. Elle exige le respect strict de la Constitution, la dissolution de la CEI, et appelle le peuple dans la rue.

Signature de la charte de la CNC le vendredi 15 mai 2015 à Abidjan.

A 4 mois des élections présidentielles, la Coalition Nationale pour le Changement (CNC) est désormais sans pitié pour Ouattara et est décidée à ne plus faire de cadeau à la dictature. Au cours d’une conférence de presse samedi dernier à Abidjan, elle a exigé le respect strict de la Constitution, notamment de son article 35, la dissolution de la Commission Electorale Indépendante (CEI), qui selon elle se prépare à des fraudes massives aux prochaines élections, et a appelé le peuple dans la rue pour de grandes mobilisations.
Selon Laurent Akoun, porte-parole de la CNC du jour, "la CEI, dans sa forme actuelle, est inacceptable car entachée d’une partialité criarde, qui porte en elle les germes d’élections truquées à l’avance. Cette commission ne nous inspire aucune confiance". Les carottes sont-elles cuites pour le dictateur d’Abidjan, inéligible à l'élection présidentielle?

Nous vous livrons l’intégralité de la déclaration de Laurent Akoun, porte-parole du CNC, lors de cette conférence de presse.
Serge Touré

Conférence de presse de la CNC le samedi 13 juin 2015 à Abidjan.
Déclaration liminaire de la CNC lue par Laurent Akoun
Mesdames et messieurs de la presse et des média nationaux et internationaux. Au nom de la Coalition Nationale pour le Changement, la CNC, nous voudrions vous remercier d’avoir répondu à notre invitation à cette rencontre d’échanges.
Notre propos liminaire s’articulera autour des points suivants :
- Rappel historique sur la CNC
- La position de la CNC sur les enjeux politiques et sociaux
- Les actions à court et moyen terme
- L’appel à la mobilisation
1- Le rappel historique
Comme vous le savez, la Coalition Nationale pour le Changement (CNC) qui a été portée à la connaissance de l’opinion nationale et internationale le 15 mai dernier à l’hôtel Belle Côte, par la signature d’une charte, a été crée dans un contexte particulier et pour des objectifs clairement affichés dans le préambule.
Au regard des effets néfastes de la crise postélectorale, qui perdurent aujourd’hui encore et que sont la fracture sociale, l’application d’une justice des vainqueurs et le transfèrement des hommes politiques ivoiriens dans une juridiction judiciaire internationale, les parties signataire de la charte se sont assigné les missions suivantes :
- œuvrer ensemble afin de renforcer et de consolider la paix, l’unité, la solidarité et la réconciliation nationale ;
- consolider la démocratie et l’état de droit en Côte d’Ivoire ;
- mutualiser les intelligences et les énergies pour conquérir démocratiquement le pouvoir d’Etat et l’exercer pour le bien être des populations ivoiriennes.
Pour atteindre ces objectifs, les parties signataires se sont accordées sur dix (10) protocoles qui, tous, visent un seul et unique objectif : créer les conditions d’élections justes et transparentes, dans le souci d’éviter à notre pays, une autre crise postélectorale qui pourrait être encore plus dévastatrice que celle de 2011 et qui pourrait en conséquence hypothéquer gravement l’avenir de notre nation.
Ces protocoles portent sur des thèmes qui constituent autant de préoccupations et de revendications politiques pour la CNC. Ce sont:
- une vraie réconciliation nationale
- la refonte de la commission électorale
- l’identification et l’enrôlement des électeurs
- le listing électoral
- le code électoral
- le financement public des partis politiques et des candidats indépendants ;
- le respect de la constitution ;
- la sécurité des électeurs et des candidats ;
- L’accès aux médiats de l’état ;
- la réalisation effective des élections présidentielles
2- La position de la CNC sur les enjeux politiques et sociaux actuels
La CNC observe que ces derniers temps le gouvernement, faisant la sourde oreille aux appels de l’opposition pour de vraies discussions politiques en vue de réunir des conditions consensuelles d’élections justes et transparentes, se livre à une campagne médiatique intense sur l’identification et l’enrôlement des électeurs. Par cette manœuvre, le gouvernement s’emploie à faire croire que tout va bien en Côte d’Ivoire et que le processus électoral se déroule normalement.
Or, quiconque veut se donner la peine d’ouvrir les yeux et d’observer la situation en Côte d’Ivoire percevra sans grande peine l’inquiétude qui s’empare des populations au fur et à mesure que nous nous approchons de la date des élections.
La fébrilité qui s’est emparé du pouvoir et la violence gratuite et impunie de ses partisans sont loin de rassurer et montrent à souhait que les conditions de préparation et d’organisation de l’élection présidentielle d’octobre prochain font peser de graves menaces sur la paix sociale en Côte d’Ivoire
Dans le souci de lever cette hypothèque la CNC tient à réaffirmer ses exigences relativement aux conditions d’élections transparentes. Celles-ci passent par des discussions franches pour un consensus minimum sur les sujets ci-après soulevés.
a) Sur la réconciliation nationale
Pour une vraie réconciliation nationale, préalable à des élections apaisées et sans lendemains chaotiques, la CNC invite instamment le pouvoir de M. Ouattara à
- créer les conditions susceptibles de permettre aux populations de transcender les clivages politiques, sociaux, religieux, ethniques et régionaux nés de la longue crise que vit la Côte d’Ivoire et particulièrement exacerbés par la crise post électorale ;
- publier impérativement le rapport final de la CDVR et le contenu des auditions des victimes afin de rétablir la vérité historique des faits pour la justice et la paix des coeurs ;
- libérer tous les prisonniers politiques, principalement, le Président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé et à garantir le retour sécurisé de tous les exilés politiques en côte d’Ivoire.
b) Sur la refonte de la commission électorale indépendante (CEI)
Pour la CNC, la CEI, dans sa forme actuelle, est inacceptable car entachée d’une partialité criarde, qui porte en elle les germes d’élections truquées à l’avance. Cette commission ne nous inspire aucune confiance. En conséquence, la CNC exige sa dissolution et la création d’une véritable commission électorale indépendante respectant l’esprit et la lettre de l’article 32 de la constitution ;
La CNC propose une commission électorale composée de membres permanents choisis parmi les personnalités crédibles, libres de toute appartenance politique.
c) Sur l’identification et l’enrôlement des électeurs
La CNC observe que le processus d’enrôlement actuellement en cours est biaisé à la base et frappé de suspicion légitime dans le mesure où le mode opératoire a été conçu et mis en œuvre de façon unilatérale par le pouvoir en place, là où un consensus est nécessaire.
En conséquence, la CNC considère qu’un mode opératoire consensuel doit être mis en place; que le recensement électoral doit être fait par l’INS; que l’opposition doit être formellement impliquée dans le processus et que l’identification et l’enrôlement des électeurs doivent gratuits. En effet, les coûts actuels d’établissement de la carte d’identité sont hors de portée de la grande majorité des populations qui croulent sous le poids de la pauvreté. Et lorsqu’il est fait état de centaines de milliers de cartes d’identité frauduleuses saisies au hasard d’un contrôle routier nous sommes en droit de nous interroger sur l’étendue de la fraude, car il s’agit ici des cas que l’on a pu découvrir.
d) Sur le listing électoral
La CNC considère que la liste électorale doit être établie conformément au code électoral et aux dispositions constitutionnelles pour tenir compte des mutations intervenues dans le corps électoral.
Pour éviter toutes formes de fraudes, la CNC exige que les électeurs exercent leur droit de vote au lieu d’identification ou d’enrôlement.
e) Sur le code électoral
La CNC rejette le code électoral actuel qui, en certaines de ses dispositions, constitue une porte ouverte à la fraude.
La CNC exige sa modification afin de rendre tous ses pouvoirs réglementaires à la commission chargée des élections pour garantir son indépendance fonctionnelle, organique, organisationnelle et financière.
f) Sur le financement des partis politiques
La CNC exige la stricte application de la loi sur le financement des partis politiques, sur des bases équitables et transparentes.
g) Sur le respect de la constitution
La CNC a décidé de s’opposer énergiquement à toute révision de l’article 35 de la constitution.
h) Sur la sécurité des électeurs et des candidats
La CNC rappelle que le système de sécurité actuel repose principalement sur les forces de défenses claniques, en armes dans les casernes et dans les centres urbains et ruraux. Elle rappelle également que des zones entières restent encore sous le contrôle de dozos et autres com’zones devenus préfets de régions.
La CNC décide par conséquent d’exiger le désarment effectif des toutes les forces paramilitaires et la refonte de notre système de sécurité et de l’armée.
La CNC interpelle la communauté internationale sur la nécessité de réunir les conditions sécuritaire adéquates pour des élections justes et transparentes en Côte d’Ivoire et appelle à la sécurisation des électeurs et des candidats par les forces onusiennes.
i) Sur le développement récent de l’actualité nationale : les marches éclatées du 9 juin.
Le mardi 9 juin dernier, des marches éclatées ont été organisées par des jeunes pour protester contre l’arbitraire et la dictature rampante, exiger la libération des prisonniers politiques et des conditions d’élections justes et transparentes.
La CNC salue ces initiatives et apporte son soutien à la jeunesse qui a décidé de se battre par des moyens démocratiques contre l’arbitraire et les dérives dictatoriales en Côte d’Ivoire
Comme nous le savons tous, la répression brutale de ces manifestations démocratiques par le pouvoir s’est soldée par 4 morts et plus d’une dizaine de blessés. Selon les informations recueillies sur le terrain et d’après le communiqué du conseil des ministres, un manifestant a été sauvagement assassiné par des contre manifestants à coups de gourdins et de machettes. Trois nourrissons sont morts à Gagnoa, asphyxiés par la fumée des gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre contre les manifestants.
Il s’agit là de faits très graves portant atteinte à la vie humaine et au respect des droits et libertés démocratiques.
La CNC présente ses condoléances aux familles des victimes et exprime toute sa compassion aux blessés.
La CNC dénonce et condamne la répression sauvage de ces manifestations démocratiques et pacifiques.
La CNC dénonce l’attitude du gouvernement qui, d’un côté, s’évertue à expliquer, voire à justifier l’assassinat du jeune DIE Raphael à Guiglo, pourtant battu à mort, à coups de gourdins et de machettes, par des personnes se réclamant du RDR, sous les yeux des forces de l’ordre, et qui, de l’autre côté, pourchasse et arrête des personnes qui n’ont fait que manifester pacifiquement.
La CNC exige que les manifestants injustement arrêtés soient immédiatement libérés et que des enquêtes diligentes fassent la lumière sur l’assassinat de DIE Raphael à Guiglo et la mort des trois bébés Gagnoa.
3- Les actions à court et moyen termes
Un mois après sa sortie officielle par la signature de la Charte la CNC entame véritablement son programme d’actions destinées à donner notre position sur les différents points touchant aux élections à venir en Côte d’Ivoire, notamment l’élection présidentielle de 2015.
Nous avons programmé les rassemblements suivants :
- 20 juin 2015 : meeting à Yopougon FICGAYO
- 27 juin 2015: meeting à Koumassi, place Inch’Allah
- 8 juillet 2015: meeting à la Place de la République, Plateau
Ces rassemblements auront bel et bien lieu.
4- L’appel à la mobilisation
La CNC appelle le peuple de Côte d’Ivoire à se mobiliser pour prendre son destin en mains. Nous avons avons un devoir auquel nous ne pouvons nous dérober : celui de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour amener le régime actuel à s’asseoir autour d’une table avec l’opposition, en vue de discuter, en toute sérenité et en toute responsabilité, des conditions d’élections justes, équitables, transparentes et qui ne seront pas suivies d’une autre crise post électorale.
Nous voudrions clore notre en indiquant que la CNC est parfaitement consciente de l’espoir, de l’espérance qu’elle représente pour les populations.
Nous ne faillirons pas.
Je vous remercie

Laurent Akoun,
Membre de la Conférence des présidents de la CNC