Assassinat du chef des microbes Zahma - Touré Almamy : « De grosses têtes qui ont combattu au niveau de la rébellion, sont derrière ces microbes »

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Assassinat du chef des microbes Zahma - Touré Almamy « De grosses têtes qui ont combattu au niveau de la rébellion, sont derrière ces microbes ».

Touré Almamy « De grosses têtes qui ont combattu au niveau de la rébellion, sont derrière ces microbes ».

A lire, ou relire... Le constat est assez terrifiant. Rien n'a changé, si ce n'est en pire.
On comprend davantage le caractère violent du sort réservé hier, à Zahma, un chef de gang des Microbes, implanté à Broakoté (ou quartier Abrass), commune d'Adjamé, la ville administrée par Sylla Mamadou, maire rdr, proche de Ouattara.
Arrêté, frappé, il a été achevé à la machette, sa tête coupée, son corps brûlé en pleine rue, après avoir été découpé en morceaux. Acte barbare, mais vengeance compréhensible d'une population qui subit depuis 2011 ce phénomène qui prend de l'ampleur, d'enfants et de jeunes adultes qui rackettent pour le compte de rebelles qui n'ont pas touché leur prime promise par Ouattara, et de militaires qui continuent à toucher des dividendes de ce chancre mafieux qui s'est installé dans certains quartiers d'Abidjan.
Je m'insurgeais hier contre ces policiers qui avaient arrêté cet homme et l'avaient pour ainsi dire, livré à la vindicte populaire. Mais en relisant les propos de l'imam Touré Almany, c'est toute une police, montée en grade pour bons et loyaux services en mars avril 2011, qui couvre et gère cette détrousse systématique des populations, au vu et su d'une autre police, elle, non rattrapée et restée digne. Cette dernière ne pouvant qu'assister impuissante à ces situations criantes d'injustice, et pour éviter une Nième libération de ce caïd, a probablement choisi de le livrer à la foule déchaînée.

"Dès maintenant, il faut régler les problèmes sinon en 2015, tout cela va ressurgir", concluait l'imam en août 2014, date de l'interview.
Aujourd'hui nous sommes à quelques mois des élections, Ouattara vient de rencontrer les patrons du Médef, il se veut rassurant : il n'y a aucun problème, tout baigne, on fait même ami-ami avec le FPI d'Affi qui est sous contrôle. Mais derrière ce beau discours d'un chef qui assure et maitrise la situation, nous comprenons bien que les élections sécurisées dans un climat serein et apaisé, c'est pour les besoins de la Com; la réalité sur le terrain est toute autre, l'anarchie et la violence risquent de durer, bien au delà de la date de ces fameuses élections "peace and love" tant annoncées...dans une autre interview, le même imam Almamy révélait que ces microbes seraient dirigés par des chefs de guerre descendus de Bouaké. On comprend aisément que si l'arrestation des chefs de guerre et leur envoi à la CPI n'est pas à l'ordre du jour, la démilitarisation des anciens FRCI, rebelles et associés n'est pas pour demain; et l'espoir d'une police et armée intègres non plus. Bref, un pays à l'image de son élite mafieuse qui est prête à tout pour ne pas céder la place.
Mais tout de même, si j'étais Ouattara, ses proches et ses rattrapés, je tremblerais à l'idée de connaitre le même sort, lorsque tout un peuple en colère se déchaînera contre les racketteurs de la république!

Une contribution de Shlomit

Microbes/ Touré Almamy : « Le chef des microbes de Boribana dormait à la Marine » : « De grosses têtes qui ont combattu au niveau de la rébellion, sont derrière ces microbes »

« Les "syndicats" d’Abobo ont leurs enfants parmi les microbes »
par Abraham KOUASSI | Soir Info, publié le 5/8/2014

Imam de la Mosquée Ifpg au Plateau et président de l’Ong Nouvelle Vision contre la pauvreté, Diaby Almamy, mène plusieurs actions dans le cadre de la réinsertion des ex-combattants. Nous l’avons rencontré le samedi 2 août 2014 au Plateau. A cette occasion, le guide religieux qui est également un collaborateur de l’Onuci, s’est prononcé sur le phénomène des ‘’microbes’’, ces enfants qui agressent à main armée dans des communes d’Abidjan.

Il est de plus en plus question à Abidjan du phénomène des ''Microbes''. Qui sont-ils exactement ?
Diaby Almamy : - Il faut le dire. C’est une affaire qui concerne trois types d’enfants. Il y a celui des ex-combattants, celui des enfants qui ont servi d’indicateurs pendant la crise et ceux qui ont intégré ces groupes juste par suivisme. Mais, le fond du problème est purement politique. Le politique a utilisé ces enfants pendant les heures chaudes où il fallait trouver le moyen de faire partir le président Laurent Gbagbo. Et, une partie de ces enfants brûlaient les pneus, participaient aux opérations ville morte. Ils paralysaient tout le système dans les communes d’Adjamé, d’Abobo et d'Attécoubé. Aujourd’hui, ils ont vu que la situation s’est normalisée. Et, ceux qui les mettaient dans la rue sont aujourd’hui à l’aise pendant qu’eux souffrent. C’est l’une des parties du problème. Il y a aussi le cas des ex-combattants. Des enfants se sont battus avec eux pendant la crise. Ils avaient entre 18 et 25 ans. Et maintenant qu’on doit s’occuper d’eux, on leur dit qu’ils ne savent ni lire, ni écrire. Ils ont donc décidé de constituer un bloc à Attécoubé.

Quand ces enfants attaquent des personnes, que font-ils des biens volés ?
- Ils ont des ex-combattants derrière eux, à qui, ils reversent tout cela, une sorte de commandement.

Qui sont ces personnes, ces ex-combattants ?
- A Attécoubé, ce sont les éléments de la Marine. Il y avait deux groupes. Un qui acceptait de travailler pour eux quand un autre groupe refusait. Ce qui faisait que lorsque les deux groupes s’affrontaient, au lieu de les séparer, ils choisissaient de tirer sur ceux qui ne travaillent pas pour eux. Attécoubé était devenue infréquentable. Je suis allé voir la commissaire (de police) pour lui demander les raisons de cette situation. Elle m’a fait savoir que quand on arrête ces enfants, des hommes en armes, en treillis, viennent les libérer sous prétexte que ces enfants ont combattu avec eux. Je suis allé à la Marine pour discuter avec le commandant. Il m’a dit que ce ne sont pas eux les responsables. Mais, après nos investigations, nous avons compris que ce sont ses éléments qui le faisaient. Pour aller plus loin, je vous informe que le chef des microbes de Boribana dormait à la Marine.

Ce chef-microbe est-il un soldat ?
- Non, c’est un civil. Et, il dormait à la Marine au vu et au su de tous. Quand les gens de la Cie (Compagnie ivoirienne d'électricité, Ndlr) sont venus à Boribana pour couper le courant parallèle, ces enfants ont coupé le bras d’un élément Frci du ‘’commandant Barbu’’. Cela n’a pas été sanctionné. On constate que ces enfants font ce qu’ils veulent et personne n’en parle. Nous avons organisé une grande cérémonie pour proposer des solutions à ce problème. Ces enfants nous disaient tout. Après les échanges avec les enfants, nous avons compris que le problème à Attécoubé vient de la Marine. Celui d’Abobo vient des anciens ‘’syndicats’’ qui ont leur enfants parmi ces microbes.

Concernant ces éléments des ‘’syndicats’’, à quel niveau sont-ils impliqués dans cette affaire ?
- Il y a 4 enfants que nous sommes allés trouver à la Maca (Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan). On leur a demandé pourquoi ils se sont retrouvés en prison. C’étaient des enfants de 15 à 17 ans maximum. Ils nous ont expliqué qu’ils étaient dans les gares. Ils prenaient ce qu’ils devaient prendre pour le remettre aux chefs des syndicats. A un moment, ils se sont rendus compte que les chefs ne s’occupaient pas bien d’eux. Ils ont donc décidé d’arrêter. Quand ils ont arrêté, on les a envoyés de Cocody à Abobo. Après, ils se sont retrouvés à la Maca. Ces enfants n’y sont pour rien. C’est pour vous dire qu’il y a de grosses têtes qui ont combattu au niveau de la rébellion qui sont derrière ces enfants.

Des officiers supérieurs ?
- Oui. Des gens bien connus aujourd’hui, qui ont participé à la rébellion. Ce sont aujourd’hui des haut gradés. Cela nous choque vraiment de voir cela. Parce que cela n’aide pas le président (de la république) à sortir le pays du trou. Il fait tout ce qu’il peut. Mais, ces gens créent toujours un blocage. Ils allument le feu et viennent après jouer les pompiers. Il y a des enfants de ‘’syndicats’’ bien connus, qui sont des microbes. Donc, ils ne peuvent jamais contribuer à arrêter ce phénomène. Puisque, quand ces enfants prennent des portables, des bijoux de valeur, ils viennent les remettre à ces soi-disant chefs. Et quand après le partage ils ne sont pas contents, ils retournent encore sur le terrain. Mais, il y a un fait qu’il faut souligner. La plupart de ces enfants sont des ressortissants des pays voisins. Pour beaucoup, ils ne sont pas Ivoiriens. Il y a des Maliens, des Guinéens, des Burkinabés. Le chef d’Attécoubé par exemple est Burkinabé. Son second est Malien. Nous avions décidé de rentrer en contact avec les Ambassades de ces pays pour qu’ils puissent aussi faire la sensibilisation à leur niveau. Tous ceux-là sont soutenus par des chefs de guerre. Il ne faut surtout pas oublier ce côté.

Qu’est ce qui motive aujourd’hui ces officiers supérieurs qui vivent quand même dans de bonnes conditions à encadrer ces enfants ?
- Les syndicats par exemple sont soutenus par certains chefs de guerre parce que dans chaque gare, ils ont leur ration. De ce fait, ils ne veulent pas mettre fin à ce qu’on appelle le phénomène des Gnambros (membre de syndicats de transporteurs : Ndlr). Et, c’est le phénomène des Gnambros qui alimente celui des ''Microbes''. Puisque, la plupart de ces enfants sont les fils des syndicats. Il faut le dire. Aujourd’hui, je me retrouve souvent menacé par des syndicats, des Frci. J’ai été mandaté par l’Onuci (Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire : Ndlr) pour suivre le processus des ex-combattants. J’ai aidé plus de 300 à Abobo à avoir un emploi. Je sais donc de quoi je parle.

Ne craignez-vous pas pour votre vie à l'allure où vont les choses ?
- Pas du tout. Je suis guide religieux. Imam de la mosquée Ifpg au Plateau, qu’on appelle la mosquée Aemci. Je me dis que c’est une mission de Dieu. Ils peuvent me tuer s’ils le veulent. Mais, qu’ils sachent que tout ce qu’ils sèment, ils le récolteront un jour.

Pour revenir à la question de ces bandes, comment fonctionne une équipe de ''microbes'' ?
- Il y a ce qu’ils appellent ‘’Opération ville propre’’. Ils peuvent se mettre à près de cent. Ils occupent une voie. Et ce jour-là, tous ceux qu’ils rencontrent sur cette voie, sont dépouillés de tout. Il y a deux semaines à Attécoubé, il y a un microbe qui a foncé sur moi. Arrivé à mon niveau. Il a crié ‘’Eh vieux père, c’est toi’’ et il est parti. Il avait sa machette et son pistolet en main.

En plus des armes blanches, ils ont donc des armes à feu...
- Oui, ils ont des armes à feu. Vous savez, ces enfants n’ont plus peur de rien. J’étais à Agboville, il y a quelque temps. A 23 h, ''le commandant Barbu'' qui est à la Sodeci à Attécoubé, m’a appelé. Il m’a dit que ces enfants ont même cassé sa voiture à Boribana. J’ai dit au commandant que ''ceux qui te créent des problèmes sont au sein de ton groupe''. Ce qui se passe actuellement risque de ternir fortement l’image du président Ouattara. C’est pour cela que nous avons décidé de dire la vérité aux Ivoiriens.

Quelle est cette vérité ?
- La vérité est que pour finir avec les ''Microbes'', il faut régler le problème des ex-combattants. Il y en a qui ont combattu et qui n’ont pas été pris en compte pendant que des autorités allaient chercher leurs frères au village pour les intégrer dans l’armée. C’est cette injustice qui amplifie le problème des ''Microbes''. Je travaille souvent avec l’Addr (Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion). Je suis en contact permanent avec eux. Quand je les entends dire que le problème des ex-combattants a été réglé à 90%, je m’inscris en faux. Rien n’a été atteint. Si le problème des ex-combattants est réglé, celui des ''Microbes'' sera aussi réglé. Les seuls qui peuvent maitriser ces enfants, sont les ex-combattants.

Il y a eu récemment plusieurs morts et des arrestations au sein des '' Microbes''. Cela peut-il être une solution ?
- Je confirme qu’il y a eu beaucoup de morts. Mais, tuer n’est pas la solution. Ces enfants n’ont plus peur de quoi que ce soit. Vous savez, pendant la crise post-électorale, ils ont eu des fétiches pour se protéger. C’est quelque chose qui se renforce. Et quand ça arrive, on n’a plus peur de rien. Le Ccdo (Centre de coordination des décisions opérationnelles) peut en témoigner. Ils ont tiré sur des enfants de 14 à 15 ans sans pouvoir les atteindre. Il faut aller par la sensibilisation. Tuer n’est pas la solution. Nous avons engagé la sensibilisation auprès de ces enfants sans soutien des autorités. La seule personne qui nous a appuyés, je peux le dire, haut et fort, c’est maitre Koita Lamine, responsable des affaires juridiques au District d’Abidjan. Il nous a beaucoup soutenus.

Comment sont recrutés ces enfants et quel âge ont-ils à peu près ?
- Les microbes les plus dangereux sont ceux qui ont entre 7 et 10 ans. Ils tuent très violemment. Ils prennent la drogue, des comprimés. Ils ne sont pas recrutés. Ce sont les enfants qui sont dans un quartier, et quand ils voient leurs grands frères sortir en masse pour aller agresser, ils les suivent. En général, ils sont âgés de 7 à 18 ans. Mais, tout est coordonné par des chefs qui sont à Attécoubé, Abobo et Adjamé. Ce sont ces trois communes qui font ces phénomènes.

Ces groupes dans ces différentes communes collaborent-ils ?
- Oui. Parce que, quand ceux d’Attécoubé sont traqués, ils vont se réfugier à Abobo et vice-versa. Mais, au niveau d’Adjamé, nous avons été interpellés par les jeunes de Bracodi. Après nos investigations, nous avons découvert que les responsables ''microbes'' d’Attécoubé viennent dormir chez les prostituées de Bracodi. C’est à partir de là qu’ils ont monté le groupe d’Adjamé. Quand ils m’ont saisi, je suis allé plusieurs fois à la Police mais, on m’a envoyé balader. Les prostituées de Bracodi versent de l’argent à la police et à la gendarmerie. Donc, quand un problème concernant ces dames, arrive, il est banalisé. Les microbes dorment chez ces femmes.

Ces femmes aident-elles sciemment ces enfants ?
- Nous sommes même allés discuter avec elles. Elles nous ont expliqué qu’elles ne peuvent pas quitter les lieux. Elles ont demandé qu’on leur accorde deux ans avant qu’elles ne quittent les lieux. Pendant ce temps, les populations sont toujours terrorisées. Ils sont là-bas, ils paient pour dormir, et pendant ce temps, ils préparent leurs stratégies d’attaque.

En ce qui concerne Adjamé, les autorités ont indiqué avoir arrêté des chefs. Cela n'est-il pas suffisant selon vous à casser ce groupe ?
- On nous a annoncé que le chef de Bracodi a été arrêté. Ce ne sont pas des annonces dont on a besoin, mais des actions concrètes. Si le chef a été arrêté, alors, il faut libérer une fois pour toute la population de Bracodi. Si l’armée n’arrive pas à sécuriser la population, alors, où allons-nous ? Les maires d’Abobo, d’Adjamé, d’Attécoubé, ne font rien face à ce phénomène. On nous dit qu’ils viennent souvent pour des sensibilisations. Ont-ils cherché à comprendre qui les pousse, qui les finance, qui est derrière eux (les microbes, Ndlr) ? Il y a des zones dans ces communes où les populations ne sont plus libres. Nos mamans ne peuvent plus aller au marché à 4 h. Elles sont obligées d’y aller à 6 h au risque d’être victimes de ces enfants. Il faut que les autorités libèrent la population de Bracodi en réglant le problème de ces prostituées qui offrent à ces enfants un point de refuge.

Qu’attendez-vous des autorités ?
- Il faut qu’elles soient à l’écoute des populations. Depuis la fin de la crise, les portes nous sont fermées. A l’époque du Golf (hôtel), c’est moi que l'ex-ministre Guikahué appelait pour avoir des informations sur les morts et les blessés. Je transportais des blessés par balles à l’Onuci. Nous n’attendons rien des autorités. Mais, il faut qu’elles respectent ce qu’on a fait. Toutes les portes sont fermées parce que les gens ont obtenu ce qu’ils voulaient, et se foutent du reste. L’histoire est un témoignage. Aujourd’hui, nous demandons au président de la République de revoir au niveau de ses ministres. Même pour les témoignages à la Cpi dans le cas du procès de l'ex-président Gbagbo, on prend des proches, les amis. Ceux qui ont risqué leur vie, sont ignorés. Dès maintenant, il faut régler les problèmes sinon en 2015, tout cela va ressurgir. Il vaut mieux prévenir que guérir.

Réalisée par Abraham KOUASSI
Linfodrome