Burkina: le lieutenant-colonel Zida nommé Premier ministre de la transition

Par AFP - Burkin. Le lieutenant-colonel Zida nommé Premier ministre de la transition.

Mardi 18 novembre 2014. Ouagadougou. Le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, chef de l`Etat de la transition, élevé au rang de dignité de Grand-croix de l’Ordre national du Burkina.

Ouagadougou - La transition civile à peine entamée au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir fin octobre à la chute de Blaise Compaoré, a été nommé mercredi nouveau Premier ministre, signe que l’armée entend conserver toute son influence dans le jeu politique.

Le président de la transition Michel Kafando "décide que (...) M. Yacouba Isaac Zida est nommé Premier ministre", selon un décret officiel lu à la presse. Les deux hommes s’entretenaient en fin de matinée au palais présidentiel à Ouagadougou, a constaté l’AFP.

Déjà annoncée par plusieurs de ses proches, la nomination du lieutenant-colonel Zida ne faisait quasiment plus aucun doute. Le président intérimaire Michel Kafando lui-même, dans un entretien à Radio France internationale (RFI) avait laissé entendre qu’il était prêt à ce que l’officier, inconnu il y a encore trois semaines, "puisse jouer un rôle
essentiel dans la stabilisation" du pays, insistant sur "la place" nécessaire
de l’armée dans la transition, au vu du rôle qu’elle a joué ces dernières
semaines.

La désignation du lieutenant-colonel Zida comme chef du nouveau gouvernement semble contraire aux voeux affichés de la communauté internationale, qui souhaitait une transition strictement civile après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue le 31 octobre après 27 ans de règne.

Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, avait alors soufflé le pouvoir au chef d’état-major des armées, qui s’était pourtant officiellement déclaré. "Il a fait un vrai coup d’Etat militaire", remarquait un diplomate.

Au terme d’intenses négociations impliquant l’armée, les partis politiques
et la société civile, une charte de transition avait été adoptée en fin de
semaine et un nouveau président intérimaire désigné, Michel Kafando, chargé
d’organiser des élections générales d’ici novembre 2015.
La désignation de Kafando, un diplomate expérimenté au profil de
technocrate -soutenu par ailleurs par l’armée- avait été saluée par la
majorité des Burkinabè.

- La révolution ’confisquée’? -

Selon un proche d’Isaac Zida, armée et civils sont parvenus à un "accord"
dès mardi sur le partage du pouvoir: le poste de Premier ministre pour M.
Zida, celui de président du parlement de transition à un civil.
"Il n’y a pas de problème que Zida soit à la Primature" sachant que la
constitution intérimaire "n’interdit pas que le Premier ministre soit un
militaire ou un civil", a commenté Ablassé Ouédrago, l’un des ténors de
l’opposition.

"Zida est un Burkinabè comme tout le monde. Si le président pense que c’est
l’homme qu’il faut, moi je n’ai pas de difficulté", a-t-il observé.
Seul Etienne Traoré, un autre leader de l’opposition, disait constater une
"récupération du soulèvement populaire".

La jeunesse, qui a porté la contestation et semble particulièrement hostile
à un pouvoir militaire qui serait "une trahison de la révolution", pourrait
cependant réagir avec virulence, avec une possible reprise de la contestation
dans la rue.

"Il ne reste plus que Kafando nomme un élément de la garde présidentielle
comme Premier ministre pour couronner cette mascarade", lançait l’un d’eux
Philippe Edouard Kaboré, 26 ans, applaudi par un groupe d’étudiants, poing
dressé.

Dans les faits, le lieutenant-colonel Isaac Zida, a déjà pris la main dans
des domaines publics importants. Les patrons de la Société nationale burkinabè
des hydrocarbures (Sonabhy) et d’électricité (Sonabel), proches du clan
Compaoré, ont été limogés "pour sabotage".

Ces mesures s’ajoutent à la suspension des conseils municipaux et
régionaux, dans lesquels les pro-Compaoré étaient fortement majoritaires.
Mais le Burkina Faso reste un pays pauvre, aux faibles ressources, qui ne
peut se passer de l’aide extérieure. La réaction de la communauté
internationale -qui avait fortement contribué à un rapide retour à la
transition civile- à la nomination de Zida, sera donc déterminante.

La formation du nouveau gouvernement est prévue pour jeudi. La place qui occuperont les militaires --Zida va-t-il notamment y cumuler les fonctions de ministère de la Défense-- devrait dessiner les contours de cette transition civile mais déjà fortement préemptée par l’armée.

bur-jf/jpc/hba