Bruno Jaffré (biographe de Sankara) : «Compaoré doit être jugé pour la guerre en Côte d’Ivoire»

Par Le Nouveau Courrier - Bruno Jaffré (biographe de Sankara) «Compaoré doit être jugé pour la guerre en Côte d’Ivoire».

Bruno Jaffré (biographe de Sankara).

Au cours d’un débat qui a eu lieu lundi soir sur France 24 à propos de la situation au Burkina, Bruno Jaffré, biographe de Thomas Sankara, a indiqué que Blaise Compaoré, le président chassé du pouvoir par la rue, doit être jugé pour ses nombreux crimes dont ceux dans lesquels il est impliqué en Côte d’Ivoire.
Blaise Compaoré, logé paisiblement
dans la capitale politique de la Côte d’Ivoire,
Yamoussoukro, où il a trouvé refuge depuis vendredi dernier avec ses
proches au frais du contribuable ivoirien peut-il échapper à la justice? Pour Bruno Jaffré, biographe de Thomas Sankara, le président déchu du Burkina-Faso à la suite de la révolte populaire doit répondre devant la justice des crimes
économiques et de guerre aussi bien au Burkina-Faso que dans les
pays voisins comme la Côte d’Ivoire. C’est un secret de polichinelle,
Compaoré s’est particulièrement impliqué dans la déstabilisation
de la Côte d’Ivoire sous la présidence de Laurent Gbagbo en servant
de la base-arrière et en prêtant un soutien logistique conséquent
à la rébellion qui a endeuillé le pays à partir du 19 septembre
2002. Son soutien au camp Ouattara s’est d’ailleurs poursuivi
pendant la crise postélectorale de 2010-2011 pour évincer Gbagbo.
Pour Bruno Jaffré, le tombeur de Thomas Sankara doit répondre de
ces faits nébuleux qui ont jalonné ses 27 années de règne sans partage. «Ça [le meurtre de Thomas Sankara] c’est la première chose
qu’il faut é l u c i d e r .
Mais il doit passer en justice pour les meurtres qu’il y a eu dans son
pays, pour tous les crimes économi q u e s qu’il y a eu dans son pays, et doit être jugé par une instance internationale à déterminer pour les guerres qui se sont
d é r o u l é e s en Sierra-Leone, au Liberia, en Côte d’Ivoire.
Au procès de Charles Taylor, Blaise Compaoré a été cité comme un
complice de Charles Taylor, il n’a jamais été convoqué par la justice», réclame-t-il.
Il a également dénoncé le rôle de la
France, notamment avec l’activisme de son ambassadeur au pays
des hommes intègres, au moment des discussions entre l’Armée et
l’opposition pour trouver la personne qui allait assurer la transition.
«L’ambassadeur de France est très actif dans ces discussions.
Qu’est-ce qu’il a à y faire là-dedans?», interroge-t-il. D’ailleurs, le
président Français François Hollande a officiellement admis lundi que son pays a contribué à l’exfiltration de Blaise Compaoré vers Côte d’Ivoire.
Le départ de Compaoré sonne-t-il la fin de la Françafrique ?
Lors de ce débat, le biographe de Sankara a réussi à faire sortir de
ses gonds le sulfureux avocat Robert Bourgi, plus connu dans les
milieux de la Françafrique. Quand Bruno Jaffré le qualifie d’être le
«porteur de valise» de l’argent que Blaise Compaoré a «volé à son peuple
», piqué au vif, Robert Bourgi, s’emporte et menace de quitter le
plateau : «Vous me laissez parler sinon je m’en vais».
Après sa chute, l’ancien président burkinabè se rend compte que ses
soutiens dévoilent progressivement quelques secrets comme par exemple
la lettre que lui a envoyée François Hollande début octobre
pour le dissuader de modifier la constitution. Cette lettre aurait-elle
été divulguée si Compaoré avait réussi à prendre le dessus sur
le peuple ? Manifestement non. Aujourd’hui, plus que jamais en
mauvaise posture, tous les coups sont permis. Et Robert Bourgi ne
s’en prive pas et jure avoir dit à son ami Compaoré de ne pas s’accrocher au pouvoir en tentant de modifier l’article 37 de la loi fondamentale de son pays. «Il n’a pas voulu
écouter. Il s’en est allé et je ne pense pas qu’il reviendra», déclare,
sentencieux, celui qui se présente lui-même comme «un acteur et un
témoin de la Françafrique dans tous ses visages».
Bourgi, qui souhaite vivre encore assez longtemps pour pouvoir «corriger
» toutes les «erreurs» du passé, fait son mea-culpa sur les
côtés «obscurs» de la Françafrique : «On a fait des choses qui sont
inacceptables aujourd’hui : soutenir des présidents qui n’avaient pas
l’assentiment de leurs peuples, oui.
Le président Compaoré est parti, que cela serve d’exemple à
l’Afrique d’aujourd’hui et de demain».
La chute de Compaoré annonce-telle la fin de la Françafrique ?
Bourgi semble en tout cas avoir trouvé le successeur de l’ancien
président burkinabè pour perpétuer ce système sulfureux. «Il y a
aujourd’hui un homme vers lequel il faudrait se tourner, un seul, qui est
à mon sens (…) c’est Alassane Ouattara. Alassane Ouattara,
aujourd’hui, c’est le sage qu’il y a en Afrique de l’ouest», propose déjà
l’ouvrier fidèle de la Françafrique, pince-sans-rire. Bruno Jaffré
estime pour sa part que la Françafrique "n’est pas finie".

Par Benjamin Silué