Afrique - Lutte contre l'excision: Un devoir humanitaire

Par Correspondance particulière - Lutte contre l'excision en Afrique. Un devoir humanitaire.

Image d'illustration.

L’excision est un crime que nous devons tous combattre. Car ici, il est question d’un crime commis par certaines communautés africaines qui n’ont pas d’arguments solides pour défendre cette pratique qui est simplement une mutilation. Nos recherches et enquêtes de plus de cinq années démontrent que toutes explications justifiant ce qui est décrié dans notre travail ne sont que de simples folies venant d’une certaine domination de l’homme sur la femme. Dans le souci d’informer davantage nos lecteurs, nous avons rencontré des femmes qui continuent de combattre l’excision.
L'excision consiste à une mutilation génitale féminine impliquant l'ablation du clitoris, parfois accompagnée de l'ablation des petites lèvres et des grandes lèvres. Elle consiste aussi à la fermeture totale du sexe féminin tout en laissant une infime place qui servira à faire passer l’urine.
L'infibulation qui consiste à coudre les grandes lèvres du vagin de la fille et à ne réserver qu'un petit orifice pour l'urine et les menstruations a pour objectif d'empêcher ou de diminuer les envies sexuelles.
Pour les conséquences, sans faire de commentaires regardons ensemble les photos qui suivent:
L’état ivoirien saisi par plusieurs ONG, des femmes victimes de l’excision, des politiques et d’autres personnes soucieuses du bien-être de la femme, a pris des mesures pour combattre le mal. Ainsi, l'excision est punie d’un emprisonnement allant de 01 à 05 ans par le code pénal ivoirien (art 1er de la loi spéciale n°98-757 du 23 décembre 1998 portant répression de formes de violences à l'égard des femmes). Ensuite, Art. 1er de la constitution continue: est qualifiée de mutilation génitale, l'atteinte à l'intégrité de l'organe de la femme, par ablation totale ou partielle, infibulation, insensibilisation ou par tout autre procédé.

L’Art. 2 continue: quiconque commet une mutilation génitale est puni d'un emprisonnement de 01 à 05 ans et une amende de 360.000 à 2.000.000F CFA. Pour toute personne faisant partie du corps médical ou paramédical est portée au double. La peine est d'un emprisonnement de cinq à vingt ans lorsque la victime en est décédée. Lorsque L’auteur appartient au corps médical ou paramédical, la juridiction de jugement peut en outre prononcer contre lui l'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée n'excédant pas cinq ans.
Continuons avec la Cote d’Ivoire ou un expert se penche très particulièrement sur l’excision chez le peuple DAN, dans l’ouest ivoirien, pour tenter de comprendre ce qui est désormais vu comme un crime contre la femme. Jean-Claude Oulai (in REVUE Asylon(s), N°1, octobre 2006, Les persécutions spécifiques aux femmes), soutient que «pour les DAN en général, l’excision est un phénomène culturel attaché à leur mode de vie. Elle fait partie intégrante de leur organisation sociale et constitue une donnée sociale de leur genre de vie collective propre au monde féminin de leur communauté … le BONH (excision) est une institution sacrée. Elle est rangée du côté des institutions religieuses féminines. De ce fait, elle est gérée par une gérontocratie féminine chargée de veiller à la sauvegarde des « intérêts » de l’institution ». Face à une telle intégration de l’excision dans la vie des peuples qui la pratiquent, nous imaginons le degré de difficulté qui se dresse contre toute personne ou toute organisation qui voudra combattre l’excision. D’ailleurs, nos propres enquêtes nous ont permis de comprendre que chez les peuples qui pratiquent l’excision, parler de son éradication est un tabou. Jean-Claude Oulai ajoute que « la pratique ‘excisionniste’ est vécue comme une donnée de l’éducation de la jeune fille DAN et fait partie des composantes de sa formation physiologique, psychologique et culturelle. A la limite s’y soustraire, serait préjudiciable à son éducation, celle-ci serait incomplète et la non-excisée serait marginalisée parce que ne répondant pas aux critères internes d’une initiation éducative complète ».
C’est face à tous les obstacles soulignés par l’expert ci-dessus cité que certaines femmes ont pris le taureau par les cornes pour sensibiliser les jeunes générations sur les conséquences négatives d’une pratique vieille de plusieurs millénaires. Nous les avons rencontrées pour nos lecteurs.
La première, une Malienne, a choisi d’utiliser son pseudonyme Mariam Black pour, nous dira-t-elle, « me soustraire des menaces quotidiennes qui vont jusqu'à la menace de mort ». Elle est entre la France et la Belgique. Bien qu’avare dans les propos, elle dira: « quand on te cisaille en bas, tu ne connais pas ce qu’on appelle l’excitation … surtout que je n’étais pas vierge lorsque mes parents m’avaient envoyée en vacances au Mali dont les merveilles m’ont été chantées…je connais donc la différence entre sensation que la femme non-excisée ressent et l’état comateux de la femme excisée qui joue du théâtre pour mettre son homme à l’aise». Suite à ce qui précède, nous avons poussé le pion pour lui demander comment elle vit sa vie conjugale. Sans détour, elle répondit en ces termes : «à quarante et un ans, je suis à la retraite. Je ne peux pas continuer de mentir à celui qui vit avec moi et surtout à moi-même ».
Quant à la Kenyane madame Lloyd qui combat l’excision depuis son temps à l’université, elle dira tout simplement : « c’est les parents qui n’aiment pas leurs enfants qui les conduisent à l’abattoir ».
Enfin, Philomène Tiehi qui a créé une organisation: DJEBAHADIA (langue Wê) qui signifie ‘aimons-nous les uns et les autres’. Dame Tiehi a combattu la tradition de ses ancêtres de l’ouest ivoirien. Elle a challengé, nous avons pris le temps de le vérifier, d’autres peuples hors de sa zone culturelle et linguistique. Aujourd’hui, elle est en fuite. Des personnes qu’elle avait poursuivies en justice à cause de la pratique de l’excision sont en liberté. Elle soutient, mordicus, que sa vie est très menacée. Nos contacts à Man et dans le Nord de la Côte d’Ivoire ont confirmé que Dame Tiehi a fait un bon travail en sauvant des générations de filles. Mais avec sa fuite, le système reprend. Elle avait eu, le soutien total du régime ancien, celui du président Laurent Gbagbo qui l’avait mise dans l’organisation des femmes pour recruter et sensibiliser les femmes pour le Front Populaire Ivoirien. A ce niveau, elle dit ne rien regretter parce que sa popularité et sa disposition à servir la cause de la femme lui a beaucoup donné moralement. Cependant, elle dit avoir tout perdu avec le nouveau pouvoir qui n’a pas protégé les acquis de son organisation. En plus, son époux a été assassiné et cela la torture chaque jour.
Enfin, il faut retenir qu’en dépit des dispositions et condamnations de l’excision par l’Assemblée Générale de l’ONU en décembre 2012 et les risques de santé à court et long termes soulignés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2008, la pratique de l’excision n’est pas prête à prendre fin et les menaces de mort contre les individus comme Dame Philomène Tiehi, madame Lloyd et madame Mariam Black ne prendront pas vite fin lorsqu’on sait que l’excision, selon Jean-Claude Oulai «est gérée par une gérontocratie féminine chargée de veiller à la sauvegarde des « intérêts » de l’institution ».

Une correspondance de
McIntosh Zadi